OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Tunisie: petite histoire illustrée d’Ammar (MAJ) http://owni.fr/2011/01/14/tunisie-petite-histoire-illustree-d-ammar/ http://owni.fr/2011/01/14/tunisie-petite-histoire-illustree-d-ammar/#comments Fri, 14 Jan 2011 18:17:08 +0000 Claire Ulrich http://owni.fr/?p=41732 Mise à Jour : c’est évidemment avec un immense plaisir que nous annonçons la nomination aujourd’hui 17 janvier 2010 de Slim Amamou, dont il est question dans cet article, au poste de Secrétaire d’état à la jeunesse et aux sports dans le gouvernement provisoire tunisien. Pourquoi pas ministre de l’information ? Parce que celui-ci a été aboli, au vu de son lourd passé détaillé ci-dessous :) Le premier ministre tunisien promet une “liberté totale de l’information” et la libération des prisonniers d’opinion. Mabrouk !

La censure de type “industriel” d’Internet qu’a pratiqué le ministère tunisien de l’Intérieur pendant dix ans, et que l’on découvre aujourd’hui, n’avait rien à envier à la censure chinoise ou iranienne. Comme son état ultra policier, et les privations de libertés civiques en Tunisie, la cyber-censure a été ignorée de l’Occident et ses cyber-dissidents n’ont quasiment jamais été écoutés ou soutenus. Depuis 2005, ils étaient une poignée, et ont  inventé à eux seuls ce que l’on appelle aujourd’hui le cyber-activisme à travers leur lutte en ligne contre “Ammar”, le sobriquet tunisien de la cyber-censure.

La 404 bâchée

Ammar n’existe pas, mais Ammar travaille bien pour le ministère de l’Intérieur, ou bien l’ATI (Agence Tunisienne de l’Internet). Ammar est le chauffeur de la “404 bâchée”. La “404 bâchée” est non seulement une camionnette vintage mythique en Afrique du Nord, c’est aussi une jolie image pour parler à mots couverts d’un site censuré en Tunisie. Une erreur 404, en jargon d’informaticien, est le message d’erreur qu’envoie un serveur informatique pour signifier qu’une page Internet n’existe pas. Cette page web existe, bien sûr. Mais un logiciel de filtrage du web, ou une manipulation policière, empêche tout ordinateur d’y accéder à l’échelle d’un pays. Ce message d’erreur 404 apparaissait si régulièrement sur les écrans d’ordinateurs tunisiens qu’il a inspiré une multitude de graphismes, logos, badges, bannières de blogs,  pour protester contre la censure des blogs tunisiens, des sites et blogs étrangers, puis, depuis 2008, des réseaux sociaux, des sites de partages de photos et de vidéos (YouTube,  Flickr, Vimeo, etc).

Une "404 bâchée" - illustration du groupe tunisien "Error 404" sur Facebook

Capture d'écran d'une preuve du filtrage de l'ATI (Autorité Tunisienne de l'Internet) : toute requête envoyée par un ordinateur vers un site était filtrée d'abord par l'ATI

Bannière d'une campagne tunisienne contre la cyber-censure

Campagne de protestation contre la censure des sites de partage de vidéos. Site Nawaat.org

Merci qui ? Merci l’ATI 

L’Agence Tunisienne d’Internet (ATI) a été fondée dès 1996 et contrôlait toutes les politiques et les fournisseurs d’accès à Internet tunisiens. Encore une contradiction : la Tunisie a très tôt promu et démocratisé les TIC (Technologies de l’Information et de la Communication) et est vite devenu une vitrine  rutilante de nouvelles technologies, de sous-traitance informatique et de taux record de  jeunes ingénieurs informatique, au point de décrocher l’honneur d’organiser à Tunis en 2005 le Sommet Mondial sur la Société de l’Information. Des dissidents et des organisations de défense des droits de l’homme avaient protesté, sans échos. Matrix ne pouvait pas se jouer en Tunisie, impossible.

L’ATI aurait dès l’année 2000 mis en place ou imposé aux FAI le naturellement très secret système de surveillance automatisée et de censure des contenus en ligne et des internautes, que ce soit à leur domicile, sur les ordinateurs d’accès public, ou dans les publitels (cyber-cafés), où il est obligatoire de présenter ses papiers d’identité avant de se connecter. Il se trouve que l’ATI a toujours été dirigée par des femmes, trois exactement : Khédija Ghariani, Faryel Beji, Lamia Chafaï Sghaïer. Quelques minutes de travail sur Photoshop, et les Tunisiens leur avaient trouvé un surnom : les  Ben Ali’s Angels.

Les Ben Ali's Angels, Anges de la censure d'Internet. Parodie d'affiche, mettant en vedette les trois directrices successives de l'ATI, l'Agence Tunisienne de l'Internet (Illustration disponible sur Nawaat.org)


Filtrage du Net : les suspects habituels

Une censure d’Internet de cette envergure n’est pas seulement affaire de policiers bien formés et zélés. Il est plus que probable que la Tunisie a fait l’acquisition de logiciels de “filtrage” de l’intégralité de son web, et qu’elle a été l’une des premières clientes de Smartfilter, l’outil de référence des régimes qui censurent leur Net, aux côtés de Blue Coat et de WebSense. Créé par  la société américaine Secure Computing, rachetée depuis par le grand de la sécurité McAfee, Smartfilter permet à ses “grands comptes” de bloquer des catégories entières de sites de façon automatique  et de “modeler” son web national en fonction de sa politique depuis les fournisseurs d’accès. Ce qui a poussé les internautes tunisiens à très vite s’initier à leur tour aux logiciels de contournement de la censure, tels que TOR, ou les VPN (Virtual Private Network), pour consulter ce qu’ils voulaient, anonymement. L’Open Net Initiative, un réseau de chercheurs sur la cyber-censure de trois universités (Harvard, Toronto, Ottawa) , a publié en 2008 un diagnostic de l’Internet tunisien après des tests conduits sur place ou à distance. Helmi Homan, le chercheur spécialiste de la zone Afrique du Nord  Moyen-Orient, a renouvelé ces tests durant la première semaine de janvier 2011. Ses conclusions identiques à celles de 2008 ne surprendront pas. Le web tunisien était totalement censuré par des logiciels automatiques de filtrage.

Intimidations, prison, prison, prison

Zouhair Yahyoui - Photo Pen.org

Le cyber-humour tunisien ne peut pas adoucir les ravages qu’a produit cette souricière à deux temps, où la police prend le relai de la cyber-police pour appliquer une législation redoutable. La Tunisie a fait sa première cyber-victime dès 2000.  Zouhair Yahyaoui, webmaster du site Tunezine, a été arrêté dans un cyber-café de Tunis, pour “propagation de fausses informations”, c’est-à-dire la publication sur son site du sondage suivant : “La Tunisie est-elle une république,  un royaume, un zoo, une prison ?” Condamné à deux ans de prison, torturé, il est décédé peu après sa libération d’un infarctus, à 35 ans.

Parmi des affaires plus récentes, deux parmi d’autres : le 14 mai 2009, la 5ème chambre du Tribunal de première instance de Tunis a condamné  une étudiante en technologies de l’information et de la communication de 22 ans, Mariam Zouaghi, à six ans de prison pour avoir consulté des sites Web interdits, mis en ligne des articles sur de supposés “forums extrémistes” et  recueilli des fonds pour soutenir la population de la bande de Gaza. Le 4 juillet 2009, la 8e chambre du tribunal de première instance de Tunis a condamné une professeur d’université à la retraite, Khedija Arfaoui, à huit mois de prison pour diffusion sur Facebook de “rumeurs susceptibles de troubler l’ordre public”.

Tout journaliste ou internaute “non autorisé” risquait en Tunisie une palette de représailles débutant par de simples “intimidations”, comme celle-ci, filmée avec un téléphone portable le 27 janvier 2009. Des policiers en civil encerclent les bureaux d’une radio par satellite de Tunis, Kalima, et arrêtent un de ses journalistes, Dhafer Ottey.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

La réalité augmentée des prisons tunisiennes

Pour lutter contre le silence et l’incrédulité, outre de “classiques” vidéos d’opposants laissées sur YouTube, comme la vidéo du pointage des déplacements de l’avion présidentiel tunisien, les cyber-activistes tunisiens ont innové avec de nouvelles formes d’information et de mobilisation en ligne. Sami Ben Gharbia, réfugié politique tunisien et créateur du site Global Voices Advocacy pour la liberté d’expression en ligne, a créé dès 2005 une carte Google des prisons tunisiennes, enrichies de vidéos et animations flash, lançant ainsi le “Maptivism” (activisme par les cartes) avant que le mot n’existe. En cliquant sur chaque marqueur, il est possible d’accéder à des lettres des familles des prisonniers, des articles de presse, des vidéos.Voici par exemple l’animation flash créée pour la prison de Zarzis. Plusieurs fois piratées sur différents blogs et sites, cette carte est aujourd’hui hébergée sur le portail dissident tunisien Nawaat.org.

Le siège virtuel du palais de Carthage sur Google Earth

Le même groupe de dissidents a aussi lancé le cyber-siège du palais présidentiel de Tunisie sur Google Earth. En insérant des vidéos et des témoignages  sur les lieux clés du pouvoir tunisien sur Google Earth , ils donnaient ainsi aux internautes du monde entier qui survolaient par hasard ces lieux des informations inattendues : vidéos de témoignages, appels à la libération des prisonniers politiques, et tout document impossible à consulter depuis la Tunisie ou ignoré ailleurs. Pour ceux qui n’ont pas accès à Google Earth, voici une vidéo de démonstration.

Le temps des pirates

Bannière de "recrutement" de hackers pour pirater les sites du gouvernement tunisien

Lors du dernier Réveillon, alors que la Tunisie ne faisait pas encore les gros titres, un groupe inattendu de soutien est arrivé à la rescousse des manifestants tunisiens : Anonymous, la “légion” de hackers qui avait peu de temps auparavant piraté le site de Amazon, de Paypal, de Mastercard, en représailles des représailles contre les sites Wikileaks. Les sites phares du gouvernement tunisien n’y ont pas plus résisté.

Image laissée sur les sites piratés du gouvernement tunisien : "La revanche, ça craint, pas vrai ?"

Il est utile de préciser que le gouvernement tunisien a fait le premier dans le piratage – ou si ce n’est lui, ses intérimaires loués à la tâche, souvent doté d’adresses IP très exotiques (Turquie, Asie centrale).  Sinon, pourquoi aurait-on pu compter des dizaines de blogs d’opposants tunisiens hackés et détruits de façon très ciblée au cours des cinq dernières années, que ce soit en Tunisie même ou à l’étranger, et quel pirate aurait pu tant en vouloir personnellement à des dissidents isolés ? Voici par exemple le graphique laissé sur le blog détruit de “Citizen Zouari” ,  l’ancien détenu politique  Abdallah Zouari, en 2009. Abdallah Zouari, assigné à résidence à 500 km de son domicile, s’est vu signifier à la même époque l’interdiction de se connecter à Internet ou même d’entrer dans les cyber-cafés locaux.

Image laissée par les hackers sur le blog de l'opposant tunisien "Citizen Zouari", signée "Samouraï"

Quelques captures d'écran des signatures de pirate après destruction de blogs tunisiens d'opposition (Tunisia Watch, Kitab, Tunisnews)

Hameçonnage et intrusions variées

Toujours très pointu, “Ammar” a également fait dans l’intrusion criminelle : les opposants tunisiens à l’étranger se sont régulièrement, depuis 2008, trouvés aux prises avec un “hameçonnage” (vol) de leurs identifiants et mots de passe conduit de façon extrêmement ciblée, et qui se sont reproduits à grande échelle durant les premières semaines de la contestation en Tunisie. Le blogueur Tunisien Slim Amamou, arrêté à Tunis le 6 janvier dernier, puis libéré le 12, avait fait en juin 2010 une analyse de ces intrusions. Auparavant,  le même groupe de blogueurs réunis autour du portail Nawaat.org avaient aussi découvert que le texte de leurs mails reçus dans leur compte privé pouvait être vraiment très différent selon que le destinataire se trouve en Tunisie, ou à l’étranger. Ci-dessous, une lettre d’information diffusée par e-mail de Tunis News vue de l’étranger…

La lettre d'information par e-mail de Tunis News vue depuis un compte mail en Europe

Ci-dessous, le contenu du même mail, depuis le compte d’un abonné en Tunisie. Un faux spam…(Source : blog de Sami Ben Garbia)

Facebook et Twitter : la contestation en images

Facebook et Twitter ont fourni aux internautes tunisiens le refuge qu’ils attendaient pour s’informer et s’exprimer. Deux plateformes difficiles à bloquer pour Ammar, que ce soit techniquement, ou politiquement, quand plus de un million de Tunisiens sont utilisateurs, sauf à vouloir empirer la contestation.  Ces plateformes sont au cœur de la “révolution du jasmin” depuis décembre 2010, et la photo du profil est devenu le lieu d’exposition des slogans et étapes de la contestation, de la répression, et d’une révolution.

Illustration publiée par @Bard_MeChebeK sur Yfrog

Illustration du portail Internet Nawaat : offre d'emploi pour jeune chômeur tunisien.Principales responsabilités : * Destitution du dictateur Ben Ali * Instaurer l’État de droit * Rétablir la dignité Tunisienne


Le drapeau tunisien, après la répression des manifestations à Thala et Kasserine (sur Facebook), devenu le nouveau profil de beaucoup d'internautes tunisiens sur FB et Twitter

Image de profil Facebook

Aujourd’hui, parmi les vidéos “explicites” d’un véritable carnage, vues sur YouTube ou Facebook,  sauvegardées comme témoignages sur des sites miroirs pour les enquêtes qui devront être menées , il y a aussi celle-ci, où les manifestants tunisiens chorégraphient le mot liberté en arabe, et cette fois-ci, dans la vie réelle :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Image de une Nawaat

Retrouvez notre dossier sur la Tunisie et celui de Global Voices

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Haïti : Ce qui s’est passé après la réplique http://owni.fr/2010/01/21/haiti-ce-qui-sest-passe-apres-la-replique/ http://owni.fr/2010/01/21/haiti-ce-qui-sest-passe-apres-la-replique/#comments Thu, 21 Jan 2010 15:41:31 +0000 Claire Ulrich http://owni.fr/?p=7173 Tôt ce matin mercredi 20 janvier, à environ 6h du matin heure locale, une forte réplique (évaluée à 6.1 degrés de magnitude) a à nouveau terrifié les habitants du sud de Haïti, avec un épicentre situé près de la ville de Petit-Goâve, à l’ouest de Port-au-Prince. Il s’agissait de la plus forte d’une série de répliques qui ont suivi  le  tremblement de terre du 12 Janvier qui a dévasté la capitale et les zones environnantes   (beaucoup de  Haïtiens dont la maison est toujours debout mais fissurée dorment à l’extérieur par précaution.)

Les réactions ont presque immédiatement surgi en ligne, à commencer sur Twitter. Forte réplique ! Merde !” a écrit @carelpedre (le journaliste de radio Carel Pedre) depuis Port-au-Prince. Réplique majeure, juste en ce moment  …ça m’a l’air d’une force cinq ,” a écrit  @troylivesay (le travailleur humanitaire Troy Livesay), presque simultanément. Je suppose qu’on a pas besoin de réveil quand la terre tremble et vous réveille comme si vous êtiez en retard pour un rendez-vous urgent ” a commenté @olidups (Olivier Dupoux). La réplique a aussi été signalée par @bibinetallez (Fabiola Coupet) à Petionville et @yatalley (le blogueur Yael Talleyrand) à Jacmel.

@RAMhaiti (musicien et propriétaire d’hôtel  Richard Morse) a été plus prolixe :

Encore un !! Bonjour. Hier soir je me suis couché en me demandant pourquoi je dormais toujours dehors. Ce matin, j’ai compris pourquoi.

Oui, il y a eu un autre tremblement de terre. Pas aussi long, pas aussi fort. C’était comme quand votre mère vous secoue le matin pour vous sortir du lit

Les gens hurlaient aux alentours…J’ai entendu ce qui semblait être une construction s’écrouler

Les photographes sont sortis en ville pour prendre des photos de ce qui s’était passé…Ils ont tous commencé à dormir à l’intérieur je sais pas pourquoi

Plus tard dans la matinée, des nouvelles des nouveaux dégâts ont été publiées. @troylivesay : Encore des maisons et des immeubles écroulés à cause de la réplique de  ce matin. Encore plus de monde à la rue à nouveau ce matin ” @RAMhaiti a ajouté: Un ami journaliste est allé dans la zone Carrefour Feuille après la réplique de ce matin. Dit que ce k je croyais être un immeuble qui s’écroule était plusieurs petits ”.

On a dit aussi que l’accès a internet était devenu impossible, mais on ne sait si cela a été provoqué par la réplique. @troylivesay a juste remarqué “plus d’internet”, et @JoyInHope (association caritative à Jacmel) : “Pas d’accès via AccessHaiti  à #Jacmel mais nous avons accès à iChat par satellite. L’information va être lente et rare aujourd’hui.”

Les blogueurs sur place à Haïti décrivent aussi la réplique et son effet sur les nerfs des habitants. Ellen in Haiti, une Canadienne qui travaille pour une organisation caritative dans le village de Fond des Blancs, a écrit :

Il est 6:15 et tout le monde est dehors dans la cour. Nous venons de subir une très forte réplique qui a duré environ 10 secondes. Comme d’habitude, nos pensées vont droit à Port-au-Pince où tout est si instable.

J’étais assise à la table de la cuisine en train d’écrire des e-mails et j’ai senti quand ça a commencé, je m’attendais à une autre petite réplique. Ça a grandi en intensité, ça ne s’arrêtait pas, alors j’ai crié pour appeler Nancy et nous avons couru dehors.

Les gens avaient juste commencé à respirer hier, ils travaillaient à l’intérieur des maisons ils dormaient dedans. Maintenant, ils vont de nouveau rester dehors.

BuxmanHaiti, qui elle aussi travaille pour une association caritative à Port-au-Prince, exprime une angoisse certainement partagée par beaucoup:

Je suis si fatiguée. J’ai si peur que ce deuxième séisme ait provoqué d’autres dégâts et d’autres morts. Je suis sure que la clinique va être débordée aujourd’hui…Ce matin durant le tremblement de terre j’ai sauté du lit en j’ai couru en hurlant “sortez, sortez” comme si les gens ne savaient pas qu’il fallait faire ça!

Sur le blog The Livesay [Haiti] Weblog, Troy Livesay commente:

C’est la réplique la plus forte qu’on a eu. J’ai regardé sur le Net et j’ai vu qu’ils disaient que c’était une  6.1. Je ne peux même pas décrire à quel point tout le monde est terrorisé…Ces répliques ramènent tout à la surface. Je suppose que de nombreuses constructions qui tenaient par un fil sont par terre maintenant. La réplique a duré environ 15 secondes. Le premier tremblement de terre avait duré largement 45 secondes. Chaque fois que quelqu’un ouvre le portail d’entrée (il fait beaucoup de bruit) on saute sur nos pieds pour sortir de la maison.

Mais peu après, il annonçait une nouvelle tentative pour amener les blessés à la clinique que son association gère. Pour beaucoup de personnes à Haïti, le nouveau choc de la réplique de  ce matin a déjà été surmontée par l’instinct de survie et de surmonter la catastrophe de la semaine dernière.

Le dossier spécial sur Haïti de Global Voices est ici.

» Article initialement publié sur Global Voices

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Danah Boyd : “Voyez-vous ce que je vois ?” http://owni.fr/2010/01/17/danah-boyd-voyez-vous-ce-que-je-vois/ http://owni.fr/2010/01/17/danah-boyd-voyez-vous-ce-que-je-vois/#comments Sun, 17 Jan 2010 18:35:31 +0000 Claire Ulrich http://owni.fr/?p=7012 [NDLR] Ce texte est la traduction de l’intervention de Danah Boyd aux conférences Supernova et Le Web. Il a été traduit par Claire Ulrich, qui anime par ailleurs la plateforme Global Voices en français. Bienvenue :-)

” Voyez-vous ce que je vois ? Visibilité des pratiques à travers les réseaux sociaux en ligne “

[Ce texte est une version de travail non définitive de l'intervention - traduction de Claire Ulrich]

[English version]

Citation: boyd, danah. 2009. “Voyez-vous ce que je vois? Visibilité des pratiques à travers les réseaux sociaux en ligne.” Conférences Supernova et Le Web. San Francisco et Paris, 1 et 10 décembre 2009.

Voyez-vous ce que je vois ?

L’intervention d’aujourd’hui s’intéresse à la visibilité, au pouvoir de ce que vous pouvez voir, que vous regardiez ou non.

Identifiez-vous sur votre compte Twitter. Identifiez-vous sur votre page Facebook. Ce que vous voyez est un monde que vous avez construit. Ces personnes sont VOS “amis”, les personnes que vous avez choisies de suivre.  Ou du moins, les personnes qui vous ont séduit, au point de les suivre. Ces personnes déterminent ce que vous vivez sur les réseaux sociaux en ligne.

Elles parlent de choses qui sont importantes pour vous, parce que vous les connaissez personnellement, ou bien parce que vous aimez la façon dont elles pensent. Elles parlent comme vous. Ou, plus précisément, vous parlez comme elles ; car même si vous pensez peut-être que vous parlez à votre “audience”, votre sens des NORMES se base sur les contenus [numériques] que vous lisez. Alors, en réalité, vous parlez aux personnes que vous “suivez” [en ligne], même si elles ne sont peut-être pas celles qui écoutent vraiment. Vous ne parlez pas aux gens qui vous suivent, même si, en fin de compte, ce sont peut-être ceux qui vous écoutent vraiment. Vous ne parlez pas à votre “audience” mais aux gens que vous aimez observer.

Votre perception de ce que les gens font avec les médias sociaux en ligne est extrêmement dépendante de ce que vous consommez, de comment vous le consommer, et de pourquoi vous êtes là pour commencer. La mienne aussi. Le monde où vous vivez en ligne à l’air différent du monde où je vis. Et il semble différent du monde où vit un adolescent moyen. Et il semble différent du monde où vit Lady Gaga. Et il semble différent du monde pratiqué par des personnes d’autres milieux sociaux. Nos mondes [en ligne] sont différents, même si l’interface nous donne l’impression qu’ils sont les mêmes.

Ce que font les médias sociaux en ligne est donner la possibilité d’observer la vie des autres. Ou, plus exactement, de voir les traces d’un aspect de leur vie. Les catégories de médias sociaux publics accessibles par tous nous donnent le pouvoir d’accéder à des mondes qui sont différents des nôtres. Où que nous nous trouvions dans le monde, nous pouvons voir les expériences de personnes qui sont différentes de nous. Mais sommes-nous ne serait-ce qu’en train de regarder ?

facebook

J’ai une habitude étrange. Chaque jour, je vais sur la page de recherches sur Twitter, et je lance des recherches sur des mots communs. J’admets que j’effectue essentiellement des recherches en anglais car mes connaissances linguistiques dans d’autres langues sont pauvres. Mais parfois, je joue à regarder dans d’autres langues, juste pour m’amuser. Je lance des requêtes de recherches sur des mots comme l’article “the” (le/la) ou, encore mieux, “teh” [ndt : avec une faute de frappe] juste pour voir ce que les gens écriront. Je fais des recherches sur des mots courants et des mots choisis au hasard.

Pourquoi diable est-ce que je fais ça ? Je fais ça pour regarder de façon routinière des modes de vie différents des miens. En tant que chercheuse et universitaire, c’est une technique essentielle. Je suis familière de Twitter, de Facebook et de MySpace en tant qu’abonnée active, mais pour observer, j’ai besoin de m’éloigner de mon cadre étroit. Heureusement qu’il existe les fonctions Recherche et Explorer. Je regarde dans la vie des gens pour avoir une idée des différentes pratiques culturelles qui sont en train d’émerger. Mais vous pouvez aussi regarder ce que les gens font.

Les mêmes outils qui me donnent la possibilité – et à vous aussi – de progresser au-delà de nos mondes personnels introduisent de nouvelles complications. Le plus grand défi, avec cette possibilité de regarder, est de savoir comment interpréter les informations que nous voyons. Ce que nous voyons n’est pas toujours ce à quoi nous pourrions nous attendre.

Laissez-moi vous donner trois exemples tirés de mes recherches sur les jeunes et les réseaux sociaux qui illustrent différentes problématiques de la visibilité, dans ce qui est rendu accessible et dans l’interprétation que les gens en font.

1. Employée de commission d’admission dans les universités américaines

Quand MySpace était juste en train d’acquérir une visibilité en dehors des populations qui l’avaient adopté de façon précoce, j’ai reçu un appel d’une personne qui siégeait à la commission d’admission d’une université prestigieuse de la côte Est des États-Unis. L’université avait reçu un dossier de candidature d’un jeune homme noir qui vivait dans le Quartier South Central de Los Angeles. Il avait écrit une lettre de candidature déchirante, exposant à quel point il voulait quitter son quartier livré aux gangs. Quand l’université a consulté son profil sur MySpace, ils ont été consternés. Son profil était rempli de visuels de gangs et de références à ses activités dans les gangs.

La question qu’on me posait était : pourquoi les jeunes d’aujourd’hui mentent-ils alors qu’il est possible de voir la “vérité” en ligne ? Je me suis mise à rire. Ce gamin de South Central ne mentait pas à l’employée de la commission d’admission. Il tentait de survivre. Chaque jour, il marchait jusqu’à son école de South Central. Pour survivre dans cette école, dans ce quartier de South Central, il faut faire partie de la culture des gangs. Il s’exprimait en ligne pour ses camarades d’école, pas pour l’employée de la commission d’admission. Et pourtant, l’employée de l’université avait la capacité de voir. Et elle a mal interprété ce qu’elle a vu…

Je ne sais pas ce qu’a été le destin de ce jeune homme, mais j’espère que ma conversation avec l’employée des admissions a aidé celle-ci à saisir que ce que vous voyez n’est pas toujours un reflet exact de la réalité. Tout est dans le contexte. Trop souvent, nous interprétons le contenu que nous voyons hors contexte, croyant que nos attentes sur ce que devrait être le monde s’appliquent aux autres.

2. Accès parental

Le père d’une jeune fille de 16 ans était extatique quand sa fille l’a invité à devenir son “ami” sur le réseau MySpace. Son profil était privé car elle ne voulait pas que des inconnus fouinent dedans. Son père approuvait tout à fait ça, mais était aussi déçu d’être exclu. Donc, quand elle l’a invité à être son ami, il était fou de joie. Et ensuite, il est allé voir son profil.

Au milieu du profil, il a trouvé un test de personnalité. La question était : “Quelle drogue êtes-vous ?”. Et la réponse était cocaïne ! Il ne savait pas comment réagir. Mais il a fait ce qu’il fallait faire. Il est allé voir sa fille et a demandé, avec respect, une explication.

Elle lui a ri au nez, avec cette voix [qu'ils ont] quand ils disent “Oh, papa !” Elle lui a ensuite expliqué que c’était juste un quizz. Que tout le monde dans son école en faisait et qu’ils ne voulaient pas dire grand chose. Mais qu’ils étaient amusants. Perplexe, il lui a demandé comment elle s’était retrouvée comme cocaïne. Elle lui a expliqué que les réponses qu’on donne orientent automatiquement le résultat. Et qu’en y réfléchissant, elle avait pensé que les camarades d’école qui fumaient du shit étaient nuls et qu’elle ne voulait pas être comme eux. Et que ceux qui prenaient des champignons hallucinogènes étaient dingues. Et elle a alors dit cette phrase, qui a tout éclairé : “Mais votre génération a pris beaucoup de coke et vous vous en êtes bien tirés.”

Son père ne pouvait pas répondre grand chose à ça. Ses tatous ne lui permettaient pas de cacher son passé. Toujours incertain, il lui a demandé si elle prenait de la coke. Elle a immédiatement répondu avec exaspération et horreur “Mon Dieu, non !”

Ce père a choisi de regarder, mais il a aussi choisi de voir. Plutôt que de mal interpréter ce qui était visible, il a pris la décision de comprendre le contexte. Il ne l’a pas obligée à effacer [le quizz], mais a au contraire saisi cette occasion pour avoir avec elle une conversation franche qu’il est très content d’avoir eu. Choisir de regarder est une chose : avoir le courage de reconnaître que notre interprétation peut ne pas être exacte en est une autre. La clé est de poser des questions, de parler, de lancer des conversations.

3. Violences familiales

Dans le Colorado, une jeune fille prénommée Tess a assassiné sa mère avec l’aide de quelques uns de ses camarades. Quand les journaux télévisés ont parlé de l’affaire, ils en ont parlé comme “Ado sur Myspace assassine sa mère”. Cela m’a poussée à aller visiter sa page sur MySpace ; son compte MySpace et tout ce qu’il contenait étaient entièrement publics. C’était un crève-cœur. Pendant des mois, elle avait témoigné des crises de rage folle de sa mère alcoolique à travers ses messages publics sur MySpace. Des comptes rendus détaillés de comment sa mère la battait, lui hurlait dessus et la tourmentait psychologiquement. Des débordements d’émotions, de frustration et de rage, de dépression et confusion mentale. Sa propre décision de commencer à abuser de l’alcool, sa propre confusion sur quoi faire. Ses amis avait laissé des commentaires, offrant leur soutien émotionnel. Mais ils étaient dépassés et aucun adulte ne se manifestait dans ces commentaires.

En lisant la page MySpace de Tess, j’ai trouvé des commentaires d’une de ses amies proches qui prenait sa défense, après son arrestation. Le compte de cette amie était également public, il débordait d’une confusion à tordre le cœur, de souffrance et d’incertitude. J’ai décidé que je ne pouvais pas garder le silence, alors j’ai communiqué avec cette jeune fille et nous avons commencé une conversation [en ligne]. Elle m’a dit que tout le monde savait que la mère de Tess la battait, mais que personne ne savait quoi faire. Personne ne voulait écouter. Et évidemment, au fur et à mesure que cette affaire allait se révéler, nous allions apprendre que les services sociaux avaient été informés des violences qu’elle subissait par les professeurs, que rien n’avait été fait. Les jeunes de son monde se sentaient impuissants, incapables, même après le drame, de trouver un soutien auprès des adultes de leur communauté. J’ai conseillé à cette jeune fille de demander de l’aide à un adulte, puisque j’étais incapable d’apporter une aide valable de loin. Mais il est devenu évident qu’elle n’avait pas d’adulte autour d’elle à qui elle pouvait s’adresser.

Juste avoir la possibilité de voir ne signifie pas que nous regardons vraiment. Et souvent, comme dans ce cas, nous ne regardons pas quand les personnes ont le plus besoin de nous.

IMPLICATIONS DE LA VISIBILITÉ

Chacun de ces cas soulèvent des questions critiques qu’il faut affronter, mais agrégés, ils nous invitent a réfléchir à la visibilité. La nature publique et en réseau d’Internet crée le potentiel pour la visibilité. Nous avons le pouvoir de voir dans les vies de tant de gens qui sont différents de nous. Mais seulement quand ils choisissent de regarder. Alors, qui regarde ? Pourquoi regardent-ils ? Et dans quel contexte interprètent-ils ce qu’ils voient ?

Dans la plupart des cas, ceux qui regardent sont ceux qui détiennent le pouvoir sur la personne qui est observée. Les professeurs regardent. Les employeurs regardent. Les gouvernements regardent. Les multinationales regardent. Ces personnes regardent souvent pour juger ou manipuler. De par la position de pouvoir qu’ils détiennent, ceux qui regardent pensent souvent qu’ils ont le droit de regarder. L’excuse est simple : “C’est public.” Mais ont-ils le droit de juger ? Le droit de manipuler ? Ceci, bien sûr, est l’essence des débats sur la surveillance. Alors, nous débattons et débattons et débattons sur le droit à la vie privé dans les espaces publics.

Mais la vie privée est un sujet complexe. [Autrefois], nous avancions le droit à la vie privée pour justifier ce qui se passait dans la sphère domestique, y compris la violence familiale. L’idée que la violence familiale a été à une époque acceptable est difficile à imaginer aujourd’hui, dans ce monde, mais il n’y a pas si longtemps, la logique disait ceci : “C’est ma femme, c’est ma maison, je peux faire d’elle ce que je veux.” Nous ne pouvons pas utiliser la notion de la vie privée pour justifier le droit d’abuser des personnes en privé. Mais nous ne pouvons pas non plus invoquer le droit à la vie privée pour justifier le fait de ne pas regarder quand des personnes souffrent ou quand elles appellent à l’aide. Nous avons besoin de trouver un équilibre qui nous permette de garder le contrôle sur nos informations mais aussi d’être entendus quand nous avons besoin d’aide et de soutien.

Je veux m’arrêter là-dessus un moment et examiner cela. Quand devrions-nous regarder ? Pas regarder pour juger ou manipuler, mais regarder pour apprendre, soutenir, ou évoluer ? Est-ce ce que nous ne devrions pas regarder pour les gamins à risques, qui sont en danger ?  Ne devrions-nous pas être disposés à voir leurs histoires, leur douleur, leur blessure ?  Ne devrions nous pas regarder pour voir le monde plus largement ? Ne devrions nous pas être disposés à voir pour apprendre dans quelle société nous vivons et la transformer ?  Ceci est l’essence de ce que Jane Jacobs a appelé  “les yeux dans la rue”.

Cela me brise le cœur qu’il y ait des jeunes, là bas, qui hurlent au secours. Et que personne n’écoute.

Ce qui est rendu visible en ligne est le meilleur et le pire de la société. Dans [notre] milieu, nous adorons parler de transparence de l’information, du pouvoir de l’action collective, de la beauté des contenus numériques créés par les utilisateurs du Web. Mais que se passe-t-il quand nous sommes aussi forcés de voir les inégalités, le racisme et la misogynie, la cruauté et la violence ? Que se passe-t-il quand les contenus là-bas ne sont pas des contenus idéalisés ? Souvent, nous essayons de bloquer les contenus numériques qui posent problème, mais que faisons-nous pour aider à parvenir à la racine du problème ?

L’une des raisons pour lesquelles les personnes ont peur des technologies est qu’elles rendent visibles les choses que nous n’aimons pas. Les parents se sentent mal à l’aise en voyant les bizutages et le harcèlement qui arrivent tous les jours dans les écoles de tout le pays. Ils accusent alors la technologie de rendre visible ce qui a toujours existé. La violence à l’école n’est pas en hausse vertigineuse, mais elle est beaucoup plus visible maintenant, plus que jamais auparavant. Ceux qui ont déménagé pour vivre dans des résidences clôturées et surveillées, pour échapper aux gens qui sont différents d’eux, ont horreur d’être obligés de voir la diversité. Ils se plaignent donc des technologies qui présentent des valeurs culturelles éloignées de leur zone de confort.

Souvenez-vous de ceux qui se sont plaints quand les Trending Topics (mots les plus cités) sur la plateforme de micro-blogging Twitter ont été les noms des icônes de la communauté noire américaine durant la remise des prix de télévision, les Black Entertainment Television awards. Des messages sur Twitter tels que : “Wow!! Trop de nègres pour moi dans les Trending. Je crois que je vais arrêter avec toute cette histoire de Twitter” et “Vous avez vu les derniers Trending topics ? J’ai l’impression que ce n’est pas un très bon quartier. Mettez le verrouillage automatique des portières, les enfants.” et “Pourquoi tous ces noirs sont sur les Trending topics ? Neyo? Beyonce? Tyra? Jamie Foxx? On recommence le Mois de l’histoire des noirs ou quoi ? LOL”. Ces messages devraient provoquer un frisson dans le dos. Peut-être ces personnes pensaient que Twitter était un espace majoritairement blanc, où les noirs étaient acceptés et bienvenus uniquement en tant que minorité.

Tout le monde ne partage pas nos valeurs, et peut-être que nous devrions accepter cela. Mais je répliquerais que nous devrions être informés pour que nous puissions apporter des changements à ce que nous voyons dans ce monde. Nous avons le pouvoir de construire ces systèmes. Au lieu d’être formés par notre imaginaire, par ce que nous croyons qu’il se passera, nous pouvons être informés sur le monde tel qu’il est. Et utiliser cela pour orienter la création de systèmes afin d’apporter des changements, afin d’aider à la création d’un monde dans lequel nous souhaitons vivre.

Puisque nous réfléchissons à la société numérique que nous sommes en train de créer, je vous invite à réfléchir à la visibilité. Que pouvez-vous voir que vous ne pouviez pas voir avant ? Quelles réactions cela provoque en vous ? Et qu’allez-vous faire à ce sujet ? Il est peut être temps pour nous de nous colleter à la visibilité et de prendre un moment pour regarder. Prenez un moment pour voir. Et, plus important que tout, prenez un moment pour agir.

Merci beaucoup !

» Article initialement publié sur danah.org

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