OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Les salades bio des politiques http://owni.fr/2012/04/07/les-salades-bio-des-politiques/ http://owni.fr/2012/04/07/les-salades-bio-des-politiques/#comments Fri, 06 Apr 2012 22:46:28 +0000 Dorothée Descamps http://owni.fr/?p=105034 OWNI a voulu en savoir plus en visitant les cantines de France où l'on mange bio. Complètement bio. ]]>

Moins 2% de bio dans les écoles. C’est sur la base de ce constat que reposait, au mois de janvier déjà, la campagne du WWF, “Oui au bio dans ma cantine“. Ce piteux résultat est en effet assez loin des recommandations du Grenelle de l’environnement, qui préconisait, pour l’année 2012, 20% de bio dans les restaurations collectives avec en parallèle 6% de surfaces de production bio. La circulaire gouvernementale, rédigée peu après le Grenelle, affirmait :

L’objectif, pour l’année 2010, est d’introduire 15 % de denrées issues de l’agriculture biologique dans les menus et d’atteindre 20 % en 2012.

Au plan des collectivités territoriales, premiers responsables des cantines scolaires, l’effort ne peut venir que des élus. Mais leur éventuelle bonne volonté ne s’accompagne pas d’une quelconque aide financière ou d’incitations de la part de l’administration. Néanmoins, des initiatives isolées montrent a priori des résultats au-delà de toutes les espérances.

Ainsi, dans les Alpes-Maritimes, la commune de Mouans-Sartoux a annoncé, début 2012, être à 100% bio pour la restauration des enfants des écoles et des crèches, ainsi que pour le personnel municipal. À l’origine, une conviction du maire, André Aschieri, par ailleurs fondateur de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET), fin connaisseur des enjeux environnementaux et de l’impact des polluants chimiques sur la santé. C’est à ce titre qu’il a introduit dès 1999 le boeuf bio au sein des cantines. Selon Gilles Pérole, adjoint délégué à l’éducation et à l’enfance :

Tout s’est fait de manière très progressive. Proposer des menus entièrement bio implique nécessairement de faire venir certaines denrées d’autres régions voire d’autres pays. 94% de nos produits sont strictement français et 63% proviennent de la région PACA et du Piémont voisin. Nous sommes les seuls pour l’instant à posséder une régie municipale qui nous permet de produire nous même une partie des produits dont nous avons besoin. Ainsi sur les 30 tonnes de nourriture nécessaire, nous en avons produit 10 tonnes en 2011 et escomptons arriver 20 tonnes sur cette année.

Un agriculteur et un ouvrier sont actuellement employés par la ville pour mener à bien cette expérience. Un choix qui va à l’encontre des pratiques des communes aux alentours, dans un contexte où le prix du foncier explose. Exploiter le potentiel constructible des terres environnantes pour préserver de la surface et y cultiver des plantations bio reste un cas unique en France.

Mouans-Sartoux est chargée de fournir 1 200 repas par jour à l’aide de 22 membres du personnel répartis sur les 3 cuisines de la ville. Une  grosse équipe qui a une charge de travail importante puisqu’il faut travailler les produits à contre-courant des autres cantines recevant des aliments prêts à l‘emploi. Pour la plupart des collectivités, l’introduction de l’alimentation bio doit répondre aux conjonctures locales ce qu entraîne des mesures personnalisées.

Marie-Hélène Amiable, députée maire de Bagneux a décidé de consacrer une partie du budget alloué à l’approvisionnement en denrées pour acquérir des produits bio (10%).

La bio ne doit pas être réservée qu’à ceux qui ont un haut pouvoir d’achat. Bagneux est une ville populaire avec 50% de logements sociaux. Cette démarche est un engagement fort pour tenter d’offrir des produits de qualité et d’initier les enfants au développement durable ou du moins à leur faire prendre conscience que ce qu’ils trouvent dans leur assiette a une histoire.

Faire d’un autre mode de consommation une ouverture aux problématiques du développement durable, c’est l’un des intérêts de la démarche, rencontrant un franc succès auprès des communes.

Au début, nous avons mis en place une éducation au goût. Habitués aux produits très standardisés, les élèves ont d’abord été plutôt étonnés avant de montrer un réel engouement. De même pour l’apprentissage du tri des déchets : ils ont été extrêmement volontaires et sensibles à cette démarche, tout en servant de de relais auprès des familles. Enfin les enfants en centre de loisirs ont eu l’occasion de visiter les agriculteurs pour voir comment les légumes ont été cultivés. Ces visites sont également très valorisantes pour les producteurs eux-mêmes qui ont eu la joie de montrer en quoi consiste leur travail.

De plus en plus l’alimentation bio est perçue comme un tout, et non plus comme le simple accès à des aliments répondant à un cahier des charges spécifique. Par exemple Bagneux s’engage depuis 2010 à faire baisser l’empreinte carbone en privilégiant les produits issus de l’agriculture biologique par les producteurs de la région : les pommes et les poires viennent des Yvelines, les yaourts et les lentilles de Seine-et-Marne et le pain du Val-de-Marne.

Cette ville va également pouvoir enrichir son catalogue de produits bio locaux, en particulier carottes, choux rouges et blancs et pommes de terre, grâce à la récente mise en place d’une légumerie dans la région. Inaugurée le 14 mars aux Mureaux, cette légumerie bio permet de traiter directement les produits dits terreux ne pouvant être préparés dans les cuisines des cantines. Marie-Dominique Tatard-Suffern, de l’agence conseil Vivrao qui a permis la création de cette légumerie – la première en Ile-de-France – souligne l’importance en place de nouveaux outils :

On ne trouve pas la carotte sous le pied d’un cheval ! Les légumeries évite de s’approvisionner en denrées prêtes à la consommation, disponibles qu’en dehors de la région. Pour les collectivités territoriales, cela demande un grand changement puisqu’elles étaient habituées aux fournisseurs qui proposent tout et livrent rapidement. Désormais qui dit saisonnalité et production locale dit anticipation. Dans le cas des carottes par exemple, le producteur doit avoir la confirmation 8 mois avant, et être garanti d’un volume “minimum”.

Cette idée de volume minimum offre une sécurité à l’agriculteur, ainsi assuré d’avoir une rentrée d’argent fixe. De quoi les inciter à travailler main dans la main avec les acteurs de la restauration collective.

Le manque d’outils d’échange peut expliquer le fait que certaines collectivités n’aient pas franchi le pas. Il faut inciter le dialogue entre agricultures en amont, et en aval avec les demandeurs. Cela peut prendre la forme de forum internet, de réseau social, de réunions en région ou trans-régionales… Constituer une filière demande du temps, mais au final on peut trouver un équilibre et mettre en place un marché cohérent.

Dans cet effort de structuration des filières, la Fédération nationale d’agriculture biologique des régions de France (FNAB) participe au regroupement de producteurs, à la création d’outils économiques, aide à l’élaboration de projets… Chargé de mission restauration collective et circuits courts à la Fnab, Julien Labriet insiste sur le fait que beaucoup d’incompréhensions ont mené à un déséquilibre du marché :

Avant on constatait que des repas 100% bio proposés ponctuellement, ce qui déstructurait totalement le marché, en épuisant les stocks disponibles, ou en important à outrance. Maintenant, on a plus de régularité avec soit un repas 100% bio mieux établi, mieux anticipé, soit une substitution de produit, c’est-à-dire qu’un produit donné va être remplacé par un produit bio de même nature à des fréquences régulières.

Cependant, même avec un marché suffisant organisé, atteindre 100% de nourriture bio en restauration collective se confronte à la disponibilité des ressources. D’après les chiffres de l’Agence bio, en 2010 l‘agriculture biologique représentait 3,1% des surfaces de production, et 4% des exploitations.

Julien Labriet estime qu’on est encore loin d’atteindre les objectifs du Grenelle, mais que la situation n’est pas désespérée.

Les freins sont dépassables. Pour que l’implantation de la nourriture bio dans la restauration collective s’opère, une approche transversale est nécessaire. La bio regroupe de multiples aspects dont peuvent bénéficier la population : impacts sur la santé, sur l’économie avec création de débouchés, luttet contre la désertification des campagnes, maintien du développement d’activité… La bio peut également un fort rôle social, d’une part en terme de transparence des projets, mais également dans le désir d’offrir un accès à la qualité facilité.

Dans son effort dans le développement durable, Strasbourg a fait le choix de l’alimentation bio dans les écoles primaires et maternelles pour lutter contre les gaz à effet de serre dans le cadre de son Plan climat-énergie territorial (Pcet). À Saint-Étienne, l’objectif est de maintenir la production locale. Autre exemple, à Brest favoriser la production de fruits et légumes bio aide à la réduction des pesticides.

Plus qu’une ligne politique, introduire l’alimentation bio au sein des collectivités territoriales relève plutôt d’une sensibilité individuelle. Une volonté de développer son territoire, de conserver des emplois, et pourquoi pas donc de préserver l’environnement. Et le phénomène prend de l’ampleur. Reste à savoir si la production suivra, sous l’impulsion – ou non – du Grenelle de l’environnement.


Photographies sous licences Creative Commons via Flickr par Chiot’s Run, Kimberly Mahr, Kerry J, EJP Photo, JazziJava Édition photo par Ophelia Noor pour Owni /-)

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L’Ina et Youtube rangent les fusils http://owni.fr/2012/03/29/lina-et-youtube-rangent-les-fusils/ http://owni.fr/2012/03/29/lina-et-youtube-rangent-les-fusils/#comments Thu, 29 Mar 2012 15:47:42 +0000 Dorothée Descamps http://owni.fr/?p=103775

Cliquez sur l'image pour voir la vidéo : la télévision oeil de demain

Ce 26 mars, l’Ina et Youtube ont annoncé la mise en place d’un partenariat : 57 000 vidéos provenant du fonds d’archives de l’Institut national de l’audiovisuel vont ainsi pouvoir être directement disponibles sur la plateforme aux 4 milliards de vues par jour.

À en croire leur communiqué commun, place donc à l’ouverture et au partage des contenus. Mais ce partenariat marque surtout la fin des litiges qui opposaient l’Ina à la filiale de Google.

Tout débute en 2006. L’Ina signale à Youtube la présence de vidéos appartenant à son catalogue d’archives, sur la plateforme d’hébergement. Ces mises en ligne “non autorisées” poussent l’Ina à assigner le groupe américain en justice pour contrefaçon. Celle-ci a été reconnue lors d’un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Créteil en décembre 2010.

Après maints développements de procédure, en guise d’alternative à un procès en appel, l’Ina et Youtube se rapprochent pour sortir du contentieux, comme l’explique Jean-François Debarnot, directeur juridique de l’Institut national de l’audiovisuel :

Les discussions ont mené à la fois à un protocole d’accord qui met fin au litige entre les deux parties en appliquant la condamnation qui a eu lieu en première instance – à savoir que Youtube verse 150 000 euros de dommages et intérêts – et à ce partenariat dit “d’avenir” sur la diffusion des archives de l’Ina sur le site de l’hébergeur américain.

Cliquez sur l'image pour voir la vidéo : Algérie, l'indépendance

Un bon compromis pour l’Ina qui compte sur la notoriété de ce site d’hébergement pour augmenter sa visibilité et toucher un public différent, notamment les jeunes en ciblant l’aspect communautaire, en terme de partage de vidéos. Et pourquoi pas générer des profits conséquents, grâce aux conditions financières couvrant le partenariat :

Le partenariat tient compte d’un pourcentage reversé à l’Ina sur les recettes publicitaires ainsi qu’un minimum garanti alloué, suffisamment intéressant pour que nous ayons accepté ce contrat. Nous recevrons ainsi le pourcentage sur les recettes publicitaires que si le trafic généré est assez important.

Bien qu’il ne s’agisse pas d’un contrat d’exclusivité puisque l’Ina est également partenaire avec Dailymotion et WatTV, Youtube y voit une occasion d’enrichir son offre culturelle, même si l’intégralité des vidéos dont il disposera est déjà disponible gratuitement sur le site ina.fr.


Ce genre d’alliance est typiquement ce que nous recherchons, assure une porte-parole de Youtube. Les vidéos seront accessibles sur des chaînes thématiques et pourront être mise en valeur selon une période de l’année, une date commémorative par exemple. Pour autant, nous ne mettrons en avant ces vidéos en avant par rapport à d’autres, ce n’est pas ainsi que fonctionne le site.


A travers cette démarche, le géant américain veut montrer qu’il s’engage un peu plus dans le respect des droits d’auteur et de diffusion, démarche enclenchée par ces récents accords avec quatre sociétés françaises de gestion des droits d’auteur, notamment la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem) et la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD). Les auteurs ainsi concernés seront rémunérés pour la diffusion de leurs œuvres sur YouTube.

Cliquez sur l'image pour voir la vidéo "Relaxation dans le travail - Pauses en musique dans la journée" via Ina.fr

Pour protéger les contenus mis à disposition, les vidéos disposeront d’une empreinte numérique (ou watermarking), Content ID, système gratuit mis en place par la société Google.

Content ID permet la reconnaissance de vidéos qui auraient été récupérées par des utilisateurs tiers. Informée, l’Ina pourra alors décider de soit bloquer la vidéo, soit en tirer de l’argent, soit la laisser telle quelle et même récupérer les données statistiques qu’elle génère.

Une décision qui a de quoi surprendre, quand on sait que l’Ina possède son propre système de détection de copies audiovisuelles appelé Signature. Une technologie de filtrage utilisée pourtant par les autres hébergeurs partenaires de la banque d’archive française ainsi que Canal+, TF1 et même Europa Corp. L’Ina souhaitait pourtant imposer à Youtube sa solution anti-piratage dès décembre 2008, en voulant faire reconnaître devant la justice que le système de Google n’était pas assez efficace. Pour l’heure, Youtube et l’Ina semble avoir trouvé un terrain d’entente, selon Jean-François Debarnot :


On ne pouvait imposer Signature à Google qui posséde déjà sa propre technologie. Mais ce partenariat impose de réfléchir en vue d’optimiser le système de protection à mettre en place.


Technologie hybride en passe de voir le jour ou simple accord commercial, ce partenariat semble en tout cas marquer la fin des hostilités.


Captures d’écran via Ina.fr – Cliquez sur les captures pour accéder aux vidéos

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Pesticides à volonté http://owni.fr/2012/03/16/pesticides-pollution-eau/ http://owni.fr/2012/03/16/pesticides-pollution-eau/#comments Fri, 16 Mar 2012 15:23:34 +0000 Dorothée Descamps http://owni.fr/?p=101895

Le 22 février dernier, l’association Générations Futures a révélé l’existence d’une directive du ministère de la Santé, discrètement entrée en vigueur il y a plus d’un an, et qui revoit à la hausse les concentrations autorisées de pesticides dans l’eau potable.  Avec cette modification passée sous silence, la France tolère ces polluants en quantité cinq fois supérieures.

Une découverte qui devrait animer les débats prévus en France, à partir du 20 mars prochain, à l’occasion de la Semaine sans pesticides, à laquelle prendront part une douzaine d’ONG ainsi que quelques collectivités publiques, dont la Mairie de Paris.

Car la conséquence de ces changements réglementaires nourrit quelques inquiétudes. Alors qu’en 2009, 34.300 personnes avaient subi des restrictions d’usage du fait de la présence de pesticides dans l’eau, en 2010, leur nombre n’était plus que de 8.939 personnes. Pour Générations Futures, il s’agit d’une “baisse artificielle” due à une “manipulation des valeurs”. En cause, une instruction émise par la Direction générale de la santé le 9 décembre 2010.

Pour répondre aux exigences dans la lutte contre la pollution de l’eau, soit on met tout en œuvre pour réduire la présence des substances nocives, soit on préfère remonter les taux et prétendre à une amélioration de la situation. C’est un peu comme si on changeait les degrés sur un thermomètre pour faire croire qu’il fait moins chaud.

François Veillerette, président du Mouvement pour les droits et le respect des générations futures, s’insurge ainsi contre ce cet “aveu de faiblesse” du gouvernement. Selon lui, en France, l’examen de la qualité de l’eau reste un processus abscons qui pourrait, à l’occasion, générer des interprétations abusives.

La surveillance de l’eau du robinet, pour déterminer si elle est potable, s’effectue en plusieurs étapes. Le principe consiste à mesurer la quantité de pesticides présente dans un échantillon pour en déduire une concentration en microgramme par litre. L’Union européenne a instauré la directive 98/83/CE en novembre 1998 pour juger de la bonne conformité en proposant des doses maximales en dessous desquelles l’eau est dite de qualité.

Limites de qualité pour l’eau du robinet, en microgramme par litre (μg/L)
0,10 pour chaque pesticide (par substance individuelle)
0,03 pour les pesticides aldrine, dieldrine, heptachlore et époxyde d’heptachlore
0,50 pour la somme de tous les pesticides en présence

Lorsque ces exigences ne sont pas respectées, il faut de nouveau tester cette eau et mesurer les concentrations de tous les pesticides en présence. Ces taux vont alors être comparés avec des valeurs de référence, uniques pour chacune de ces substances et qui correspondent à des limites au delà desquelles un risque pour la santé est suspecté. Ces valeurs sont appelées Vmax pour valeurs sanitaires maximales, provenant majoritairement des données de l’Organisation mondiale de la santé.

Depuis 1998, un avis du Conseil supérieur d’hygiène publique de France (CSHPF) prévoyait une interdiction provisoire de consommation :

lorsque la valeur mesurée et confirmée dépasse la valeur maximale sanitaire ;
lorsque le dépassement est supérieur à 20% de la valeur maximale sanitaire pendant plus de 30 jours consécutifs.

Par exemple, un herbicide comme la Simazine, dont l’utilisation a été prohibée en 2003, a une Vmax de 2μg/L. Si on la retrouve dans les eaux en concentration supérieure à 0,4μg/L pendant plus d’un mois, l’eau ne peut être consommée, “ni pour la boisson, ni pour la préparation des aliments”.

Revenant sur ces précautions d’usage, la Direction générale de la santé, dépendant du ministère de la Santé, a donc émis le 9 décembre 2010 une instruction qui remplace le précédent avis. Cette note interne, non communiquée aux associations locales, fixe la limite à ne pas dépasser à 100% de la Vmax. C’est l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) qui s’est chargée de déterminer la valeur maximale sanitaire pour chacun des pesticides surveillés. Extrait de l’instruction :

L’Anses estime ainsi que l’ingestion pendant la vie entière d’une eau contenant un pesticide à une concentration inférieure ou égale à la valeur sanitaire maximale (Vmax) n’entraîne, sur la base des critères toxicologiques retenus et en l’état actuel des connaissances, aucun effet néfaste pour la santé.

Le taux intermediaire de 20 % n’existe plus, ce qui revient à dire que la concentration maximale autorisée pour chaque pesticide a été multipliée par cinq lorsqu’une pollution sur plus de 30 jours est constatée.

Pour Jean-Charles Bocquet, directeur général de l’UIPP, l’Union des Industries de la Protection des Plantes qui compte parmi ses adhérents les plus grands producteurs de pesticides, il s’agit d’une évolution logique :

Les risques sanitaires ont été évalués par l’Anses. Qui dit présence de polluants ne veut pas forcément dire danger pour la santé ou pour l’environnement ! Les dépassements de concentrations autorisées étant assez fréquents il était normal de fixer à quel niveau on se situe pour éviter de faire trop de traitements des eaux.

En conséquence, une eau peut contenir des doses très élevées de certains pesticides sans pour autant être interdite à la consommation.  La présence d’acide benzoïque dont est dérivé le désherbant Dicamba, peut par exemple atteindre les 15 milligrammes dans un litre d’eau. Bien loin donc des recommandations de la directive européenne. Si ces Vmax sont sensées refléter une idée relative de la toxicité pour chaque polluant à l’étude, le cas de certains pesticides soulève des interrogations.

Une étude de l’Inserm datée de mars 2011 menée en Bretagne souligne notamment qu’un herbicide, l’Atrazine aurait un impact sur le développement du fœtus et ce à de faibles doses environnementales. Hautement toxique et soupçonné d’être cancérigène et perturbateur endocrinien, il a été interdit en France en 2003 après 30 ans d’utilisation intensive, il est pourtant encore fréquemment retrouvé en cas de pollution des eaux.  Depuis décembre 2010, le taux limite est désormais fixé à 2μg/L, quelque soit la durée d’exposition. François Veillerette y voit dans cette nouvelle instruction un système hypocrite :

Même si ces 20% n’étaient qu’une valeur relative, cette concentration maximum permettait au moins de se rapprocher un peu plus de l’esprit du texte européen à savoir retrouver le moins de résidus de pesticides possible. En se cachant derrière des chiffres, le gouvernement a en fait une attitude anti-scientifique : elle oublie le principe de précaution. C’est ce genre de raisonnement qui a causé le scandale du bisphénol A.

À noter également que cette instruction ne prend toujours pas en compte les effets de synergie pouvant survenir, c’est-à-dire les effets combinés des pesticides qui, mélangés, peuvent avoir de graves conséquences.

]]> http://owni.fr/2012/03/16/pesticides-pollution-eau/feed/ 20 (Eco)système de jeu http://owni.fr/2012/03/02/un-jeu-video-pour-ecosysteme/ http://owni.fr/2012/03/02/un-jeu-video-pour-ecosysteme/#comments Fri, 02 Mar 2012 15:51:51 +0000 Dorothée Descamps http://owni.fr/?p=100465

Chaque joueur peut devenir gouverneur. A condition de bien maîtriser les manœuvres politiciennes...

Plus qu’un loisir, un phénomène culturel. Le jeu vidéo s’est profondément inscrit dans notre quotidien grâce à l’explosion des supports numériques. Si les casual games – ces petits jeux addictifs qui se jouent en solo à l’instar d’Angry Birds – connaissent un franc succès sur les smartphones, le secteur des jeux vidéos en ligne n’est pas en reste. Surfant sur la vague du “web 2.0″, c’est l’aspect communautaire qui prime. Les joueurs vivent une aventure collective.
World of Warcraft, le plus connus de ces MMORPG (jeu de rôle en ligne massivement multi-joueurs) réunit ainsi plus de 10 millions d’abonnés. Un marché juteux qui doit pourtant faire face à un public de plus en plus exigeant. En effet, les jeux “bac à sable” comme Minecraft, séduisent par leur capacité à offrir une grande liberté d’action, mettant en avant le pouvoir créatif des gamers. Le dernier né des studios Ankama, Wakfu, tente à sa manière de redonner plus d’autonomie aux joueurs.

Un gaming renouvelé

Sorti officiellement le 29 février, ce MMORPG reprend les classiques du jeu de rôle en ligne, à ceci près que les joueurs doivent en plus gérer l’écosystème et les relations politiques. Une expérience inédite à la frontière du serious gaming, entre sensibilisation et divertissement.

Dans un univers post-apocalyptique, chaque joueur se crée un personnage ayant des caractéristiques de base (classes), personnage qu’il faut faire évoluer au cours du temps et équiper selon son niveau de jeu. Pour Florence Di Ruocco, chargée de communication chez Ankama, la force de Wakfu est avant tout de proposer un jeu qui reproduirait les conditions du monde extérieur :

On a voulu rendre les choses plus crédibles. Il n’était pas question, par exemple, que l’on puisse dropper (récupérer) de l’argent après avoir combattu un monstre, ça n’avait pas de sens. C’est aux joueurs de frapper leur propre monnaie. Paradoxalement, c’est cette approche plus réaliste qui rend le jeu très novateur.

Aider au maintien de l'ordre ou respect de la nature permet de gagner des bonus de jeu. A l'inverse, aller contre les lois peut être préjudiciable.

Face à des conditions de jeu plus proches de la réalité, l’implication des joueurs s’en trouve renforcée. En effet, si la plupart des MMORPG possède un environnement permanent, où les monstres et ressources réapparaissent en continu, dans Wakfu le joueur doit veiller au maintien des diverses populations, quitte à replanter des plantes ou récolter des “semences” de monstres si besoin. Il est en cela aidé par des lois instaurées par les gouverneurs de chaque nation, personnages élus par la communauté des joueurs.

Des élections sont organisées pour désigner le gouverneur de chaque nation.

Placer le joueur au centre, tel est le crédo des concepteurs du jeu. Selon Jérome Échalard, game designer chez Ankama :

Le jeu a beaucoup évolué grâce aux joueurs, notamment pendant les phases de test. Il faut faire confiance à une communauté pour stabiliser la jouabilité et les innovations que l’on apporte.

La mise au point et surtout la stabilisation des thématiques comme la politique ou la gestion des ressources sont la résultante des relations privilégiées entre joueurs et développeurs. Ces avancées ne relèvent donc pas d’une étude poussée sur les mécanismes qui régissent ces concepts. C’est bien la valeur ludique qui est avant tout recherchée, on ne peut donc classer Wakfu dans la catégorie des jeux sérieux ou serious game. Pour autant, proposer plus de responsabilités aux joueurs pourrait avoir un impact éducatif réel comme le suggère Simon Bachelier, chargé de projet jeux vidéo et serious games à Universcience :

Ce jeu relève d’un vrai challenge pour sensibiliser à des questions que l’on retrouve dans la vie réelle. Il permet, selon le joueur, une prise de distance qui devrait avoir un impact au minimum indirect. Même si ces nouveaux thèmes ne sont perçus que comme des “règles” ou des modalités de jeu, ils peuvent offrir une prise de conscience.

Couper des arbres permet de récupérer le bois pour l'artisanat. Le bois n'étant pas en quantité illimitée, une surveillance de la zone est nécessaire. Récupérer des bourgeons permet ensuite de replanter si la météo est favorable.

Un jeu vidéo plus mature

La gestion d’un écosystème est un concept néanmoins difficile à implémenter. Simon Bachelier estime que le comportement naturel du joueur est de “piller”, accumuler le maximum de ressources qui s’offrent à lui. Dans ce cas précis, proposer un système stable où les joueurs doivent s’autoréguler, comme tente de le faire Wakfu, a mis en évidence différents types de comportement au sein de la communauté des joueurs comme en témoigne Antoine Simond, alias Tigibon dans le jeu :

Ces thèmes rendent le jeu plus mature. Nous avons vraiment trois camps : ceux qui les ignorent et jouent comme sur un MMO classique, ceux qui y participent pour créer, ceux qui sont là pour détruire l’écosystème. Il y a les même différences de comportement pour le système politique.
Des joueurs vont se liguer pour avoir le monopole sur un minerai, d’autres vont punir les hors-la-loi… Les joueurs s’organisent très bien, via les guildes, les forums ou encore via Wakfu World (un site dédié à l’univers du jeu), nous avons même eu des campagnes politiques qui étaient digne de campagnes de la vie réelle !

Chaque joueur possède un passeport de la nation à laquelle il appartient.

Les retours sur la beta du jeu – version test avant sa sortie officielle – se sont révélés plutôt positifs selon Ankama, fiers de l’effet de surprise que cela peut inspirer. Quant à savoir si ce type de jeu va faire des émules dans le monde des jeux de rôle en ligne, tout reste possible. Pour Simon Bachelier les jeux vidéos de manière générale subissent un tournant depuis quelques années :

Les jeux vidéos sont de plus en plus perçus comme un média à part entière. Différentes approches peuvent voir le jour, autres que le simple divertissement. Ils peuvent s’avérer être un moyen de communication puissant.


Captures d’écran du jeu WAKFU ©Ankama, tous droits réservés

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Un air de particules http://owni.fr/2012/02/28/un-air-de-particules/ http://owni.fr/2012/02/28/un-air-de-particules/#comments Tue, 28 Feb 2012 07:38:51 +0000 Dorothée Descamps http://owni.fr/?p=99658

La semaine dernière, le 24 février, deux décrets visant à lutter contre la pollution atmosphérique sont rentrés en vigueur, pour permettre la mise en place des Zones d’actions prioritaires pour l’air (Zapa). L’objectif est de faire diminuer le taux de polluants émis par les pots d’échappement dans et autour des agglomérations les plus exposées.

C’est-à-dire : Paris, Saint-Denis, Bordeaux, Clermont-Ferrand, Lyon, Grenoble, Nice et Aix-en-Provence. À terme, dans ces huit villes, l’enjeu est de restreindre voire d’interdire, à certaines conditions, la circulation des véhicules les plus émetteurs de particules ou d’oxydes d’azote. Cette mesure ne concernera pas les véhicules d’intérêt général, ceux relevant du ministère de la défense ou encore ceux portant une carte de stationnement pour personnes handicapées.

Pour tous les autres, l’un des textes précise les sanctions prévues en cas d’infraction, 135 € pour les poids lourds, les bus et autocars, 68 € pour les véhicules légers. Mais attention, ces textes ne seront pas d’application immédiate. Pour leur mise en œuvre systématique, un troisième décret est prévu dont la date de sortie a été repoussée au premier semestre 2013.

Le projet Zapa est un axe phare du plan Particules, paru en 2007. Un programme de lutte contre la pollution de l’air par les particules, et ses conséquences sur la santé, en droite lignée des recommandations du Grenelle de l’environnement. Un bilan à mi parcours de ce plan, présenté le 7 décembre dernier par le ministère de l’Écologie, permettait de mesurer l’étendu du chantier juridique qui restait à réaliser.

Pourtant, la réalité de la pollution observée inviterait plutôt à accélérer ces processus. Le 6 février, Airparif signalait le dépassement d’un premier seuil d’alerte aux particules fines en Île-de-France. La vague de froid qui sévissait a entraîné sur l‘ensemble du territoire nombre de rapports sur une concentration anormalement élevée de ces polluants dans l’air. En cause, des couches d’air non brassées et un anticyclone persistant.

Ces particules fines sont dénommées PM2,5, en raison de leur diamètre inférieur à 2,5 micromètres. Une taille infime qui leur permet, en cas d’inhalation, de pénétrer jusqu’au niveau des alvéoles pulmonaires. Un risque pour la santé dénoncé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui estime que 1,3 millions de décès dans le monde seraient imputables à la pollution de l’air en zone urbaine.

Le plan Particules, pour s’aligner avec les directives européennes, préconise d’atteindre un taux de PM2,5 de 15 microgrammes par mètres cube d’air (μg/m3). À partir de 2015, la nouvelle valeur cible sera de 10μg/m3. L’objectif est de correspondre aux conseils pressants de l’OMS en termes de lutte contre la pollution de l’air :

Pour Patrice Halimi, Secrétaire général de l’Association santé environnement france (ASEF), descendre sous la barre des 10μg/m3 sera difficilement réalisable. Et pourtant :

Les microparticules émises par les véhicules diesel, sont entre autre reconnues comme cancérigènes, irritantes et allergènes. En 2007, l’étude ISAAC réalisée dans six villes françaises sur près de 8 000 enfants, a démontré l’effet de la pollution atmosphérique sur le développement de l’asthme et des allergies. Les enfants résidant depuis huit ans dans des zones à pollutions élevées ont 3 fois plus d’eczéma, 1,5 fois plus d’asthme et presque 2 fois plus d’asthme à l’effort !

Pour déterminer l’influence au long terme de ces particules fines, l’Institut de veille sanitaire (InVS), a coordonné de juillet 2008 à mars 2011 le projet Aphekom. Ce dernier a permis d’établir les impacts sanitaires de la pollution atmosphérique dans 12 pays européens.

Nombre moyen de mois de vie gagnés si les 25 villes de villes à l’étude baissaient le taux de concentration jusqu’à atteindre le taux de 10μg/m3.

Les chiffres de l’Agence nationale de sécurité sanitaire(Anes) montrent que, pour l’année 2002, les particules fines auraient causé 600 à 1 100 décès par cancer du poumon et 3 000 à 5 000 décès par maladies cardiorespiratoires. Des chiffres alarmants qui pourraient donc être considérablement réduits même si à l’heure actuelle aucun seuil n’a été déterminé en dessous duquel les PM2,5 n’auraient aucun impact sur la santé. En cas de pics de concentration, comme ce fut le cas lors de la période de grand froid, les incidences sur la santé s’observent rapidement :

En moyenne sur une année, on observe que les jours où les concentrations de particules fines sont élevées, les hospitalisations augmentent, de même que les taux d’infarctus ou d’AVC. Ainsi, une hausse de 10 µg/m3 de la dose journalière entraîne en moyenne deux fois plus d’hospitalisations d’enfants et de personnes âgées.

Une synthèse sur l’estimation des hospitalisations en urgence en temps de pollution atmosphérique corrobore les propos de Patrice Halimi. L’un de ces co-auteurs, Sabine Host de l’Observatoire régional de santé d’Île-de-France souligne toutefois que de nombreuses dispositions sont prises pour réduire le taux de PM2,5 – en théorie.

Les sources à l’origine des particules fines sont multiples. L’effort est surtout mis sur des mesures de restrictions au niveau des sources fixes comme les usines, les chaufferies… Il y a aussi des plans de déplacements urbains qui vont réguler l’utilisation de la voiture en ville ou encore le projet Zapa mais aussi une nouvelle régulation sur la biomasse et l’interdiction des déchets verts.


L’étude des sources aide à trouver des situations répondant à des conditions spécifiques. D’après le Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (Citepa), en 2009, les émissions à l’origine des PM2,5  en France proviendraient de ces différentes sources :

Ces 35% du secteur résidentiel/tertiaire souligne l’importance de sources de pollution qui restent malgré tout peu régulées. Elles concernent notamment les particules fines émises par le chauffage au bois des habitations. Si des mesures de restrictions sont difficiles à mettre en place, des initiatives voient le jour comme le label Flamme Verte qui favorise l’installation de dispositifs de chauffage moins polluants.

Cette multitude de sources, dont les proportions varient selon le positionnement géographique, et l’effet de dispersion des particules fines dans l’atmosphère mettent en évidence une autre conséquence : la pollution ne s’arrête pas à la porte de la maison.

Les transferts entre air extérieur et air intérieur existent. Il est impossible de déterminer le taux de particules fines dans une habitation ou un bureau car les situations diffèrent d’un endroit à un autre. Un logement mal isolé va permettre plus d’échanges, et inversement. Mais paradoxalement cela veut dire qu’un habitat qui va avoir peu de transferts peut aussi concentrer les polluants à l’intérieur.

Si la pollution extérieure impacte la pollution intérieure, il est indéniable que, outre les résidus de combustion, les produits ménagers, le bricolage, le tabac le cas échéant, font également partie des agents dangereux. Les études sur les éléments précis qui composent ces poussières, d’origine intérieure ou extérieure, font cruellement défaut.  Le manque de données précises crée un flou qui se répercute sur l’état des connaissances portées aux consommateurs. Une situation que dénonce Patrice Halimi :

Ce qu’il faut prendre en compte, c’est que nous respirons au quotidien un air pollué ! Il est donc primordial d’informer le grand public.

Le bilan à mi parcours du plan Particules a montré que l’essentiel de la communication aux particuliers réside en la diffusion de plaquettes. La sensibilisation sur les émissions polluantes dues au système de chauffage est quant à elle confiée aux “professionnels de la maintenance”.

Si la lutte contre la pollution aux particules fines passent naturellement par l’effort de réduction des émissions, il n’est pas fait mention des possibilités de purification de l’air. Car des solutions comme une aération pouvant filtrer le PM2,5 sont envisageables mais restent coûteuses et nécessitent un entretien régulier.


Photo par Wa So/Flickr (CC-byncnd)

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