OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 “Allo, c’est Google Translate” http://owni.fr/2011/04/18/allo-c-est-google-translate/ http://owni.fr/2011/04/18/allo-c-est-google-translate/#comments Mon, 18 Apr 2011 08:30:30 +0000 h16 http://owni.fr/?p=57181 Pendant que les politiciens s’agitent puérilement, de moins en moins synchrones avec le reste du monde, ce dernier continue, lui, sa marche tranquille vers l’abaissement concret des frontières entre les hommes. J’ai déjà évoqué, dans deux précédents billets, cette notion de singularité, moment de basculement historique où l’humanité verra émerger une véritable « intelligence » de la part des machines. Aujourd’hui, une nouvelle étape, modeste mais prometteuse, vient d’être franchie dans les technologies de communication entre les peuples.

C’est jeudi 10 février qu’un article est assez discrètement paru, décrivant la nouvelle application de traduction Google à la volée. Attention, je ne parle pas ici de la maintenant célèbre traduction Google en ligne, mais de sa version mobile et à partir de la reconnaissance vocale.

L’idée générale est la suivante : en utilisant l’application mobile sur un téléphone Android, un utilisateur peut capter et enregistrer les paroles d’une tierce personne, les envoyer, toujours par téléphone, à Google, qui se charge ensuite de traduire dans un langage ciblé et de renvoyer le texte résultant pour qu’il puisse être, au choix, lu par l’utilisateur sur son écran ou entendu directement par le téléphone.

En pratique, le son enregistré est envoyé dans un format idoine aux serveurs de Google qui se chargent ensuite de rapidement découper les phonèmes en accord avec la langue source choisie par l’opérateur du téléphone. La puissance de calcul des serveurs du géant californien (un gros million, tout de même) lui permet d’assurer une assez bonne analyse vocale. Une fois le son transcrit dans un texte à peu près cohérent, la même puissance de calcul et la base statistique établie sur des millions de textes permet d’obtenir une traduction à peu près correcte. Soit le texte est renvoyé au téléphone (qui peut se charger assez facilement de la synthèse vocale) soit la synthèse est directement effectuée depuis les serveurs avant d’être renvoyée, prête à l’écoute, sur le téléphone.

Quelques remarques

Oui, la qualité de l’analyse vocale est perfectible. On est encore loin de l’oreille humaine.
Oui, la qualité de la traduction à la volée est encore un peu faible. Très suffisante pour les conversations de base où il s’agit essentiellement de demander son chemin, négocier un prix dans une boutique ou d’obtenir des informations de base, ce système, on s’en doute, n’est cependant pas suffisant, et loin s’en faut, pour permettre une relation commerciale, diplomatique ou amicale plus poussée…
Oui, le temps de latence générale pour obtenir la traduction est encore suffisamment important pour tuer proprement toute spontanéité dans l’échange.
Et oui, enfin, il est évident que l’interface utilisateur proposée est encore rudimentaire et manque de souplesse. Les manipulations tactiles sont encore importantes pour corriger les approximations que font les machines.

Vers la traduction sans latence

Mais prenons, si vous le voulez, un peu de recul, pour apprécier d’où l’on vient, avant d’envisager regarder de l’autre côté, et d’estimer où l’on va et à quel rythme.

Il y a 10 ans, en 2001, Google avait 3 ans et 3 milliards de pages indexées. La quantité de données disponibles n’étaient pas encore suffisante pour ne serait-ce qu’imaginer une traduction purement textuelle de l’anglais vers le français, sans que le résultat ne fasse franchement rire.

Il y a 10 ans, le débit moyen disponible dans la plupart des pays pour l’utilisateur lambda frôlait hardiment les 56 kilobits par seconde.

Il y a 10 ans, il y avait 1 milliards d’abonnés au mobile, mais très rares étaient ceux qui pouvaient accéder à internet avec.

Le monde en 2009: faits et chiffres relatifs aux TIC - Source UIT

Aujourd’hui, Google a indexé 3000 milliards de pages, les traductions fonctionnent pour une dizaine de langues et les résultats rudimentaires obtenus, s’ils n’ont bien évidemment pas la qualité de traducteurs professionnels, n’en sont pas moins utiles pour les petits travaux de tous les jours : qui n’a jamais acheté sur internet dans un pays étranger, quitte à faire traduire le site ou la correspondance -facture inclue- depuis une langue inconnue vers la sienne ?

Aujourd’hui, il y a plus de 5 milliards d’abonnements à la téléphonie mobile, dont un demi-milliard se connectent à internet. Ces 500 millions de personnes le font en haut débit et sont, potentiellement, des utilisateurs de la technologie proposée par Google. Cette dernière, comme toutes les technologies basées sur les statistiques d’utilisation, s’enrichit et s’enrichira de toutes les expériences qui seront tentées ; autrement dit, chaque nouvelle traduction sera un élément ajouté à la gigantesque base de données permettant d’améliorer les traductions futures. Avec plusieurs centaines de milliers d’essais et corrections par jour, voire par heure, on imagine que, dans 10 ans, le système se sera grandement affiné.

Abattre la barrière du langage

L’étape suivante apparaît dès lors limpide et certains, comme chez Samsung, y travaillent déjà : la traduction à la volée, sans temps de latence, et avec une qualité bien supérieure.

Ne nous leurrons pas : il faudra encore des années pour que les traductions automatiques soient d’un niveau suffisant pour qu’on envisage sérieusement de se passer de bilingues humains chevronnés. Mais la question n’est plus du tout de savoir si on arrivera, un jour, à un tel niveau. Elle n’est d’ailleurs même plus de savoir quand, puisqu’on peut maintenant compter en années et non en décennies ou en siècles.
La question qui reste réellement est d’envisager les changements sociétaux profonds que cette technologie va offrir.

Une des barrières les plus importantes entre deux pays est en effet celle de la langue. A mesure que celle-ci s’abaisse, on imagine sans mal l’accroissement rapide, voire exponentiel, des relations commerciales, diplomatiques et humaines entre des pays auparavant éloignés. La disparition progressive des barrières douanières a, par exemple, été un excellent exemple de ces multiplications relationnelles fructueuses sur les dernières décennies. D’ailleurs, le fait même que cette technologie ait pris naissance dans un pays où l’innovation est largement encouragée, dans un contexte de mondialisation générale poussé, n’est sans doute un hasard.

J’entends déjà les esprits chagrins pleurer sur les métiers de traducteurs, d’interprètes ; oh, il leur reste encore de belles années, mais oui, effectivement, leur métier va, comme beaucoup d’autres lors des cent dernières années, disparaître. Tout comme apparaîtront sans aucun doute des métiers connexes dont on ne sait pas encore comment ils s’intègreront avec cette nouvelle donne.

Mais il semble déjà évident que le gain humain d’une telle technologie, qui n’en est encore qu’à ses balbutiements, dépassera probablement ce que l’on est en mesure de concevoir maintenant.

>> Billet initialement publié sur Hashtable sous le titre “Not lost in translation anymore”

>> Photos Flickr CC-NC-NDL PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification par Florin Hatmanu.

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Par ici la bonne subvention! http://owni.fr/2010/05/31/par-ici-la-bonne-subvention/ http://owni.fr/2010/05/31/par-ici-la-bonne-subvention/#comments Mon, 31 May 2010 06:46:52 +0000 h16 http://owni.fr/?p=16982 OWNI publie le point de vue de H16, qui présente les résultats d’une enquête sur les subventions de la région Ile-de-France. Son analyse au vitriol, qui se passe parfois de vérifier les infos (difficile de trouver une source fiable sur l’appartenance de Jean-Paul Huchon à la franc-maçonnerie), met néanmoins le doigt sur un sujet de taille – un demi milliard d’euros.

C’est grâce au travail de fourmi de Chitah (dont on peut lire quelques articles sur Contrepoints.org et sur son site) que je découvre, consterné, la liste des subventions distribuées par la région Île-de-France aux associations et autres entreprises plus ou moins connues. Rassurez-vous : l’argent des Franciliens est bien utilisé pour aider les politiciens et leurs suiveurs à sortir de cette crise terrible.

Comme l’impose la loi, la région Île-de-France a donc publié – manifestement à contre-coeur – la liste des subventions dont elle a généreusement aspergé certaines associations et entreprises choisies avec soin.

Galimatias opaque inexploitable

Je dis à contre-coeur, car à en juger par la forme que prend cette publication, on comprend que la notion d’exploitabilité des données n’était pas le but d’une telle production. Tout est fait pour que le galimatias opaque écrit tout petit soit à la fois illisible et inexploitable. Publier un ficher excel aurait probablement été trop pénible.

Moyennant une petite re-numérisation, Chitah a donc réussi à transformer le résultat en fichier directement manipulable, et ainsi mener quelques calculs intéressants.

Pourquoi faire clair quand on peut faire illisible ?

Tout d’abord, on peut commencer par trier l’ensemble des données autrement qu’alphabétiquement par le nom de l’association ou de la fondation bénéficiaire. Cela permet de dégager des tendances et d’aller fouiller un peu dans les gros versements. C’est toujours intéressant, puisque finalement, ce sont les impôts des Franciliens qu’on voit, ici, au travail.

Et ce travail permet de grandes et belles choses !

On passera sur les récipiendaires comme l’association Football Club de Montrouge et ses 15.000 euros, qui semblent relativement logiques : qu’une partie des ponctions fiscales partent dans des associations culturelles et sportives diverses, on s’y attend. Dans un monde parfait, les membres de telles associations cotiseraient eux-mêmes pour disposer des locaux ou des équipements, mais en Socialie française ou la solidarité forcée des gens pauvres de certains quartiers envers des gens plus pauvres d’autres quartiers est devenue une réalité si habituelle que plus personne n’y fait vraiment attention.

Une partie de ces subventions tombe donc sur des associations qui, finalement, se justifient sans peine et auraient probablement l’assentiment d’un grand nombre de Franciliens…

Mais en réalité, j’aimerais m’attarder sur d’autres montants, d’autres « associations », pas toutes culturelles ou sportives (à moins d’étendre largement la définition de ces deux mots dans des domaines insoupçonnés). Et là, en épluchant le passionnant listing, on découvre des pépites, dont l’article sur Contrepoints se fait l’écho.

85% des subventions vont à 10% de bénéficiaires

On découvre ainsi que 85% des subventions vont à 10% de bénéficiaires. En terme de répartition, le socialisme ressemble beaucoup au capitalisme, à la nuance près du monopole de la force et du “Ferme ta gueule ou tu auras un contrôle fiscal”, qui marche bien aussi.

Puis on commence, ligne à ligne, le lent travail de découverte ; on vogue de surprises en surprises en notant que les syndicats ne sont pas les plus mal servis. CGT, CFDT, CGPME, MEDEF, UNSA, UNEF, tous reçoivent différents montants, allant de plus de 6.000 d’euros pour le MEDEF à plus de 200.000 d’euros pour la CGT.

Le contribuable francilien, régulièrement acculé à rentrer chez lui à pied par les grèves répétées de ces syndicats, appréciera tout le comique de la situation à sa juste valeur. Franciliens : Huchon, qui, rappelons-le, adore les transports en commun surtout depuis qu’il ne les prend plus du tout, se fout ouvertement de votre gueule.

Une question taraude l’esprit chafouin qui m’anime : est-ce le rôle de la région de subventionner des syndicats ? Vraiment ?

La République laïque arrose les petites pousses confessionnelles

Plus loin, on découvre que la République laïque et religieusement neutre ne s’empêche pourtant pas d’arroser les petites pousses confessionnelles comme des abbayes ou des temples, des associations catholiques, protestantes ou juives. Là encore, le contribuable francilien doit pouvoir se faire à l’idée que, s’il est athée, il contribue pourtant généreusement (on parle en centaines de milliers d’euros à chaque fois) aux deniers de ces différents cultes. À la limite, pourquoi pas, mais là encore, on se doute que l’unanimité d’une telle distribution d’argent public serait vite remise en question si les journalistes faisaient leur travail de publicité autour de ces faits. D’autre part, on peut se demander pourquoi telle ou telle association religieuse bénéficie d’une subvention plus importante de 10, 20 ou 30% qu’une autre. Toutes les religions sont égales, mais certaines valent plus que d’autres, dirait-on.

Plus anecdotique mais néanmoins tout aussi rigolo pour le portefeuille replet des citoyens qui payent tout ça, la région Île-de-France est heureuse de financer, à hauteur de 365.000 d’euros, l’entreprise Mov’Eo… de Haute-Normandie, ou l’association Juristes Solidarité, à hauteur de 28.000 euros, située à… Marseille. La région Île-de-France s’étend de plus en plus ! A ce rythme, elle va bientôt pouvoir ouvrir des ambassades en Bretagne, en Poitou-Charente et en Corse. On attend fiévreusement les premières rencontres au sommet entre Huchon et Royal.

Investir dans les infrastructures. Ou non tiens, plutôt dans des entreprises hors IDF.

Quelles priorités en période de crise ?

Bref. Tout ceci constituerait, déjà et dans une république normalement constituée, d’intéressants sujets de débats : peut-on et doit-on subventionner tout cela ? En cette période de crise, peut-on se permettre d’arroser ainsi à droite ou à gauche des choses qui ne sont pas dans le core-business de la région, à savoir les infrastructures, les universités, les associations caritatives, sportives ou culturelles clairement identifiables comme telles ?

Parce que bon, on ne m’ôtera pas de l’idée que subvenir au Grand Orient de France pour 200.000 euros (dont J.P. Huchon ne fut-il pas membre, au passage ?) n’est pas exactement un devoir collectif ni une nécessité pour la région.

On ne m’ôtera pas de l’idée qu’il est tout de même plus que fort commode et tombe vraiment très bien qu’une association ou entreprise nommée « Le Lieu du design en IdF » reçoive plus de 2.8 millions d’euros (oui oui, quasiment trois millions) sachant que son directeur n’est autre que l’ex-directeur de cabinet de… Jean-Paul Huchon.

Il va de soi que tout ceci est parfaitement légal. Tout ceci n’est probablement en rien un détournement d’argent public, en tant que tel, et doit, plus que probablement, passer les fourches caudines d’un éventuel et très hypothétique audit auquel la région serait soumise si les citoyens, grognant, le réclamaient à cors et à cris.

Il n’empêche que tout ceci sent, encore une fois, une utilisation tout à fait discutable des fonds récupérés sur le dos des contribuables, qui les ont âprement gagnés et ont, objectivement, autre chose à foutre de leur argent que subventionner des associations comme le Forum des Essais sur l’art, Un Monde gourmand ou Energies durables IDF…

Combien de crèches créées ? Combien de trous dans les routes bouchés ?

Combien de grèves évitées ? Combien de crèches créées ? Combien de trous dans les routes bouchés ? Combien de bancs de facs refaits avec l’argent que ces 3.000 associations diverses touchent pour la plupart pour le seul bénéfice des deux ou trois membres qui la composent ? On en fait, des kilomètres d’A86 pour une centaine de millions d’euros ! On en met en circuit, des rames de métro et des bus, pour la même somme !

Eh bien non. Pas de crèches, pas d’A86, pas de bus, plus de grèves des transports en commun dont les tarifs augmentent généreusement – vous la sentez bien, voyageurs usagés, la grosse subvention ? – et plein d’homo festivus heureux de continuer à pomper, légalement, dans le portefeuille des autres.

En Île-de-France, tout va bien : les contribuables payent, des intérêts privés sont arrosés, la collectivité souffre. Jean-Paul est réélu.

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Dans le même temps, on note une véritable vague d’enquêtes de la part de nos journalistes qui veulent absolument savoir si, finalement, toutes ces subventions sont bien dues, et si elles servent bien les intérêts de la région.

Mmh..

En fait, non.

Ah bah oui, j’avais oublié : les journalistes ont autre chose à faire que des enquêtes et dénoncer les gabegies. Surtout en temps de crise.

Ce pays est bel et bien foutu.

>> Le fichier brut est à consulter ici (attention, les montants piquent les yeux)

Billet initialement publié sur Contrepoints, qui l’avait repris chez Hashtable

Images CC Flickr guano, pfala et plousia

Mise à jour 10/06 Ajout du chapeau suite aux suggestions d’un lecteur.

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