OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 WikiLeaks: Qui règne par le code tombera par le code http://owni.fr/2010/12/15/wikileaks-qui-regne-par-le-code-tombera-par-le-code/ http://owni.fr/2010/12/15/wikileaks-qui-regne-par-le-code-tombera-par-le-code/#comments Wed, 15 Dec 2010 07:30:39 +0000 Luis De Miranda http://owni.fr/?p=39197 L’être humain est un animal protocolaire. Nos comportements obéissent, consciemment ou non, à des codes. Jusqu’à une époque récente, le protocole était un instrument de pouvoir hégémonique. Plus on maîtrisait les règles et leur construction, plus on contrôlait la population. L’écriture et la police des protocoles étaient le privilège des élites. Internet est aujourd’hui le lieu par lequel l’humanité est en train de prendre conscience que la liberté passe par la reprise en main collective de la construction et de la réinvention des protocoles.

Le nom de WikiLeaks restera comme l’un des jalons de cette démocratisation. Dans le mot “WikiLeaks”, “Leaks” est important : ce sont les “fuites” grâce auxquelles les cercles décideurs qui jadis apparaissaient solides comme le roc se liquéfient et perdent de leur superbe. Mais “Wiki” est tout aussi signifiant : cela veut dire que tout un chacun peut contribuer à cette démystification active des protocoles.

Quel est le point commun entre Internet et les cercles diplomatiques ? Ce sont deux mondes régis par des protocoles très stricts, mais de manière inversée. La rigueur diplomatique est un vernis de surface qui permet toutes les hypocrisies, les coups bas et trahisons. Le protocole est mis en scène, tandis que les manœuvres restent dans l’ombre. La rigueur d’Internet se trouve au contraire dans tout ce que l’on ne voit pas : dans ses codes sources, dans ses standards universels d’écriture des programmes et de traitement des informations (par exemple, sur Internet, les standards RFC, TCP/IP ou HTML).

Modifier les protocoles

Ce qui est visible immédiatement, sur le Net, c’est un joyeux chaos, la turpitude, la liberté d’expression, toutes les manifestations du kaléidoscope humain. Nous sommes depuis longtemps vaguement familiers des codes qui régissent la vie plus ou moins feutrée des ambassades, ces règles plus ou moins tacites d’étiquette, de préséance et de relations entre les Etats et leurs émissaires. Nous connaissons moins bien la récente logique opératoire de la technologie numérique.

Wikileaks est le produit de la culture hacker. Un hacker, ce n’est pas un méchant boutonneux qui provoque la troisième guerre mondiale en bidouillant des computeurs. Un hacker est un acteur du réel : sa pratique repose sur le reverse engineering, ou rétroconception. Qu’est-ce à dire ? Il s’agit de déconstruire les programmes, les règles ou les protocoles construits par des groupes à vocation monopolistique pour comprendre comment ils sont bâtis à la source, afin de les modifier et de devenir acteur de ses propres instruments de communication, si possible en open source, c’est-à-dire conformément à l’esprit des logiciels libres, modifiables par tous ceux qui se donnent la peine de connaître la logique numérique des protocoles.

Mais cette manière de faire, les hackers ne la limitent pas aux programmes numériques : à force de passer le plus clair de leur temps sur Internet, les jeunes générations ont désormais l’algorithme dans la peau : elles comprennent à quel point nos protocoles mondains, nos règles politiques et sociales, nos comportements, nos goûts, nos croyances, nos identités ont été construites et sont des instruments de contrôle.

Volonté de s’autonomiser

Le monde diplomatique, celui des dirigeants, n’est certes pas sacré. Beaucoup l’ont répété dans leurs analyses, les fuites de WikiLeaks ne sont pas très surprenantes dans le contenu. Mais n’oublions pas que “le message, c’est le médium”, selon la fameuse et toujours éclairante formule de Marshall McLuhan. La force de l’événement historique en cours réside dans la forme plutôt que dans le fond. Cet événement se dit ainsi : le “numérisme”, à savoir la codification globale de nos représentations en suites électroniques binaires est un nouvel ADN universel.

Ce numérisme, par effet de contraste, met de plus en plus à jour une tendance humaine complémentaire, le “créalisme”, volonté de s’autonomiser, de se maintenir librement à l’écart des automatismes, tout en reprenant en main une recréation démocratique des protocoles. En anglais, cela se dit empowerment ; en français, capacitation.

Les vieux mondes analogiques élitistes du double langage et du bluff, ceux notamment de la politique, ne peuvent qu’être ébranlés. Le message qu’envoie WikiLeaks à ceux qui gouvernent est le suivant : à présent que vous avez recours à la logique numérique pour organiser le monde et contrôler les masses, sachez que les masses pourront avoir accès, comme vous, à ce protocole universel pour le détourner ou en démasquer les usages hégémoniques. Une démocratisation inévitable, sauf à mettre en prison tous ceux qui connaîtraient la programmation informatique, tentation qui semble démanger certains dirigeants, y compris en France.

Celui qui règne par le code tombera par le code. Ceux qui entendent contrôler les masses par la biométrie, le contrôle électronique, doivent s’attendre à voir les protocoles numériques se retourner contre eux grâce à la vigilance de quelques-uns, pourvu qu’Internet et la presse restent libres. Une liberté qui ne doit pas être que technique, mais critique et constructive. Car n’oublions jamais, avec Orwell, que le numérisme seul, sans créalisme collectif, ne mènera pas à plus de démocratie, mais seulement au meilleur des mondes.

Cet article a initialement été publié dans Libération

Luis de Miranda a récemment publié “De l’art d’être libres au temps des automates” (Max Milo, 2010).

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Crédits photo: Flickr CC zanaca, Nick Briz, Inha Leex Hale

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20, 2000 and 2: the three shadows of Facebook http://owni.fr/2010/10/14/20-2000-and-2-the-three-shadows-of-facebook/ http://owni.fr/2010/10/14/20-2000-and-2-the-three-shadows-of-facebook/#comments Thu, 14 Oct 2010 11:02:12 +0000 Luis De Miranda http://owni.fr/?p=31559 This article originally appeared on Open Democracy, and was written by Luis De Miranda.

Three factors hold the Facebook phenomenon together. It promises eternal youth. It offers a virtualised version of Christian faith. It allows us to enter the game of life without taking undue risk.

20: A global campus in which we’re eternally 20

Our world is dominated by the ego trip, short term interests and the endless subdivision of points of view. Naturally, we feel ever more lonely and burdened by norms. There seem to be ready-made templates for action in every sphere. Facebook leverages our desire for friends, for twinned souls, outside the realm of competition and comfrotable egoism. But this is illusory.

Friendship for the young is a matter of life. It is what our teen-age years are all about; we rise out of a sense of being alone, misunderstood, of not knowing who to confide in or to trust. Facebook is the product of the American university. Arriving at university, we need to create new alliances; we are on a campus, far from our parents, separated from childhood friends. We would like the West to become a huge campus, a loft for all humanity, where life revolves around “fun”, pleasure, perpetual orgasmic joy, replete with parities, with competitive games whose outcomes are neither here nor there. OK, you have to get a degree and one day to work … but still. The spirit of the global campus is that one can delay forever an entry into the sad objective reality of grey cities and the dull, anonymous workplace. Facebook promises that you will stay 20 forever.

2000: Facebook as the latest incarnation of 2000 years of Christianity

Facebook leverages the Christian foundation of the West, and particularly the injunction that we should love each other, we should be all equal objects of empathy, that we should have faith in the workability of a world in which we are all brothers and sisters – full of joy, compassion and joined together in a common life-giving medium, all of us sharing each movement of each of our souls. Hence the permanent confessional invitation on your profile page, standing for a perpetual, feverish mimetic compassion that costs … almost nothing at all. On Facebook, everyone has become both the priest and sinner, the censor – we tolerate and forgive – and the provocation, the ones who thrives on the exhibition of their vices. This can go a long way – take the murderer who proudly showed off his crimes on his profile. He wanted to be different from the other murderers.

But who, then, is God on Facebook? There is none. It is a religion without transcendance; the religion exists in the space made by the desire to be different and the desire to seduce. The icons of Facebook are brands; the person becomes a consumption good whose popularity is defined by the number of “Likes”. It is a space defined by absence, by burning desire, where fantasy has taken the place of the absolute, all of it built on our addiction to the electrifying click. Who knows – this connection might genuinely lead to a miracle. We hope for one. Indeed, our friends are all the lovelier for our never having met them, never having looked into their eyes, with all the risks entailed. Like Saints, we know them only from a few details of their lives, and we can project any fantasy we like into the space they occupy.

On top of the devotional, there is the messianic quality of the medium. How many “friends” distil homilitic messages every day, pocket gurus, as it were. Judea 2000 years ago must have felt like this, with false prophets at every turn, each trying to grab a little bit of public attention … until Jesus won the big prize with his simple and efficient lesson.

2: Facebook is the simulation game that doubles-up reality

For adolescents, Facebook is a simulation game that prepares them for life. You train your social skills, with all the codes and hypocricies involved. It is a global social mask; a testing ground for what attracts and what repels; coalitions are built on Facebook; guerilla armies of gossip can be assembled. This is all meant to be preparation for reality.

But so-called “real life” involves fewer friends. In fact, with minds coming pre-formatted off the production line – yes, with all that manufactured originality built in to them, too – friendship gets harder and harder to sustain. Because friendship is not about the polarity of “Like/Dislike”. Friendship has always been rare. Like love, friendship requires courage, risk-taking, becoming open to vulnerabilities, and a transcendence of the self. They require minds that are really communicating – and therefore different from each other; minds that feed off their dangerous, mutual otherness. A real friend is first of all a stranger, potentially an enemy. Every great attraction is dialectic.

In a world in which we are frightened of the Other, of the negative judgement (on Facebook, you either like or say nothing – one click does not get you to dislike anything), of anything which does not have soft edges, in a world in which we would like to become original while engaged in a careful circus act of balancing above the safety net of copying others, where the crowd wants the “Likes” of the crowd and where we glorify success for its own sake (“I am clicked on, therefore I am”), Facebook runs the risk of contributing, as television has done, to homogenise our characters, to kill poetry and the beautiful world of the unexpected and dreams of renewal. The result of all this: incipient hatreds; remember the frog in front of a mirror that puffs itself up more and more, mistaking its reflection for an aggressor.

Wylo / Cool Material

Wylo / Cool Material

Unfortunately, we are all in Facebook, even if we’re not signed up. The game is not isolated from reality, not separate from the world. Facebook influences the world and reflects its contradictions. The social networks are becoming more important than reality. As the antithetical mirror of our loneliness, the networks reinforce our addiction to dream of reality rather than engage in it: our time in front of the screen is time that we no longer spend in the hap-hazard world of the now-considered-unsafe street. The more the virtual worlds are peopled with pseudo-friends, the less reality delivers real ones to us. Once you are used to the comforts of the simulated world, the less courage and patience you have for reality. And yet it is in shaping that we become shapers and not by staring at the flames, however entrancing they be.

PS. If you have got this far, please  

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