OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Google Art Project: tout n’est pas rose http://owni.fr/2011/02/24/google-art-project-tout-nest-pas-rose/ http://owni.fr/2011/02/24/google-art-project-tout-nest-pas-rose/#comments Thu, 24 Feb 2011 17:00:59 +0000 aKa (Framasoft) http://owni.fr/?p=48230

Google vient de sortir un énième nouveau projet : Google Art Project [en].

Il est ainsi décrit dans cette dépêche AFP : « Google a lancé une plate-forme permettant aux amateurs d’art de se promener virtuellement dans 17 des plus grands musées du monde, dont le MoMA de New York et le Château de Versailles, grâce à sa technologie Street View, familier des utilisateurs du site de cartes Google Maps. »

La présentation vidéo de Google est spectaculaire et la visite virtuelle l’est tout autant. Ce qui m’a le plus impressionné, c’est le fait que chaque musée offre l’une de ses œuvres à une précision numérique hors du commun (7 milliards de pixels !). Regardez un peu ce que cela donne dans le détail pour La Naissance de Vénus de Boticcelli.

Faites un zoom sur son visage et vous serez peut-être comme moi saisi par une certaine émotion. Et si j’ai pris cet exemple ce que j’étais encore récemment devant le vrai tableau à Florence. L’émotion est tout autre, sans commune mesure, elle est bien plus intense évidemment, mais pouvoir regarder à la loupe un tel chef-d’œuvre n’est pas sans intérêt.

On a alors vu toute la presse, petit et grande, s’enthousiasmer sur ce nouveau service gratuit (cela allait sans dire avec Google). J’ai ainsi pu comptabiliser plus d’une centaine d’articles dans… Google Actualités (sic, on n’en sort pas !), et jamais je n’y ai lu la moindre critique.

La seule question que l’on se pose éventuellement est de se demander furtivement si un tel projet peut se substituer à la visite réelle. Et la réponse, aussi bien du côté Google que du côté musées, est au contraire que cela stimule la curiosité et amplifie le désir de venir. Un peu comme la vitrine d’un magasin vous donne envie de rentrer en somme. Et puis pour ceux qui ne peuvent vraiment pas y aller comme les enfants d’Afrique ou d’Amérique Latine, c’est toujours bien mieux que rien.

Et encore un projet sympa

Personne n’est donc venu apporter un seul bémol. On aurait pu souligner que c’est encore et toujours du Google, qui de projets sympas en projets sympas, commence à atteindre une taille intrinsèquement monstrueuse. On aurait pu regretter que pour pouvoir bénéficier d’un parcours individualisé et former ses propres collections il faille évidemment un compte Google (c’est gratuit mais c’est bien là le prix à payer à Google). Plus subtil mais pas moins important, on aurait pu se demander quelles étaient exactement les conditions juridiques des accords entre Google et les musées, notamment pour ce qui concerne l’épineuse question de la reproduction d’œuvres dans le domaine public (d’ailleurs on voit déjà fleurir dans Wikimedia Commons [en] des reproductions d’œuvres directement issues des reproductions de Google Art Project !).

Personne, sauf peut-être Adrienne Alix, présidente de Wikimedia France, qui a publié sur son blog personnel sa « vision critique » du projet, dans un billet que nous avons reproduit ci-dessous parce que nous partageons sa perplexité.

« Les wikimédiens passent énormément de temps à prendre de belles photographies de ces œuvres pour les mettre librement à disposition sur Wikimedia Commons et permettre à tous de les réutiliser. Il est souvent difficile de faire admettre aux musées qu’il est bon de permettre cette très large diffusion de la culture. Les choses changent peu à peu, le dialogue s’engage ces derniers temps, et c’est une très bonne chose (…) Quelle est ma crainte ? Que ces musées qui commencent timidement à ouvrir leurs portes et se lancent avec nous en faisant confiance, en prenant le pari de la diffusion libre de contenus dans le domaine public, se replient sur une solution verrouillée comme celle proposée par Google Art Project, où l’internaute ne peut absolument pas réutiliser les œuvres ainsi montrées. On visite, on ne touche pas. On ne s’approprie pas. On est spectateur, et c’est tout. Je crains que par envie de contrôle de l’utilisation des reproductions d’œuvres conservées dans les musées, la notion de domaine public recule. »

Vous trouverez par ailleurs en annexe, un petit clip vidéo montrant un photographe wikipédien à l’œuvre. Quand Google nous propose une visite virtuelle clinquante mais balisée et pour tout dire un brin étouffante, Wikipédia donne envie d’arpenter le vaste monde et d’en garder trace au bénéfice de tous.

Google Art Project : vision critique

URL d’origine du document

Adrienne Alix – 3 février 2011 – Compteurdedit
Licence Creative Commons By-Sa

Depuis deux jours, le web (et notamment le web « culturel », mais pas seulement) s’enthousiasme pour le dernier-né des projets développés par Google, Google Art Project [en].

Le principe est compréhensible facilement : Google Art Project, sur le modèle de Google Street View, permet de visiter virtuellement des musées en offrant aux visiteurs une vue à 360°, un déplacement dans les salles. On peut aussi zoomer sur quelques œuvres photographiées avec une très haute résolution et pouvoir en apprécier tous les détails, certainement mieux que ce qu’on pourrait faire en visitant réellement le musée.

Et donc, tout le monde s’extasie devant ce nouveau projet, qui permet de se promener au musée Van Gogh d’Amsterdam, au château de Versailles, à l’Hermitage, à la National Gallery de Londres, etc. En effet c’est surprenant, intéressant, on peut s’amuser à se promener dans les musées.

En revanche, au-delà de l’aspect anecdotique et de l’enthousiasme à présent de rigueur à chaque sortie de projet Google, j’aimerais pointer quelques petits points, qui peuvent paraître pinailleurs, mais qui me semblent importants.

1- d’une part, la qualité n’est pas toujours là. Vous pouvez en effet vous promener dans le musée, mais ne comptez pas forcément pouvoir regarder chaque œuvre en détail. On est dans de la visite « lointaine », un zoom sur une œuvre donnera quelque chose de totalement flou. Les deux captures d’écran ci-dessous sont, je pense, éloquentes.

2- Google rajoute une jolie couche de droits sur les œuvres qui sont intégrées dans ces visites virtuelles. Une part énorme de ces œuvres est dans le domaine public. Pourtant, les conditions générales du site Google Art Project sont très claires : cliquez sur le « Learn more » sur la page d’accueil. Vous verrez deux vidéos expliquant le fonctionnement du service, puis en descendant, une FAQ [en]. Et cette FAQ est très claire :

Are the images on the Art Project site copyright protected?

Yes. The high resolution imagery of artworks featured on the art project site are owned by the museums, and these images are protected by copyright laws around the world. The Street View imagery is owned by Google. All of the imagery on this site is provided for the sole purpose of enabling you to use and enjoy the benefit of the art project site, in the manner permitted by Google’s Terms of Service. The normal Google Terms of Service apply to your use of the entire site.

On y lit que les photos en haute résolution des œuvres d’art sont la propriété des musées et qu’elles sont protégées par le copyright partout dans le monde. Les images prises avec la technologie « Street View » sont la propriété de Google. Les images sont fournies dans le seul but de nous faire profiter du Google Art Projetc. Et on nous renvoie vers les conditions générales de Google.

En gros, vous ne pouvez rien faire de ce service. Vous pouvez regarder, mais pas toucher.

3 – D’ailleurs vous ne pouvez techniquement pas faire grand chose de ces vues. Y compris les vues en très haute définition. Effectivement le niveau de détail est impressionnant, c’est vraiment une manière incroyable de regarder une œuvre. Mais après ? Vous pouvez créer une collection. Soit, je décide de créer une collection. Pour cela il faut que je m’identifie avec mon compte Google (donc si vous n’avez pas de compte Google, c’est dommage pour vous, et si vous vous identifiez, cela fait encore une donnée sur vous, votre personnalité, que vous fournissez à Google. Une de plus). Je peux annoter l’œuvre (mettre un petit texte à côté, sauvegarder un zoom, etc). Que puis-je faire ensuite ? Et bien, pas grand chose. Je peux partager sur Facebook, sur Twitter, sur Google Buzz ou par mail.
Mais en fait, je ne partage pas réellement l’œuvre, je partage un lien vers ma « collection ». C’est-à-dire que jamais, jamais je ne peux réutiliser cette œuvre en dehors du site.

Donc si par exemple je suis professeur d’histoire ou d’histoire de l’art, je suis obligée de faire entrer mes élèves sur ce site pour leur montrer l’œuvre, je ne peux pas la réutiliser à l’intérieur de mon propre cours, en l’intégrant totalement. Ni pour un exposé. Je ne peux pas télécharger l’œuvre. Qui pourtant est, dans l’immense majorité des cas, dans le domaine public. Il faut donc croire que la photographie en très haute résolution rajoute une couche de droits sur cette photo, ce qui pourrait se défendre, pourquoi pas, mais aujourd’hui ça n’est pas quelque chose d’évident juridiquement.

Ce n’est pas la conception de partage de la culture que je défends

Antonio Pollaiuolo 005

Portrait de jeune femme, Antonio Polaiolo, fin XVe siècle, MoMa (à télécharger librement…)

Vous me direz qu’après tout, cela résulte de partenariats entre des musées et Google, ils prennent les conditions qu’ils veulent, c’est leur problème, on a déjà de la chance de voir tout cela. Ok. Mais ce n’est pas la conception de partage de la culture que je défends.

Je me permettrai de rappeler que, en tant que wikimédienne, et défendant la diffusion libre de la culture, je suis attachée à la notion de « domaine public ». Au fait que, passé 70 ans après la mort d’un auteur, en France et dans une très grande partie du monde, une œuvre est réputée être dans le domaine public. Et donc sa diffusion peut être totalement libre. Sa réutilisation aussi, son partage, etc.

Les wikimédiens passent énormément de temps à prendre de belles photographies de ces œuvres pour les mettre librement à disposition sur Wikimedia Commons et permettre à tous de les réutiliser. Il est souvent difficile de faire admettre aux musées qu’il est bon de permettre cette très large diffusion de la culture. Les choses changent peu à peu, le dialogue s’engage ces derniers temps, et c’est une très bonne chose. Nos points d’achoppement avec les musées tiennent souvent à la crainte de « mauvaise utilisation » des œuvres, le domaine public leur fait peur parce qu’ils perdent totalement le contrôle sur ces œuvres (notamment la réutilisation commerciale). Ils discutent cependant avec nous parce qu’ils ont conscience qu’il est impensable aujourd’hui de ne pas diffuser ses œuvres sur Internet, et Wikipédia est tout de même une voie royale de diffusion, par le trafic énorme drainé dans le monde entier (pour rappel, plus de 16 millions de visiteurs unique par mois en France, soit le 6e site fréquenté).

Quelle est ma crainte ? Que ces musées qui commencent timidement à ouvrir leurs portes et se lancent avec nous en faisant confiance, en prenant le pari de la diffusion libre de contenus dans le domaine public, se replient sur une solution verrouillée comme celle proposée par Google Art Project, où l’internaute ne peut absolument pas réutiliser les œuvres ainsi montrées. On visite, on ne touche pas. On ne s’approprie pas. On est spectateur, et c’est tout. Je crains que par envie de contrôle de l’utilisation des reproductions d’œuvres conservées dans les musées, la notion de domaine public recule.

Alors certes, la technologie est intéressante, le buzz est légitime, l’expérience de visite est plaisante. Mais au-delà de cela, est-ce vraiment une vision moderne et « 2.0 » du patrimoine qui est donnée ici ? Je ne le pense pas. J’ai même une furieuse impression de me retrouver dans un CD-ROM d’il y a 10 ans, ou dans le musée de grand-papa.

Pour terminer, je vous invite à aller vous promener sur Wikimedia Commons, dans les catégories concernant ces mêmes musées. C’est moins glamour, pas toujours en très haute résolution, mais vous pouvez télécharger, réutiliser, diffuser comme vous voulez, vous êtes libres…

Au cas où il serait nécessaire de le préciser : je m’exprime ici en mon nom personnel, et uniquement en mon nom personnel. Les opinions que je peux exprimer n’engagent en rien l’association Wikimédia France, qui dispose de ses propres canaux de communication.

Annexe : Vidéo promotionnelle pour Wiki loves monuments

Réalisée par Fanny Schertzer et Ludovic Péron (que l’on a déjà pu voir par ailleurs dans cet excellent reportage).

La vidéo au format WebM à télécharger (2 min – 35 Mo)

URL d’origine du document

Billet initialement publié sur Framasoft sous le titre “Google Art Project : Une petite note discordante dans un concert de louanges”

Image CC Flickr jrodmanjr

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Pour un webdocu modeste http://owni.fr/2010/09/06/pour-un-webdocumentaire-modeste/ http://owni.fr/2010/09/06/pour-un-webdocumentaire-modeste/#comments Mon, 06 Sep 2010 13:50:35 +0000 Vincent Truffy http://owni.fr/?p=26824 «Un nouveau journalisme est déjà là» : sur son blog de l’AFP, Eric Scherer n’avait pas ménagé son enthousiasme pour la forme du webdocumentaire. Du «slow journalisme», par opposition à la tyrannie du flux et du temps réel, évidemment, ça ne peut pas faire de mal.

Pour autant, ce dithyrambe n’est-il pas exagéré ? Dans un précédent billet consacré au genre, on concluait que «le webdocumentaire est une mode, stimulante, qui permet de gérer une transition entre des formes de journalisme traditionnelles, un patchwork de sons, vidéos, photos, textes, documents, et une forme plus aboutie qui reste encore, à mon avis, à trouver.» (on adore se citer en parlant de soi à la troisième personne ;)

Isabelle Regnier, critique de cinéma au Monde, relève également ce que le projet a de trompeur: il contient une «fausse promesse de cinéma (…) : à l’idée de montage s’est substituée celle de présentation, ce qui est très exactement le contraire.»

Un homme de l’art, le documentariste Rémi Lainé (La Belle et Le Braqueur, L’Amour en France, Outreau, notre histoire…) assène une critique plus sévère : «Le documentaire n’a-t-il pas vocation à embarquer son auditoire dans une histoire, lui faire oublier le temps d’un film qu’il est devant un écran – télé ou ordinateur ? Sur le net, nous explique-t-on, il convient de “délinéariser” le récit. Si le net change notre mode de vie (évidence), il bouleverserait aussi notre façon de voir et de penser. Voire. Quel cinéaste (Welles ? Ford ?) disait d’un film que c’était d’abord un scénario, puis un scénario et enfin un scénario ? (…) Ce que l’on découvre (dans le webdocumentaire) reste très consensuel et l’invitation au clic n’y change rien. Jamais la forme ne débride le propos. La réflexion semble s’arrêter à l’habillage. Sur le fond, rien qui n’ait déjà été vu et revu à la télé. Et on se prend à rêver. Que le net, diffuseur universel et inspirateur de liberté, soit un refuge ou une force de proposition pour les films qui, refusant le conventionnel et contrariant le convenu, ne trouvent pas d’espace chez les diffuseurs traditionnels. Qu’émergent sur la Toile, des films qui fleurent le soufre et le scandale, des films qui décoiffent et apportent un souffle nouveau. Sur le sens des films, ce qu’ils racontent. La forme suivra. »

Voilà qui amène à réfléchir. La technique est au point et l’équipement informatique putatif des «spectateurs» (le haut-débit notamment) permet aujourd’hui à ce genre de se développer. La forme reste prisonnière d’une grammaire ancienne, se contentant des signes extérieurs du documentaire sans s’approprier et adapter les codes cinématographiques. La démarche de l’auteur – celui qui tient par la main son spectateur pour le mener de la première à la dernière image – est mise en réserve en faveur d’une «interactivité», d’une narration en rhyzome. D’un souci louable de mise au pouvoir du public qui est tout autant une abdication de cette responsabilité totale qui rend le documentariste comptable de tout, du succès comme du rejet. En substance, on dit ici à l’internaute: «si vous n’avez pas aimé, c’est que vous n’avez pas eu le talent de prendre le bon parcours».

Le webdocumentaire est parti d’un mauvais pied

À force de buzz, d’enthousiasme déraisonnable, à force d’ivresse de la nouveauté, le webdocumentaire est parti d’un mauvais pied. Peut-être faut-il le reprendre, modestement, faire des dossiers, des reportages, des enquêtes. Avoir avant tout quelque chose à dire et une idée de la façon de le dire. Reprendre ce que chaque média — images, sons, vidéos, animations, infographies, textes, documents, liens — peut apporter spécifiquement. Classer, ordonner, les agencer, scénariser minutieusement sans se laisser abuser par une forme flatteuse et une technique envahissante. Etre simplement modeste.

Bonus :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Table ronde de la SCAM, le 20 janvier 2010.

Émission de la revue Media, avril 2010.

Billet initialement publié sur le blog de Vincent Truffy

Image Creative Commons Marion Boucharlat

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Pourquoi 123people est un non-service http://owni.fr/2010/02/19/pourquoi-123people-est-un-non-service/ http://owni.fr/2010/02/19/pourquoi-123people-est-un-non-service/#comments Fri, 19 Feb 2010 02:26:06 +0000 Soymalau http://owni.fr/?p=8572

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[NDLR: Nicolas Voisin, 23h30 le 19 février. Le débat se fait vif et la réaction de 123People est mesurée ; nous y reviendrons. Ce billet est incisif. Fallait-il le publier ? Oui : Ce point de vue et le débat qui va se poursuivre doivent pouvoir s'exprimer - et nous défendrons toujours les auteurs de la soucoupe. Publierions-nous le même billet demain ? Ce débat aussi se devra d'être ouvert. Ce sera fait. Eloignez les enfants du poste - et bonne lecture]

Je ne sais pas si vous connaissez le site 123people, mais si ce n’est pas le cas je vous recommande de faire une petite recherche google avec “votre nom + votre prénom”. Voilà. Maintenant vous devriez voir de quoi il s’agit. J’étais déjà tombé sur ce site merdique il y a quelques mois, et à l’époque j’avais fait un petit groupe facebook pour signifier mon mécontentement.

J’aurais très bien pu ne jamais vous en reparler, oui mais voilà, les dirigeants de 123people ont décidé de s’offrir une petite branlette à l’occasion de leur anniversaire (2 ans déjà !) et mon ami Benjamin Romei, le CEO du groupe média Vendeesign, parachevait le bukkake en tenant la boîte de mouchoirs.

Vu que je ne lis pas régulièrement le blog du groupe média de mon pote BenJi Roro, c’est encore via twitter que la bonne nouvelle m’est parvenue. Je me suis donc rendu sur son portail corporate pour y lire sa prose indépendante. J’y ai laissé quelques commentaires, et ces derniers ont dû faire un peu de peine à un certain Erick Hostachy. Un peu plus tard j’avais un mail de sa part dans ma boîte.

Alors ne nous y trompons pas, le mail était cordial, il y avait même des smileys dedans :-) Mais Erick y disait ne pas comprendre mes propos désobligeants, insultants et diffamatoires à l’encontre de 123people, cette encyclopédie Diderot et d’Alembert moderne, ce site profondément humaniste. Eh bien Erick, t’as de la chance, ce billet t’est dédié, je vais expliquer pourquoi je trouve que 123people est un non-service. On va même se rendre compte que je suis loin d’être le seul à le penser. Let’s go !

123people02

Commençons d’abord avec une petite mise en situation. Je suis un internaute et j’ai envie d’effectuer une recherche sur Internet. En toute logique, je m’attends à trouver deux types de contenus : ceux appartenant à un site donné (lemonde.fr, un site de marque comme sony.com, un site de vente en ligne du style fnac.com etc…) ou bien des contenus ayant été générés par d’autres Internautes, puis enregistrés sur des sites “communautaires” ou “sociaux” (facebook.com, les forums, myspace, youtube, twitter) ou bien encore auto-hébergés (blogs personnels etc). 123People appartient à un troisième type de site. Des sites qu’on a longuement appelé des “annuaires”. Quelle est la stratégie de ce genre de sites ? Celle du moindre effort. Ils récupèrent le contenu mis en ligne sur d’autres sites et le réinjectent dans le leur. Peu importe que des gens s’inscrivent sur leur site ou non, ce n’est pas leur objectif. Ils n’ont pas non plus besoin de rédacteurs. Il leur suffit d’attendre que les autres fassent le travail et pour peu qu’il soit publiquement accessible, pouf, ils vont le récupérer. Alors la question qu’on se pose, c’est pourquoi font-ils ça ? Et bien car ensuite, ces sites vont optimiser leur référencement (de façon plus ou moins réglo) et ainsi chercher à apparaître dans les résultats de recherche, où ils seront alors affichés comme les autres vrais sites.

Ils cherchent donc à tromper l’internaute, en lui laissant penser qu’il va trouver le contenu qu’il cherche,  un contenu qualitatif, alors que ce dernier va en fait tomber sur une page intermédiaire le séparant du contenu qu’il cherche réellement à atteindre. Souvent ces sites ont un alibi avec lequel ils tentent de sauver la face : comparateurs de prix, agrégateurs de blogs, compilation des résultats sportifs, compilation de communiqués de presse… Mais c’est bidon. Ce sont des sites faits à l’arrache, dont le design est minable, avec le plus souvent une seule personne derrière (et ces personnes ont, dans la plupart des cas, des dizaines voir des centaines d’annuaires dans le genre). L’objectif est de tromper le maximum d’internautes. Car ces sites sont généralement truffés de publicités. Plus il y a d’internautes qui viennent, même s’ils ne restent que quelques secondes, le temps de réaliser la tromperie, et plus le site génère de pages vues. Ce qui lui permet de gagner de l’argent. Comme ça. Sans avoir aucune base d’utilisateurs, sans générer aucun contenu qui lui soit propre, juste en pourrissant les résultats de recherches de dizaines de millions de personnes. Pour comparer ça au spam par e-mail, c’est comme si ces gens là vous envoyaient un mail (rempli de pub) pour vous prévenir que vous avez reçu un mail de votre grand mère. Merci les mecs, c’est cool, vous nous rendez vraiment service.

Et 123people, alors, c’est un site annuaire ? Oui et non. 123people c’est pire. C’est un site qui part du principe que toutes vos données personnelles qui sont en accès libre sur Internet peuvent être rassemblées sur une unique page, puisqu’à priori si vous les avez publiées sur d’autres sites, alors ça ne vous pose pas de problème que des gens les réutilisent pour faire de l’argent. Le postulat de base est déjà sacrément culotté. Mais quand en plus la réalisation est merdique, on tient vraiment le bon concept pourri, que personne ne pleurerait si le site venait à disparaître demain.

Sur une même page vont donc apparaître des articles de blogs, des vidéos, des réseaux sociaux, des biographies, des critiques de livres sur Amazon et des images qui vous concernent potentiellement. N’importe qui pourra donc chercher “votre nom + votre prénom” sur google et tomber sur votre page 123people. Et pour peu que vous ayez des homonymes, ça risque d’être un joli pot-pourri. Il ne vous reste plus qu’à espérer que les gens qui portent le même nom+prénom que vous ne soient pas des fêtards ou des drogués, ou bien que le recruteur susceptible de tomber sur 123people s’y connaisse suffisamment pour ne pas se laisser berner. Là ça devient carrément limite. Mais le mieux, c’est qu’en plus de semer la confusion dans les résultats de recherche, les gens de 123people monétisent leurs pages comme de gros porcs. Une image vaut mieux qu’on long discours :

123people03

That’s right. 8 publicités. Et je les soupçonne de rajouter encore des liens sponsorisés dans les sections qui sont vides sur cette capture (blog, actualité, documents…), lorsqu’elles présentent du contenu. C’est juste puant. Mais il y mieux, lorsque vous demandez à 123people de retirer les infos qui vous concernent, ils vous répondent ceci (réponse provenant de ce blog) :

Monsieur Yyyy,

Nous attachons beaucoup d´importance à la protection des données privées et nous ne récupérons pas des profils.

Notre moteur de recherche de personnes 123people vous délivre toutes les informations publiques disponibles sur le web à la libre consultation, et ce, au moment du lancement de votre requête. De même, les profils de forums communautaires explicitement mis à la disposition des moteurs de recherche seront affichés.

Il vous est aussi possible de trouver ces informations en effectuant une recherche manuelle sur internet.
123people n´enregistre ni ne publie ces données, et ne les utilise à aucune autre fin (et les pubs alors, c’est de la déco ?); la seule exception à cette règle concerne des sauvegardes temporaires pour raisons techniques (aaah la technique, l’excuse de tous les maux modernes).

123people vous permet néanmoins de trouver sur le web les informations publiques vous concernant, vous offrant ainsi la possibilité d´identifier des données publiées à votre insu et d´effectuer un premier pas pour mieux les contrôler. (AHAH, là il fallait oser, dans un premier temps on nous dit que tout est accessible en faisant une recherche manuelle, et là on tente de nous inventer une valeur ajoutée, c’est vraiment nous prendre pour de gros CONS)

Il n´est pas dans notre pouvoir de modifier ou supprimer des données provenant d´autres sources. (et c’est pas dans votre pouvoir de ne plus les indexer ? CONNARDS ? Un matin vous vous êtes réveillés et 123people existait sans que vous n’ayez rien fait pour ? Continuez à nous prendre pour de gros CONS)
Si vous voulez changer des informations inexactes, nous vous demandons de bien vouloir le  faire sur la source originale.

Pour localiser l´origine de ces informations, vous trouverez à côté de chaque résultat de recherche une petite icône associée au lien menant vers
la source concernée. De cette façon, il vous sera plus aisé de remonter à la racine de toutes les entrées vous concernant et de contrôler voire de
supprimer ou modifier ces données. 123people contribue donc à la protection de vos informations personnelles! (J’aimerais que les dirigeants de 123people me soutiennent ceci en face, sans exploser de rire)

Nous espérons que vous comprenez maintenant des objectifs et l´utilisation de notre site; nous espérons que vous l´utiliserez pour trouver facilement vos amis, vos proches ou vos contacts d´affaires. (Euh… Jamais ?)

Si malgré tout, des questions étaient restées sans réponse, nous sommes à tout moment à votre disposition.

Veuillez croire, Monsieur Xxxx, en l´expression de nos sentiments les plus respectueux,

Votre l´équipe 123people

Michelle Weber

Je sais pas vous, mais j’avais rarement lu un truc qui soit autant de mauvaise foi. Vu que je suis un mec cool, j’ai préparé une image qui pourra servir à Michelle Weber pour ses prochaines réponses (si tant est que cette nana existe vraiment, et que ce ne soit pas un bot, ce qui est probable) :

123People04

Alors voilà, 123people est un site qui

  1. Ne sert à rien.
  2. Utilise vos informations personnelles sans vous demander votre avis.
  3. Fait du fric avec.
  4. Induit potentiellement en erreur toute personne qui recherchera des informations sur vous.
  5. A les COUILLES de prétendre vous rendre service, et de ne rien pouvoir faire pour ne plus indexer vos infos.
  6. Vient me casser les COUILLES par mail, en me suggérant après TOUT ÇA de faire preuve de remarques constructives. Ben ouais les mecs, vous me pétez l’anus et en plus vous aimeriez que je vous fasse du consulting gratos ? Putain mais il se passe quoi dans vos bureaux, c’est gros pet de jamaïcaine tous les matins avec le café ?

Ces gens sont géniaux. Mais mais mais… On pourrait croire que je suis encore dans mon trip de chevalier blanc de l’Internet, que je suis le seul trolleur du web francophone à avoir pris en grippe le gentil petit service 2.0 qui cherche à faire son trou à la cool, ils ont même embauché un mec sympa, pro de l’e-réputation, qui utilise des smileys et répond sur twitter, vraiment, Soymalau, tu es trop dur, t’es qu’un râleur de merde, de toutes façons en France dés qu’un truc marche un peu, on critique tout de suite. Erick, j’ai rien contre toi, mais vraiment, t’as pas choisi le bon client à défendre là. Hélas, mille fois hélas, je ne suis pas le seul à ne pas apprécier ce super site qu’est 123people. Pic related.

123People05

On dirait que les gens cherchent entre autres à contacter la CNIL au sujet de 123people, qu’ils cherchent à supprimer leurs informations et puis les 9 groupes facebooks c’est du bonus. Bon, au moins je ne suis pas le seul kéké à agiter les bras en l’air. Maintenant, si les gens de 123people pouvaient répondre à ces quelques questions sans langue de bois, il me semble que vous devriez à présent comprendre que vous n’avez pas affaire à des cons, ce serait assez courtois de votre part.

  • ☻ Mes informations en accès public demeurent pour autant mes informations personnelles, aussi ne suis-je pas en droit de décider des sites sur lesquels je veux les voir apparaître ?
  • ☻ Avec 123people, m’est-il possible de publier des informations à mon sujet sur un site, public, mais sans qu’elles soient reprises sur le votre ? Ou bien la seule solution que vous me suggérez est de les supprimer de la source sur laquelle vous allez pomper votre contenu ?
  • ☻ Si demain je décide de me renseigner au hasard sur Russel E. Perry, en ne prenant que les informations publiques auxquelles je peux avoir accès, mais toutes les informations publiques (registres en mairie, anciens employeurs, clubs sportifs, discussion avec la concierge, école où vont ses enfants (après tout la rue est publique, je peux décider de le suivre un matin, sans me cacher, et de relever ses allées et venues)), trouveriez-vous normal que je rassemble toutes ces informations sur une unique page, que je la mette en ligne, que je fasse en sorte qu’elle soit bien référencée sur la requête “Russel E. Perry” et que j’y affiche 8 publicités, et allez, principalement du casino en ligne et des sites pornos, ça paye mieux ? Ou même que je les imprime et que je les distribue à ses voisins ? Pure curiosité hein, pour le moment j’ai autre chose à faire. C’est juste pour faire un parallèle avec la vraie vie. D’ailleurs je suis déçu, la page 123people n’est pas bien pleine :(
  • ☻ Est-ce que oui ou non vous faites du hot-linking sur les images que vous affichez sur vos pages ?
  • ☻ Êtes-vous à l’aise à l’idée qu’une œuvre graphique, que je décide de publier sur mon site, sous la licence Creative Commons by-nc-nd et qui implique donc la non-utilisation commerciale, se retrouve affichée aux côtés de 8 publicités ? N’y voyez vous pas la moindre once d’utilisation commerciale ? Pas d’image = pas de contenu à afficher = pas de page = pas d’espace publicitaire = pas de rentrées d’argent. J’ai contacté le staff Creative Commons à ce sujet, j’attends leur réponse.
  • ☻ Trouvez-vous normal d’afficher en dur des adresses e-mail, les rendant par là même plus vulnérables au spam ?
  • ☻ Vous êtes un moteur de recherche de personnes, qui est la personne qui s’appelle “Shit Eating” ?
  • ☻ Savez-vous conjuguer le verbe acquérir au présent ? Si j’en crois votre page application iPhone, ce n’est pas le cas.
  • ☻ Dans vos réponses, vous suggérez aux personnes d’intervenir séparément sur chaque source publique pour corriger ou effacer les informations personnelles, est-ce que par là vous voulez dire que quand vous agrégez nos informations de façon automatisée, c’est à nous de faire l’effort d’aller les modifier ou les supprimer une par une pour pouvoir les contrôler, pendant que vous générez des revenus avec ?
  • ☻ Quelle est la relation que vous avez avec Reputation Defender ? Partenariat selon quels termes ? Affiliation (vous touchez un pourcentage sur les gens qui s’inscrivent en provenance de votre site) ?
  • ☻ Ne trouvez-vous pas étrange de rediriger vers des services payants qui protègent exactement de ce à quoi vous exposez les internautes ? Désolé mais ça fait penser aux pratiques mafieuses : on te porte atteinte, et si tu veux que ça cesse, tu peux payer.
  • ☻ Si un jour un service identique à 123people voit le jour, et un puis encore un autre, et un autre… Quel sera à votre avis l’effet sur les résultats de recherche ? Avez vous une vision à long terme de la portée de votre site ?

Voilà, bien entendu je ne m’attends pas à avoir de réponses complètes et sans langue de bois, tout au plus certaines questions seront traitées et d’autres savamment éludées. J’espère qu’Erick comprend un peu mieux pourquoi les gens (et pas uniquement Baptiste Fluzin) ont des craintes vis à vis du site dont il semble en charge de l’e-réputation. J’espère que Benjamin Romei continuera à nous produire du contenu indépendant de qualité, comme à son habitude. J’espère que 123people va rapidement se prendre un procès et clamser (ou tout du moins proposer une option simple, rapide et gratuite pour retirer l’intégralité des informations que l’on ne souhaite pas voir diffusées sur leur site). Tiens d’ailleurs, les mecs, si vous êtes réellement un service, mettez en place un http://getsatisfaction.com, pour le fun.

En attendant, les commentaires sont ouverts, vous pensez quoi de 123people ? Vous trouvez normal de ne pas avoir le choix des sites sur lesquels vous avez vos informations publiées ?

Pour finir une image de quelques photos que j’ai prises au pif, sur Internet.

123people06

Peace. Bro. Et puis de toutes façons

> Article initialement paru sur soymalau.com

> Un article de RemiB qui avait déjà traité du sujet sur Owni : “Mais Monsieur, toutes ces données sont publiques!” /-)
]]> http://owni.fr/2010/02/19/pourquoi-123people-est-un-non-service/feed/ 22 L’auto-critique, oui, mais seulement dans le discours http://owni.fr/2010/02/17/l%e2%80%99auto-critique-oui-mais-seulement-dans-le-discours/ http://owni.fr/2010/02/17/l%e2%80%99auto-critique-oui-mais-seulement-dans-le-discours/#comments Wed, 17 Feb 2010 10:53:12 +0000 Morgane Tual http://owni.fr/?p=8387 Il est impressionnant de voir comment, dans le documentaire d’Arte « Huit journalistes en colère », les « pointures » des médias sont capables de se remettre en question. Avec des discours parfois assez justes.

Cela m’a toujours surprise. Dans la plupart des rédactions dont j’ai croisé la route, même dans les plus suivistes et critiquables, les journalistes ont souvent fait preuve d’une grande capacité de remise en question. Là où je pensais que la plupart d’entre eux consacraient l’essentiel de leur temps de cerveau à reproduire bêtement l’AFP, je me suis rendue compte qu’il existait malgré tout une lueur d’intelligence, une petite place dans les méninges consacrée à l’auto-critique.

Le plus surprenant, c’est que malgré cette réflexion, la plupart d’entre eux (d’entre nous, devrais-je dire) passent toujours l’essentiel de leur temps à bâtonner des dépêches ou à ordonner aux autres de le faire. Même si certains ne l’assument pas et dissimulent cette triste vérité à eux-mêmes sous couvert de beaux discours. En clair, les journalistes sont conscients de faire de la merde, mais ils continuent gaiement tout en se disant « ce qu’il faut, c’est arrêter de faire de la merde ».

C’est du vécu

Un exemple m’a particulièrement frappée. En faisant le tour des dépêches (évidemment), je tombe sur cette information. Un virus tout aussi dangereux qu’Ebola a été découvert en Afrique du Sud. Point de rouge clignotant sur la dépêche, pas même un léger jaune, pas de redit, juste une dépêche perdue au milieu de mille autres. J’en informe mon rédacteur en chef qui, intrigué, vérifie aussitôt sur son propre fil AFP (une information donnée par un journaliste n’est validée par ses semblables que si elle a été donnée par un membre de la sacro-sainte Trinité AFP-AP-Reuters, mais c’est un autre débat).

L’information le souffle, « c’est dingue », s’exclame-t-il. Il montre ça à un collègue, et ils s’esclaffent, tous les deux « Ce qui est hallucinant c’est qu’un truc comme ça, tout le monde s’en fout alors qu’on en fait des caisses sur la grippe A ! » Bien, même dans un des médias les plus conformistes du secteur, on est conscient de l’absurdité de certains choix éditoriaux.

Sauf que. Une fois avoir bien ri, chacun est retourné à son poste. Et aucun sujet n’a jamais vu le jour.

> Article initialement publié sur le blog de Morgane Tual

> Photo d’illustration Truthout.org sur Flickr

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http://owni.fr/2010/02/17/l%e2%80%99auto-critique-oui-mais-seulement-dans-le-discours/feed/ 1
La menace fantôme http://owni.fr/2010/02/05/la-menace-fantome/ http://owni.fr/2010/02/05/la-menace-fantome/#comments Fri, 05 Feb 2010 07:57:53 +0000 RemiB http://owni.fr/?p=7684 Âme. Âme du communautaire. Âme du participatif. Âme, tu disparais.

Je ne sais plus par quel bout commencer.
Il fut une époque, où, pour la première fois, j’installais ICQ. Là, par miracle, en entrant le nom de ma ville, j’avais une liste de personnes, et j’osais, suivant des critères bien personnels, les interpeller.
Il fut une époque où, pour la première fois, j’installais mIRC. Là, par miracle, en listant les salons de discussion hébergés par le serveur, j’en trouvais un qui, forcement, m’intéressait.
Il fut une époque où, pour la première fois, j’installais  un jeu multijoueur. Là, presque par miracle, après “un peu” de temps consacré à la configuration, je partageais un moment de divertissement avec un ami, ou un inconnu.
Il fut une époque où, pour concentrer tous ces amis que je croisais finalement partout au même endroit, on installait un phpBB sur un coin d’hebergement multimania (mygale ?).
Il fut une époque où, l’arrivée de gandi sur le marché de la vente de nom de domaine fut une révolution.

Et puis tout le monde parla de “stratégie internet”, les plus grand mirent les pieds dans ce nouveau monde qu’ils ne connaissaient pas, faisant confiance à des personnes ou entreprises qui disaient s’y connaitre, avoir fait des études de marché, et que oui, commercialement parlant, pour faire du business, internet, c’est l’avenir. Et ils avaient raison, internet, c’était l’avenir. Mais demain, c’est loin.

Rideau. Explosion de la bulle. RAZ de la crédibilité du support, on recommence mais…

Cette fois ce sont les gens qui ont grandi avec le net qui sont aux commandes, ils se lancent sur des concepts auxquels ils croient, puisque c’est ce qu’ils veulent, eux, mais qu’ils ne trouvent pas. Et ce n’est pas un hasard si le web devient “social”. Il révèle juste sa vraie nature. Les blogs font leur apparition, et servent déjà de tremplin alternatif aux sites innovants  (qui a dit LaFraise)  qui ont bien comprit qu’ils peuvent se passer des régies publicitaires.

Je ne suis pas historien du net, juste contemporain, et quand même un peu acteur, à mon echelle. Je vais m’arrêter là dans cette mise en situation de peur de dire un peu plus n’importe quoi. Je vais me réorienter vers le fond du post, le sujet qui fait que vous venez de vous taper 384 mots.

Ca tombe bien que j’en arrive à parler de LaFraise, ça va être mon exemple d’illustration.

Ayant évolué en même temps que les outils, aujourd’hui,  je suis moins sur mIRC que sur twitter et Facebook. Et je dois avouer que ces derniers mois, j’ai un peu peur. Je me sens comme un navi qui voit débarquer tout un tas de Jack Sully sur sa planète oueb 2.0. Ils utilisent “nos” outils, apprivoisent “notre” langage, et finissent par calquer nos usages. Ok, le parallèle avec AVATAR est en partie une chasse au référencement, mais au final assez parlant. Ils, ce sont les nouveaux chercheurs d’or. Oh, ils peuvent être passionnés par le web, et foncièrement honnêtes dans leur démarche, mais ce qu’ils veulent, c’est transformer notre âme, et finalement même, la détruire. Tels des apprentis sorciers, ils courent à la catastrophe.

Revenons à notre Fraise. Plus qu’un site de vente de t-shirt, le site est devenu en 3 ans un véritable modèle de communauté virtuelle. Avec ses fans, ses mécontents cycliques, et surtout, surtout, son élément fédérateur Patrice Cassard. Mais il n’avait rien demandé à personne. IL n’était pas son concept. Il s’est juste retrouvé là, à animer le site, son idée avait une âme. Je ne pense pas que Patrice Cassard se soit une seule seconde proclamé community manager de quoi que ce soit.

Ensuite ? Ensuite il revend son site, et le nouveau propriétaire recrute lui, des community manager. Oh oui, le site fonctionne toujours, mais la clientèle est elle restée la même ?

Ca y est, j’ai cité le gros mot du moment. Community Manager.

Et oui, le mot existe, et puisque le mot existe, le metier doit aussi exister, non ? C’est évident. Mais si, il a sa définition sur wikipedia.

“Le community manager a pour mission d’animer les échanges entre internautes utilisant un service web commun et de faire respecter les règles de bonne conduite au sein de la communauté.”

Le métier de community manager serait donc une nouvelle apellation pour “modérateur”. Pourquoi pas. Allons plus loin.

Et c’est là que j’ai peur. Quand ça va plus loin. Il y a même une partie de la définition dédiée à la formation, et quand je vois école de commerce, cette fois, ça me file des boutons. Et, cerise sur le gâteau, il y a même une fiche de poste APEC. Ce sont les recruteurs qui vont être contents.

Je me perds dans les dédales d’une chose que je n’arrive pas a expliquer, à exprimer. Je dois absolument faire simple, au risque d’ennuyer la seule personne qui est arrivée à me lire jusqu’ici. Il faut que j’arrête de poster sur des sujets qui touchent mon affect.

NON on ne se proclame pas community manager.
NON on ne se forme pas au métier de community manager
NON  on ne devient pas community manager

Les community manager, ca n’existe pas. Soyons humbles s’il vous plait. N’imaginons surtout pas des plans de com de lancement de produit avec un mec dédié à ce lancement qui remuera les bras dans tous les sens pour attirer l’attention. Ça, c’est animateur de supermarché. Alors oui, si le community manager doit être un animateur de supermarché virtuel, de e-commerce, dans ce cas pourquoi pas.

Si la notion de community manager doit disparaitre, c’est au profit de l’appropriation des outils d’aujourd’hui et demain par les entrepreneurs eux même. Qui mieux que la personne impliquée dans un projet peut en parler, doit en parler ? Qui mieux que cette personne peut fédérer autour de son projet, recevoir des encouragements et répondre aux questions ?

Si un tier doit intervenir, ce n’est pas pour s’approprier les actions et faire le travail d’un reponsable de com, mais pour former, accompagner, crédibiliser les outils et le net.

Car comme dirait l’autre, il y a dans ce pays, une fracture. Une fracture ouverte entre les entrepreneurs locaux et les prestataires TIC.

Je ne participerais pas à l’élargissement de cette brèche, mais si vous voulez construire un pont, vous pouvez compter sur moi.

Et vous, tous les Jack Sully,  je vous fait confiance pour admettre que le seul moyen de me donner un peu raison, c’est d’admettre que vous avez un petit peu tort.

> Article initialement publié sur le blog de RémiB

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http://owni.fr/2010/02/05/la-menace-fantome/feed/ 0
Nick Cave m’a posé un lapin http://owni.fr/2010/01/20/nick-cave-m%e2%80%99a-pose-un-lapin/ http://owni.fr/2010/01/20/nick-cave-m%e2%80%99a-pose-un-lapin/#comments Wed, 20 Jan 2010 07:24:39 +0000 Abeline Majorel http://owni.fr/?p=7113 Une sympathique peluche au bout du nez rose tendre et aux grandes oreilles. Des caractères rouges sang,  typologiquement proches du Wanted des dessins animés  proclamant le début de la fin dans le titre, suivis de lettrines noires, comme manuscrites, signature de cet avis de décès. Voilà la couverture du nouveau Nick Cave chez Flammarion. Un joli lapin enfantin pour illustrer la MORT DE BUNNY MUNRO. Et  pour le même modique prix (20€), la photo de l’arrière tête du lapin et de la face stylisée et sexy de Nick Cave.

bunny

Bunny Munro  est  un lapin, un chaud lapin plus exactement. Bunny Munro senior est un raté, Bunny Munro le second est un père comme Senior avant lui , tout droit sorti de Bukowski, qui traine Bunny junior sur les routes de la vente de produits de beauté à domicile, après le suicide de sa nuisette orange préférée, Libby sa femme. Junior se révèle un observateur de la réalité de son père, cette mauvaise graine du politiquement correct, extrêmement mature, et malgré le fait que son cœur appartient à son Daddy, il se révèlera adulte pour deux.

La Fascination du lapin.

En lisant « Mort de Bunny Munro » , j’ai pris conscience de l’existence chez le créateur à tendance « morbid chic », pour reprendre l’expression de Liberati, d’une véritable fascination pour le mignon, inoffensif et tendre LAPIN.  Les occurences ont gambadé dans ma tête comme dans un champ de la Garenne profonde ! D’abord le lapin blanc d’Alice aux pays des Merveilles entrainant au fond du terrier de mon esprit, jusqu’à faire apparaître des  Roger Rabbit effrayants, qui se sont transformés fabuleusement en Franck de Donnie Darko, prophétisant l’arrivée des lapins de David Lynch dans Inland Empire, jusqu’àCaerbannog, le gardien carnivore d’une entière caverne de fantasmes dans laquelle devaient bien se trouver quelques lapins Playboy.

L’oryctolagus cuniculus se révèle en fait bien plus qu’une chair tendre et une paire d’oreilles si mignonnes et douces. Il détient une puissance symbolique un peu oubliée de nos jours au détriment de ce côté peluche. Nombre de personnages enfantins de dessin animé comme Bugs Bunny ou Pan-Pan se réfèrent aux caractéristiques évidentes du lapin : sa vitesse, ou sa douceur.  Dans les publicités , il représente l’ abondance reproductive comme chez Duracell.  Mais plus profondément, il est  dans la civilisation chrétienne un symbole janusien. Un lapin est symbole de pureté comme dans La vierge au lapin blanc du Titien, alors que plusieurs sont représentatifs d un érotisme débridé.  Il est chez les chinois un symbole lunaire alors qu’il est le totem de la déesse de l’Aube Ostara en Grande Bretagne. Quand aux hindous, ils en ont fait la personnification du sacrifice personnel, en le faisant se jeter dans e feu pour nourrir Bouddha, qui le récompensa en lui offrant une nouvelle maison : la lune.

titien

Bref, le lapin prête généreusement le râble à la personnification. La Fontaine, Lewis Caroll et Walt Disney ne s’y étaient pas trompés.  Nos créateurs modernes en ont fait toutefois un parangon de symbole de l’étrange, ces derniers temps, jusque dans Matrix.  Nick Cave en choisissant ce surnom a sans doute voulu syncrétiser ces différents symboles : l’enfance, le sexe, le sacrifice. Et après, tout, il est australien et la fascination pour le lapin, maudite bête qui a fait un carnage sur les terres de ses ancêtres est justifiée.

Un surnom, un pitch, un post-it de morale : le lapin fait tout vite

Bunny Munro baise dans une chambre d’hôtel quand sa femme l’appelle exprimant sa peur  d’être seule de manière hystérique et grotesque. Il ne pense qu’au plaisir de la décharge. Il raccroche et elle, elle s’accroche … le cou à la grille de sécurité et laisse tomber. Bunny récupère donc Junior pour son quotidien de road trip et de baise car il est VRP en cosmétique. Efficace car son expertise à Bunny c’est la chatte… La reconnaitre, savoir ce qu elle veut , la remplir et la faire payer à tout prix , il s’y connait.

lapin

On voit dans ce pitch à quel point le surnom Bunny était justifié de la part de l’auteur ! Quoi de mieux qu’un nom de lapin pour un érotomane dépressif ? Si la queue n’est pas basse, les oreilles le seront peut être…. Nick Cave affirme qu’il a d’abord conçu ce roman comme un scénario pour Johhn Hillcoat.  Et au vu de la description de Bunny Munro je ne saurai trop conseiller Matt Dillon pour interpréter le rôle titre. Peut être qu’en ce cas, la ressemblance entre Hank Chinaski de Factotum notamment, et plus largement l’œuvre de Bukowski sera trop évidente.  Nick Cave a cherché ce style fait de crudité du réel et de marginalité qui caractérise ce grand auteur. L’intimité désespérée  de son personnage ne supporte pas l’analyse plus profonde de ses motivations : Bunny est creux.

Or Nick Cave a voulu le remplir. Le remplir d’intentions et de symboles. Il a créé Bunny Munro comme un prétexte à une fable évangélique simpliste.  Ce chaud lapin doit cristalliser l’humanité nécessaire et universelle qui apprend à pardonner à l’autre comme à soi même. Il a voulu par le sacrifice final de son fils démontrer que pour être adulte et humain, il faut savoir se couper d’une partie de soi même pour l’offrir au monde et à l’autre.

« J’ai l’impression qu’à travers l’écriture, je crée un monde plus large que la vie et peut être plus beau, plus intéressant » dit Nick Cave. Plus moral, sans aucun doute. Mais plus large ? Tout dépend de la largeur des vagins diverses et variés qu’il décrit. Mais plus beau ? Sa nomination au Bad Sex Award du Guardian semble solder l’idée même d’esthétique du livre.  Il enchaine les clichés, confond vulgaire et cru, et ne trouve ni le rythme  ni la profondeur de la voix du génial auteur de « The Mercy Seat ».

La voix de Nick Cave, Flammarion, nous propose de la retrouver , non pas dans le roman mais dans la promotion de celui-ci, innovante et transversale  avec un site dédié, sa propre application iphone, un audio livre, et en fond, ce que l’on aime le plus, la musique de Nick Cave and the Bad Seeds. Car le Nick Cave percutant, rebelle, profondément humain, celui que j’admire en musique, ce Nick Cave là n’est pas l’auteur de Bunny Munro. Et à la dernière ligne du livre, ce rendez vous du lecteur, tout en tendresse guimauve, j’ai su que Nick Cave m’avait posé un lapin

lapin1

> Vous pouvez commenter cet article sur le blog d’Abeline

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