OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 The Big Visual Bang Theory http://owni.fr/2011/03/06/the-big-visual-bang-theory/ http://owni.fr/2011/03/06/the-big-visual-bang-theory/#comments Sun, 06 Mar 2011 10:00:09 +0000 Constance Ortuzar http://owni.fr/?p=49778 Article initialement publié sur l’Oeil du Diable, un blog Culture Visuelle et sur OWNIsciences

La sitcom américaine lancée en 2007 sur la chaîne CBS, devenue depuis très populaire en France, met en scène quatre scientifiques geeks et surdoués et leur jolie voisine, aspirante actrice. Le générique de la série, faisant écho à son titre, résume en une centaine d’images défilant rapidement une “Histoire du monde” à partir du Big Bang.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Ce set d’images ressemble beaucoup à celui, compilé et analysé par André Gunthert, des loltoshops apparus sur le web en Novembre 2009 suite à “l’affaire” Sarkozy et la Chute du Mur (voir ici également). De la même manière cette sélection d’images marquantes ou reconnaissables, propose un condensé métonymique de l’Histoire. On y retrouve ainsi, comme dans les montages français, les dinosaures, l’Homme de Vitruve ou Neil Armstrong.

Cependant, à la différence de la production amateure et collective que fut l’ensemble des montages photos de #sarkozypartout, celui-ci est une production visuelle destinée à être diffusée comme une séquence cohérente et animée. Et là où le premier mêle le noir et blanc et la couleur sans ordre, le second s’enchaîne selon une progression allant de l’un à l’autre en passant par le sépia, et donne ainsi l’illusion d’une progression dans le temps. Avec cet artifice efficace, basé sur une sorte de “réflexe visuel”, la matérialité de l’image, son histoire, s’efface, et son contenu s’intensifie. Ainsi la photographie de très bonne définition d’un singe sert-elle à évoquer la préhistoire, et un photogramme (probablement tiré d’une version du Monde Perdu) évoque les dinosaures au même titre qu’un dessin rappelant fortement les figurations du XIXème siècle.

D’autre part, la comparaison de ces deux séries d’images révèle la différence entre les représentations visuelles française et américaine de l’Histoire. La série américaine, si elle partage certaines images emblématiques avec celle produite par les internautes français, se différencie d’abord par l’importance accordée aux périodes historiques : la préhistoire et l’Histoire Ancienne y sont représentées par 24 images (c’est-à-dire un quart du total) alors que le Moyen Age et la Renaissance sont confusément mêlés avec un Homme de Vitruve antérieur à Jeanne d’Arc. Puis, là où les français semblent avoir privilégié le XXème siècle, les américains insistent sur le XIXème.

Seconde différence notable, l’accent mis sur l’histoire du continent américain (civilisations pré-colombiennes, Pilgrim Fathers, conquête de l’Ouest, Lincoln,etc.) On peut également remarquer que face à l’eurocentrisme de la série française, on trouve dans les images du générique plusieurs mentions de l’histoire de l’Orient (la Grande Muraille, le Taj Mahal, une statue de Shiva). Puis l’évocation de l’époque contemporaine et de la culture populaire est très significativement étasunienne. On retrouve entre autres Hollywood, l’Empire State Building, la culture hip-hop et les sports de glisse (skateboard et snowboard) à la place de l’équipe de France de football où Sarkozy avait été incrusté.

Notons, enfin, l’absence de l’évocation des temps bibliques, qui avaient été largement représentés dans les montages photos de Sarkozy. Elle s’explique par le thème de la série The Big Bang Theory, qui comme son nom l’indique (plus ou moins) touche au monde scientifique ; l’Histoire résumée par le générique se veut donc une histoire “scientifique” de notre monde. Thème s’illustrant dans la séquence par des icônes de l’imaginaire des sciences, des images de microscope pour figurer l’apparition de la vie sur Terre, une ampoule évoquant la découverte de l’électricité ou encore Albert Einstein et deux images plus loin sa célèbre formule E=MC2 sur un tableau noir.

Malgré ces différences, on voit bien se dessiner un motif commun aux deux ensembles, une manière de donner à voir l’Histoire à travers des icônes et des emblèmes. Si l’on tape “histoire du monde” dans Google Images on retrouve la “Marche de l’Homme”, Jésus, des cartes anciennes, des tableaux célèbres et des monuments (plus un petit dino en page 8). Je ne sais pas s’il y a un nom pour ces résumés visuels de l’Histoire du monde, mais il me semble qu’il pourrait s’agir d’une forme en soi à qui un inconscient culturel collectif donne ses références.

>> Illustration FlickR CC ntr23

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L’étonnante méfiance des scientifiques envers l’image http://owni.fr/2010/11/22/letonnante-mefiance-des-scientifiques-envers-limage/ http://owni.fr/2010/11/22/letonnante-mefiance-des-scientifiques-envers-limage/#comments Mon, 22 Nov 2010 15:25:59 +0000 Sylvain Maresca http://owni.fr/?p=33436 Titre original : Actualité de Platon

Les observations au sol et en orbite nous envoient une profusion d’images astronomiques mais contrairement à ce qu’on pourrait croire, elles entravent notre compréhension du ciel. Car elles ne sont que l’écume de l’astre, elles ne nous en dispensent qu’une vision superficielle, figée et partielle.” Ainsi commence l’interview de Michel Cassé, astrophysicien, dans le dernier numéro hors-série de la revue Sciences et avenir, consacré à 10 ans de sciences en images 2001-2010. Sur les 8 scientifiques interviewés, seulement 2 parlent des images en termes positifs, contre 6 qui émettent de sérieuses critiques ou au mieux dressent un bilan mitigé. Florilège :

Les images “se substituent souvent à la réalité, toujours au détriment de la réflexion et du questionnement. Au fond, l’image est une économie de pensée [qui] provoque une réponse immédiate (…)” (Jean-Claude Ameisen, médecin immunologiste).

L’image ne peut être dissociée de son décryptage. (José Achache, géophysicien).

La terre est transparente, mais le verre au travers duquel nous l’observons est encore dépoli ! (Barbara Romanovitch, sismologue).

La nouvelle imagerie ne peut pas remplacer les fouilles. (Pascal Depaepe, préhistorien).

Nous trouvons exprimée là, dans un langage moderne, la défiance que Platon avait déjà théorisée contre les images, inaptes selon lui à restituer les Formes ou Idées divines, sources par conséquent de déformations, d’illusions et d’erreurs. Il est étonnant de lire une telle concentration d’opinions négatives de la part de scientifiques sollicités pour enrichir le contenu d’un numéro de revue entièrement consacré aux merveilles de l’imagerie scientifique.

Certains reconnaissent à l’occasion les vertus opératoires des formes d’images utilisées dans leurs disciplines respectives : “révéler des détails toujours plus petits dans le corps humain” (Mathias Fink, physicien) ; “éclairer des zones de plus en plus complexes du manteau” terrestre (Barbara Romanovitch) ; “valider des hypothèses” (Robert Vergnieux, archéologue).

Mais ces avantages semblent bien minces comparés aux critiques, souvent radicales, qu’ils expriment sur le passage de la pureté conceptuelle du langage mathématique à sa mise en images :

Les équations mathématiques (…) décrivent les objets célestes, mais notre imaginaire a besoin d’images. L’astronomie a pris l’habitude de les rendre esthétiques et de les diffuser largement, prétendant dévoiler le réel. C’est sur cette fausse promesse qu’elle crée de l’émerveillement. La science s’apparente ainsi à de la magie, et les astronomes à des chamans qui dévoilent le ciel aux habitants de la Terre. Cette utilisation de l’image fait du tort à la science. (Michel Cassé)

En clair, emportée par la séduction des images, la science se complairait dans l’obscurité trompeuse de la caverne décriée par Platon.

L’image, un pis-aller pour les scientifiques

Mais alors, pourquoi cette luxuriance d’images à quoi nous ont habitués la science et la technologie ? Depuis la photographie, elles n’ont cessé d’inventer de nouvelles formes de figuration visuelle, mais également sonore, pour pousser toujours plus loin leur pertinence descriptive. Pourquoi ces inventeurs inlassables d’images seraient-ils aussi sceptiques sur les vertus de leurs outils ? Et d’abord, pourquoi en créent-ils toujours de nouveaux ?

Par commodité, nous répondent-ils : les ordinateurs “produisent des montagnes de résultats. La seule façon raisonnable de les appréhender est de les mettre en images, dans l’espoir de voir quelque chose d’inattendu. D’être surpris, notre système visuel étant ‘fait’ pour cela.” (Jean-François Colonna, mathématicien) Nous somme bien ici dans la dialectique platonicienne, adaptée aux dilemmes de la science moderne : le calcul mathématique dépasse de loin les facultés mentales des scientifiques qui les élaborent sur des ordinateurs hyper-puissants, de même que les prisonniers de la caverne grecque n’avaient que de lointaines réminiscences des Idées célestes.

Les uns comme les autres sont donc obligés d’en passer par les formes de leur imagination, essentiellement visuelle, pour espérer y “voir” quelque chose. Ce n’est qu’un pis-aller, que les scientifiques cherchent sans cesse à améliorer, mais dont ils ne peuvent ignorer la tare originelle. Certains, toutefois, reconnaissent aux images une vertu heuristique : créer la surprise, valider des hypothèses grâce à des simulations graphiques, bref découvrir au delà du déjà connu.

Les critiques les plus sévères pointent surtout la dérive des images scientifiques : non plus leurs déficiences incontournables en tant qu’outils de recherche, mais leur potentiel d’illusion lorsqu’elles sont projetées dans le contexte social et politique. L’imagerie scientifique sert à profusion pour alimenter des débats de société, asséner des certitudes sur l’origine de tel ou tel comportement humain, convaincre de la supériorité de l’expertise scientifique, etc.

Les images scientifiques alimentent ce virage idéologique en le parant de certaines vertus d’évidence ou d’autorité :

“Les nombres n’ayant pas de couleur, la mise en image des résultats est souvent arbitraire. Il devient alors facile, en général involontairement, de cacher ce qui est, de montrer ce qui n’est pas ou de donner une image à ce qui n’en possède pas : les atomes, les particules élémentaires… Les images que l’on en présente ne correspondent pas à leur vraie nature, mathématique. Notre appréhension du réel peut s’en trouver pervertie, art et science ne devant point être confondus.” (Jean-François Colonna)

Car la beauté est l’une des “armes” des images scientifiques, qui contribue à les rendre plus convaincantes, ou pas : “Ces images [satellites] sont paradoxales. Elles sont toujours belles, même lorsqu’elles nous révèlent une dégradation de la planète. A cette échelle, les problèmes locaux et les pollutions régionales n’apparaissent qu’au regard exercé. Aussi, je doute leur capacité à faire prendre conscience au public des enjeux pour la Terre. ” (José Achache) Et Jean-Marc Lévy-Leblond (physicien et philosophe) d’enfoncer le clou :

Plus la technoscience contemporaine s’industrialise et se militarise, plus elle recourt à l’alibi artistique. Que cherche-t-on à justifier en multipliant les couleurs et les moyens ?

C’est ainsi qu’un luxuriant numéro de revue, saturé d’images toutes plus spectaculaires les unes que les autres, panorama chatoyant de la science triomphante, tourne à la critique en règle contre le règne des images – accusées non seulement d’être des outils insuffisants, mais encore trompeurs, et cela d’autant plus que l’esthétique des images de la sciences a envahi notre imaginaire visuel. Ce numéro de Science et Avenir s’achève sur Avatar et les nouveaux films de science-fiction, qui nous font croire à l’existence de créatures imaginaires plus vraies que nature. Comment les scientifiques pourraient-ils s’en étonner et le déplorer, eux qui ont tout appris aux illusionnistes du grand écran ?

>> Illustration FlickR CC : kasi metcalfe

Billet initialement publié sur La vie sociale des images, un blog de Culture visuelle.

Culture visuelle est un site développé par 22mars, société éditrice d’OWNI.

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