OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Les retraites: un problème sans solution? http://owni.fr/2010/10/26/les-retraites-un-probleme-sans-solution/ http://owni.fr/2010/10/26/les-retraites-un-probleme-sans-solution/#comments Tue, 26 Oct 2010 08:56:19 +0000 Alexandre Delaigue (Econoclaste) http://owni.fr/?p=33593 Autour d’une table. Sur celle-ci, les reliefs d’un dîner. En bruit de fond, on entend un air de musique interrompu parfois par des bruits de vaisselle en provenance de la cuisine voisine.

Belle-mère : Mon gendre, j’ai une question à vous poser.

Gendre (un peu inquiet) : Je vous écoute, madame. De quoi s’agit-il?

Belle-mère : Voilà. Il y a quelques jours, mon mari et moi recevions ici quelques amis et collègues. Vous connaissez mon mari; bien évidemment, ils ont passé la soirée à discuter politique. Je n’ai que peu de goût dans ce domaine, et en général n’en parle pas. Mais là, à un moment, est arrivée la question des retraites. Un sujet qui, vous le savez, va très bientôt nous concerner. Je dois vous avouer, à ma grande honte, que je ne me suis guère préoccupé de cette question; mais la conversation m’a inquiétée. Je n’ai rien compris, mais tous nos amis semblaient persuadés d’un problème; et tous avaient des propositions très différentes pour le résoudre, et se sont vivement opposés. Après cela, je me trouve dans la plus grande confusion. Alors je me suis dit que peut-être, vous pourriez m’éclairer. Qu’est-ce exactement que ce problème des retraites?

Gendre (visiblement soulagé) : Cela peut se comprendre facilement. Dans tous les pays, il y a des gens qui sont en âge de travailler, et des gens qui ne sont pas en âge de travailler, soit trop jeunes, soit trop âgés. Pour simplifier, on dit que les gens d’âge compris entre 15 et 64 ans sont en âge de travailler, et pas les autres. On appelle ratio de dépendance (désolé – je sais que vous n’aimez pas le jargon) le rapport entre le nombre de personnes en âge de travailler et les autres. Or, sous l’effet de la baisse de la natalité dans nos pays, et surtout de la hausse de l’espérance de vie, ce ratio de dépendance est appelé à considérablement diminuer au cours des 40-50 prochaines années : les populations vont avoir tendance à diminuer, et à vieillir. Aujourd’hui, il est d’environ 5 dans ces pays, ce qui signifie qu’il y a 5 personnes en âge de travailler pour une personne inactive. Étant données les tendances actuelles, il pourrait passer à 2,5 vers 2050; ce qui signifie que chaque personne en âge de travailler aura en moyenne, à sa charge, deux fois plus de gens qu’aujourd’hui.

Belle-mère : Cela ne semble pas un si grand changement…

Gendre : Détrompez-vous. Il y a quelques années, l’ONU a calculé « l’équivalent immigration » du déficit démographique dans différents pays. Pour maintenir la population française constante entre 1995 et 2015, ont-ils calculé, il faudrait d’ici là accueillir 1,5 millions d’immigrants actifs. Cela ne fait pas beaucoup : environ 27 000 migrants par an, soit moins que l’immigration française actuelle. Mais maintenir la population ne prend en compte que l’effet de la natalité réduite; pour maintenir le ratio de dépendance, c’est-à-dire compenser le fait que les personnes vivent plus âgées, il faudrait accueillir d’ici 2050 94 millions d’immigrants, soit 1,7 millions de personnes par an. La population française passerait alors à 160 millions de personnes. A titre de comparaison, il y a environ 800 000 naissances par an en France. Vous voyez que de tels chiffres sont considérables : il n’est ni possible, ni souhaitable, que la population française augmente dans de telles proportions.

Belle-mère : mais alors, concrètement, qu’est-ce que cela signifie?

Gendre : cela signifie que les retraites vont coûter de plus en plus cher. Or elles sont prélevées sur les revenus des actifs sous forme de cotisations; ceux- ci vont donc faire l’objet d’un prélèvement qui va s’élever. Ou alors, ce sont les pensions de retraite qui baisseront. Il y a un effet qui vient mitiger cela, c’est celui de la croissance économique; si l’on reste sur le rythme du 20ème siècle, le revenu par habitant a augmenté d’environ 2% par an. A ce rythme, les revenus sont pratiquement multipliés par trois en 50 ans. Mais utiliser cette croissance pour financer les retraites risque de poser quelques problèmes.

Belle-mère : lesquels, exactement?

Gendre : déjà, il n’est pas certain que cela suffise. Les coûts du vieillissement de la population ne se limitent pas au coût des retraites; il faut aussi compter le coût accru du système de santé, car les personnes âgées consomment plus de soins, et les soins médicaux coûtent de plus en plus cher. Par ailleurs, nous ne savons pas du tout si la croissance future sera la même que celle du siècle dernier. Il n’est pas impossible que le vieillissement de la population réduise cette croissance, pour diverses raisons. D’abord, parce que les personnes en âge de travailler seront moins incitées à le faire si elles constatent qu’une part croissante de leur salaire est absorbée par les prélèvements de retraite. Mais aussi parce que la croissance implique un rythme relativement rapide de changements techniques. Regardez vos parents, comme ils ont du mal à se faire à l’usage de l’ordinateur. Si une grande partie de la population connaît des difficultés pour s’adapter aux nouvelles techniques, cela peut ralentir la croissance.

Belle-mère : excusez-moi, mais pourquoi ne devrait-on ponctionner que les salaires des personnes qui travaillent? J’entends à la radio le petit jeune, vous savez, le facteur…

Gendre : Olivier Besancenot?

Belle-mère : oui, c’est cela. Donc hier, je l’ai entendu à la radio, et il disait qu’il faudrait financer les retraites en taxant les profits, qu’il dit très élevés, des entreprises. N’est-ce pas une bonne idée?

Gendre : hélas, madame, cela ne change pas la situation. Les entreprises font leurs calculs sur la base de leur profit après impôts. Pour maintenir ceux-ci avec des impôts accrus, elles seraient amenées à réduire les salaires de leurs employés : ceux-ci se retrouveraient donc dans la même situation qu’avec des impôts accrus. Peut-être que les taux de profits des entreprises pourraient, toutefois, baisser; mais cela aurait des effets sur la croissance, en réduisant les revenus issus de l’activité entrepreneuriale, et donc en dissuadant celle-ci. Quoi que l’on fasse, on en revient au même problème : ceux qui travaillent devront supporter une charge accrue.

Belle-mère : mais… il y a beaucoup de gens qui ne travaillent pas, beaucoup de chômeurs. Si tous ces gens trouvaient du travail, cela arrangerait les choses, non?

Gendre : évidemment. Mais n’oubliez pas que le problème est avant tout un problème de répartition de la population entre ceux qui sont en âge de travailler et les autres; même si tous ceux qui sont en âge de travailler le font, le problème subsiste.

Belle-mère : si je comprends bien, vous êtes en train d’expliquer que les retraites sont compromises; pensez-vous que mon mari et moi devrions mettre plus d’argent de côté? Et de façon générale, que tout le monde devrait en faire autant?

Gendre : vous touchez là l’une des questions les plus récurrentes sur les retraites. Il existe deux façons de payer pour les retraites, que l’on appelle répartition et capitalisation. La répartition, c’est le système qui existe actuellement en France : on prélève des cotisations sur ceux qui travaillent pour verser des pensions aux retraités. La capitalisation, de son côté, consiste à faire en sorte que les gens constituent un capital au long de leur vie active, et consomment celui-ci lorsqu’ils sont en retraite. Pour cela, on voit apparaître différents mécanismes, facultatifs ou obligatoires, et faisant parfois l’objet d’incitations fiscales. Vous avez peut-être entendu parler des fonds de pension?

Belle-mère : eh bien, certes… je connais le mot. L’autre soir, l’un des amis de mon mari semblait dire que c’était une catastrophe que cela n’existe pas en France. Mais à part cela…

Gendre : les fonds de pension sont des organismes qui gèrent l’épargne-retraite des gens, dans les pays ou les retraites sont fondées sur la capitalisation. De ce fait, ils disposent de masses de capitaux importantes, qu’ils vont ensuite placer sur les marchés financiers. Et effectivement, certains recommandent, puisque les retraites par répartition sont soumises à des difficultés, d’adopter en complément un système de retraites par capitalisation, voire de remplacer l’actuel système par un système de fonds de pension. Mais il y a plusieurs raisons d’être sceptique. Premièrement, la transition d’un système par répartition à un système par capitalisation est difficile : il faut que pendant la transition, les actifs paient à la fois les pensions de l’ancien système et se constituent un capital : on retrouve le même problème qu’avant, les actifs doivent payer. Deuxièmement, la différence entre capitalisation et répartition n’est pas si importante qu’on le pense. Pour que la capitalisation fonctionne, il faut qu’au moment ou les retraités dépensent le patrimoine qu’ils ont accumulé, il y ait des actifs qui souhaitent le leur acheter… Au total, C’est donc toujours à un prélèvement sur le revenu des actifs que l’on revient.

Belle-mère : oui, mais mettre de l’argent de côté pendant plusieurs années rapporte, ce que ne fait pas un argent qui va directement aux retraités. N’y a- t-il pas là une différence?

Gendre : Oui, les revenus épargnés rapportent des intérêts. Mais dans un système par répartition aussi, vous touchez plus que vous n’avez cotisé, du fait de la croissance économique. Vous recevez votre pension au moment ou les salaires des actifs ont augmenté, du fait de celle-ci. Ce qui donne d’ailleurs lieu à un résultat central de l’économie des retraites : si les taux d’intérêt sont égaux au taux de croissance, capitalisation et répartition sont exactement équivalents. Si les taux d’intérêt sont supérieurs au taux de croissance, c’est la capitalisation qui a l’avantage; si la croissance est supérieure aux taux d’intérêt, c’est la répartition qui a l’avantage.

Belle-mère (semble un peu distraite) : Oui, heu… Et donc maintenant, qu’est- ce qui est le mieux?

Gendre : jusqu’à la fin des années 70, c’était la répartition; depuis, le rendement de la capitalisation est devenu supérieur. Cela fait partie des arguments favorables à la capitalisation; beaucoup se disent que ce serait une meilleure affaire pour les retraités que le système actuel. Mais cela ne résout pas la question de la transition d’un système à l’autre. Et en pratique, ce n’est probablement pas la raison pour laquelle existe une telle pression favorable à la capitalisation. La vraie raison, c’est qu’un système de fonds de pension « à la française » constituerait une considérable aubaine pour l’industrie financière en France (banques et compagnies d’assurance). Cela leur offrirait d’importantes quantités de capitaux à gérer, et sans grande difficulté, puisque ces placements feraient l’objet d’avantages fiscaux. Après tout, si aujourd’hui quelqu’un veut épargner pour sa retraite, strictement rien ne l’empêche de le faire : il doit simplement payer des impôts. On peut trouver de très bonnes raisons pour réduire la fiscalité qui pèse sur l’épargne; mais il n’y a aucune raison de favoriser spécifiquement l’épargne gérée par de grandes institutions financières, par rapport à celle de l’individu qui décide d’acheter des titres en propre. Sauf bien entendu si l’on a une autre idée derrière la tête.

Belle-mère (semble totalement perdue) : Quelle idée?

Gendre : l’idée de verrouiller le capital des grandes entreprises françaises en faisant en sorte qu’elles soient au bout du compte contrôlées par des fonds de pension nationaux que l’on incite à investir dans ces entreprises. Ce qui permet d’éviter que des étrangers ne prennent le contrôle de ces entreprises, et que celles-ci restent les chasses gardées de nos classes dirigeantes. C’est un objectif bien éloigné de la sauvegarde des personnes âgées, vous conviendrez.

Belle-mère (bâille) : C’est très intéressant ce que vous dites… Mais alors, quelle est la solution au problème des retraites?

Gendre : il n’y en a pas.

Belle-mère : Vraiment pas?

Gendre : Non. Il n’y a pas de politique qui permettrait de résoudre le problème de façon magique. A terme, il faudra faire payer un peu plus les cotisants, réduire un peu les pensions de retraite, peut-être combiner cela avec une augmentation de l’âge de la retraite. Sous quelle forme? Nous ne pouvons pas le savoir aujourd’hui. Il faudra probablement s’adapter au cours du temps, avec des réformes mises en oeuvre au fur et à mesure, qui dépendront des équilibres politiques et des circonstances à venir. Pour l’instant on se contente de faire quelques économies en réduisant à terme les pensions des retraités, en augmentant un peu la durée de cotisation et en ramenant certains systèmes plus avantageux vers la moyenne générale; mais si cela va trop loin dans le sens d’une réduction des revenus des retraités, les gens s’adapteront en épargnant un peu plus, ou accepteront l’idée de vivre plus chichement lorsqu’ils cessent de travailler; ou, encore, les personnes âgées profiteront de leur nombre pour exiger des gouvernements des pensions plus confortables. Pour faire rapide, nous ne savons pas ce qui va se passer, et les diverses réformes gouvernementales n’y changeront pas grand-chose.

Belle-mère (semble penser à autre chose) : Bon, bien tout cela est très intéressant. Je ne suis pas sûre d’avoir tout compris…

Gendre : Je peux vous réexpliquer certaines choses, si vous le souhaitez.

Belle-mère : Non merci! En tout cas je me sentirai moins désemparée la prochaine fois que mon mari et ses amis parleront de ce sujet. Vous savez, mon mari apprécie toujours vos explications. Mais…

Gendre : Oui?

Belle-mère : Quand même, ne pensez-vous pas que si la jeune génération d’aujourd’hui avait plus d’enfants, cela arrangerait les choses?

Gendre : Extrêmement peu. Je vous l’ai dit, c’est un problème d’allongement de la durée de vie beaucoup plus que de natalité, et la natalité théoriquement nécessaire pour maintenir la situation démographique est à la fois irréaliste et peu souhaitable.

Belle-mère : Quand même, je continue de penser que si les jeunes d’aujourd’hui avaient plus d’enfants… D’ailleurs, je me disais que vous…

Gendre (se lève brusquement) : Oh, mais nous discutons, et pendant ce temps, votre fille est seule à ranger la cuisine. Je vais aller l’aider un peu.

Le gendre quitte la pièce précipitamment. La belle mère reste seule perdue dans ses pensées. Puis elle se lève et à son tour se dirige vers la cuisine.

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Publié sur le blog d’éconoclaste, extrait du livre « Sexe, drogue… et économie », Alexandre Delaigue & Stéphane Ménia, Pearson, 2008

crédits photos Flick’r Vetustense et Spacelion

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Retraite vers le futur: mais qui connait monsieur Alex Kotizan? http://owni.fr/2010/07/19/retraite-vers-le-futur-mais-qui-connait-monsieur-alex-kotizan/ http://owni.fr/2010/07/19/retraite-vers-le-futur-mais-qui-connait-monsieur-alex-kotizan/#comments Mon, 19 Jul 2010 08:07:07 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=20742 Retraite vers le futur, ou comment une louable intention finit dans le mur. Partant du constat que le sujet crucial des retraites est loin de passionner les jeunes, la Cnav a souhaité communiquer à leur intention via un média adapté -sur le papier- à leurs goûts. En l’occurrence un serious game intitulé Retraite vers le futur, dont le synopsis et l’univers réfère au “film culte” de leur enfance (ah bon ?). Signalé à juste titre par @nico_ltdm (ex @nobrist) d’un “OMFG  #ilsontosé“, ce jeu conçu par Paraschool, société spécialisée dans les “solutions éducatives” propose à l’internaute une simulation dans le futur de sa retraite, “une nouvelle approche du sujet, à la fois ludique et interactive” sensée faire passer la pilule des connaissances à s’enfiler. Sauf que non, pour deux bonnes raisons.

Il faut s’accrocher pour arriver au bout

La première, c’est que le jeu est rébarbatif, il faut vraiment en vouloir pour le finir. Le jeune est invité par Alexandre Kotizan (lulz), un jeune retraité de 2046, à le rejoindre en 2046. Soit, essayons. Le jeu, réalisé en Flash, est tellement mal codé qu’il a fallu qu’on s’y mette à trois pour le finir. La personne prête à “tent[er] l’aventure” va en effet devoir réussir trois “épreuves” lors de son voyage, qui correspondent aux points-clés du message que la Cnav a souhaité faire passer : la collecte des documents nécessaires plus tard au calcul de la retraite, les périodes de cotisation et le nombre nécessaire pour une retraite au taux plein et les valeurs du système, solidarité, etc.

Salut, le djeune, moi c’est Alex Kotizan, et toi ?

Comme on est dans un jeu, n’oubliez pas, l’internaute courageux est invité à prendre le volant d’une auto (voiture, caisse, hu, hu…) et ramasser par exemple ses fiches de paye, etc. “Courageux” parce que ça finit vite dans les graviers. La Cnav reconnait que lorsque l’objet a été présenté en test, des filles ont fait remarquer que les jeux de voiture sont plutôt pour les garçons. Certes, mais même mes deux mâles camarades d’open space ont pesté devant une maniabilité si catastrophique. Au passage, le principe du jeu de voiture a été conservé, tant pis pour celles qui n’aiment pas cela.

Le tout sur fond de musique de film d’action plutôt anxiogène, d’autant plus qu’un compteur défile à toute vitesse. Histoire d’en rajouter une couche, la deuxième étape se déroule de nuit car

la nuit, comme la vie, étant porteuse d’incertitude, le rallye se déroulera symboliquement de nuit.

À nos remarques là-dessus, la Cnav répond : “nous n’avions pas comme objectif de rassurer mais d’être rassurant en expliquant, le but c’était d’être pédagogique.” Nous vous laissons juge de qualifier l’ambiance, notion il est vrai subjective.

Bing ! Dans les choux...

La cible n’est pas au courant de l’existence du jeu

Seconde raison pour laquelle Retraite vers le futur a loupé le coche, elle n’a pas communiqué là-dessus. Le jeu est en ligne depuis octobre 2009 et le jeune n’est toujours pas au courant, faute de budget idoine : “Cela nécessitait des moyens de communication de masse importants, du coup nous n’avons pas encore touché notre cible“, explique Emmanuelle Sainson, responsable de la communication de la Cnav. Ah oui, mais une page Facebook, c’est cher ?Nous allons doucement vers les réseaux sociaux, justifie-t-elle, nous faisons des études pour savoir si on y va, nous irons peut-être à l’avenir.” Prudence est parfois mère de fail. En revanche, il ont prévu de faire des partenariats avec l’éducation nationale et l’enseignement supérieur. Jean-Eric Lucas, président de Paraschool nous a de son côté dit que la Cnav n’avait pas souhaité communiquer car le sujet des retraites est sensible en ce moment.

Un petit tour sur Alexa et Bit.ly donne une idée de la faible circulation de l’adresse. De même, le forum compte en l’état actuel  trente membres, sept discussions et douze messages. Il faut dire que les concepteurs ont eu la riche idée d’obliger à finir le rallye pour pouvoir s’y exprimer. De l’art délicat de manier la carotte et le bâton.

En même temps, faut-il communiquer sur ce produit…  Arnaud Parienty, professeur agrégé de sciences économiques, blogueur sur Alternatives économiques et ancien membre du Conseil d’orientation des retraites, se montre aussi réservé : “C’est parfaitement juste sur le plan technique.

Mais on demande des solutions individuelles, sans la moindre interaction avec d’autres, pour régler des problèmes collectifs, relevant forcément du politique.

Ainsi, un bon citoyen “solidaire” doit régler son véhicule. “Avant de repartir en cliquant sur le bouton “valider”, réfléchisser (avec une belle faute d’orthographe) aux conséquences de votre paramétrage sur le consensus social. Êtes-vous prêt à cotiser plus pour maintenir le montant des retraites versées à vos parents et, plus tard, vous mêmes ?” Il faut “piloter sa “caisse” à travers les différentes étapes du “rallye de la retraite” tout en se montrant capable de régler au mieux son moteur afin d’éviter tout risque d’emballement du système.” On précisera à toutes fins utiles que le ministère du Travail n’a pas validé ce projet, ni fait de corrections, il y a juste eu des échanges sur le sujet.

“Après, ce n’est qu’un jeu, cela nous en dit plus sur la communication que sur les retraites, poursuit Arnaud Parienty. Maintenant, est-ce que c’est motivant pour les jeunes, dont on comprend bien que le but de ce jeu plutôt laborieux et trop compliqué est de les sensibiliser ? Je suis très dubitatif quant à la méthode employée. Pour avoir animé des débats, des stages et tout ce qu’on peut animer, sur le sujet, je reconnais qu’il est difficile d’intéresser les moins de 40 ans au sujet, à part dans un contexte militant.

Mais le ton du jeu ne donne-t-il pas à penser qu’on les prend pour des débiles ?

Ne vaudrait-il pas mieux les informer sérieusement sur le fait que certains contrats (de stagiaire, en particulier) ne permettent pas de valider des trimestres, alors que les petits boulots le permettent ?”

Curieusement, Retraite vers le futur a pourtant obtenu un prix au Serious Game Expo de Lyon l’année dernière, ce qui a “conforté” la Cnav dans sa démarche. Et ce n’est pas un prix d’encouragement…

95.000 euros de budget, le double du temps pour le finir

Au fait, combien à couté ce rutilant véhicule inutilisé ? Et bien la coquette somme de… 95.000 euros. De plus, il a mis deux ans à être conçu au lieu d’un. On aurait pu s’en douter, vu que l’aventure commence en 2008… “Ce fut plus long que prévu, raconte Emmanuelle Sainson, c’est un projet ambitieux de vulgariser ce sujet pour les jeunes, ce n’est pas une gageure.”

Paraschool avait remporté l’appel d’offre sans trop de soucis, puisqu’ils étaient les seuls en lice. La boîte avait déjà été recommandée par une agence de communication qui travaillait avec la Cnav sur la thématique de la communication avec les jeunes. Elle n’avait apparemment pas lu les analyses de notre camarade Jean-Marc Manach sur deux de ses précédentes réalisations, Mission Défense et Cyber-Budget.

À la fin, vous avez droit en bonus (lulz bis) à des vidéos : l’une montre Jean-Marcel Jeanneney, ministre de de Gaulle, démontrer le bien-fondé de la création de la Cnav, dans un exposé très ORTF, avec explications au tableau à l’appui. Pour la forme, le journaliste pose quelques questions, sitôt repris par le ministre. Le second est un imbitable documentaire sur la retraite, mode “parlons au citoyen comme à des enfants“. Retraite vers le futur ou l’art de s’enduire d’une -coûteuse- couche d’interactivité.

Quid de l’avenir du jeu ? Direction la casse ? En ces temps de réforme, le jeu ne saurait rester totalement en l’état : “On attend de voir, il y a deux solutions, soit on le retire provisoirement le temps de faire des mises à jour, soit on le laisse en mettant des messages de mise à jour. De toute façon, ce n’est pas un site sur l’actualité de la retraite, il y a des ajouts à prévoir mais pas de remise à jour de fond en comble“, détaille Emmanuelle Sainson, qui ne croit pas pour l’heure à une remise en cause du système par répartition. Une idée qui ressort pourtant régulièrement, dans les rangs de l’UMP par exemple ou encore la Commission européenne. Mais est-ce bien sérieux ?

Pour tenter l’aventure : Retraite vers le futur

Les deux articles de Jean-Marc Manach : Futurs trouffions, votre mission : cliquez-là et « Vis ma vie de ministre du Budget »… à l’ANPE

MAJ : le 20 juillet, suite à l’appel de Paraschool.

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