OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 L’agence tous leaks http://owni.fr/2012/08/29/lagence-tous-leaks/ http://owni.fr/2012/08/29/lagence-tous-leaks/#comments Wed, 29 Aug 2012 16:49:26 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=119045 "son propre média", selon la recette éprouvée de WikiLeaks.]]>

L’aventure de WikiLeaks se poursuit, et pas seulement avec les imbroglios judiciaires et diplomatiques de son fondateur Julian Assange. Des projets similaires se multiplient. L’année dernière était lancé Open Leaks par Daniel Domscheit-Berg, une ancienne figure de l’organisation de Julian Assange. Sans grands résultats à ce jour.

Anonymous dans le pré de WikiLeaks

Anonymous dans le pré de WikiLeaks

Des collectifs d'Anonymous aussi ont leur propre plateforme de diffusion d'informations confidentielles, leur WikiLeaks sauce ...

Des plateformes de recueil d’informations confidentielles ont été déclinées dans plusieurs pays (French Leaks, MagyarLeaks) et sur différents sujets (EnviroLeaks). La bannière Anonymous flotte même sur une autre déclinaison, Par:noia.

Lanceurs d’alerte

Des initiatives intéressantes qui n’ont pas satisfait Pedro Noel, un activiste brésilien venu du mouvement Occupy, et ancien de “WikiLeaks Central”. Il fait partie des fondateurs de l’Associated Whistleblowing Press (AWP), un collectif qui vient de lancer son site – whistle.is. Un projet ambitieux au nom évocateur : le nom de la célèbre agence américaine – Associated Press – est saupoudrée d’une composante de “lancement d’alerte” (whistleblowing en VO). AWP s’inspire des réussites comme des échecs de WikiLeaks, explique Pedro Noel, joint par chat :

Nous ne voulons pas être des rivaux de WikiLeaks. Nous sommes simplement plusieurs personnes à avoir quitté WikiLeaks Central pour lancer un autre projet, car c’est devenu un portail pour les médias très centré sur Assange et WikiLeaks.

AWP veut être son propre média. L’équipe est composée d’environ six éditeurs, dont les deux fondateurs, Pedro Noel donc, et Santiago Carrion. Le site est hébergé en Islande, un pays “qui se bat pour fournir aux éditeurs, journalistes et lanceurs d’alerte un cadre légal protecteur”. Au sein de AWP, les rôles tourneront. Pedro Noel est rédacteur en chef pour le moment, mais ne devrait pas le rester. Les décisions sont prises de façon concertée, en respect de la philosophie hacktiviste.

Le collectif veut englober toute la chaîne de diffusion d’informations confidentielles (les leaks). Depuis la récolte via une plateforme sécurisée jusqu’au traitement des données et leur publication. Une réaction aux “médias commerciaux” pour lesquels AWP affiche une forte défiance. Sur leur site, ils écrivent :

La censure est pratiquée de façon quotidienne dans les médias de masse – des informations cruciales sont négligées, l’apathie est encouragée. Tout est fait pour maintenir ou augmenter la puissance des propriétaires des médias ainsi que le milieu socio-économique auquel ils appartiennent. Est alors affectée la nature même du journalisme : fournir des informations impartiales, justes pour que les citoyens soient gouvernés correctement.

Les mots sont durs, mais dans les faits, AWP ne considère pas “les médias commerciaux” de façon indiscriminée. Plusieurs grands journaux européens ont été contactés pour établir des partenariats, encore à l’étude. Des raisons plus pragmatiques expliquent cette méfiance. Les fondateurs avouent avoir été déçus par le traitement des leaks, par les médias ou WikiLeaks, et par leur impact parfois limité.

“Les moyens actuels pour publier les données fuitées sont très inefficaces” déplorent-ils dans la présentation de leur site. “La diffusion d’informations confidentielles continue de dépendre des médias commerciaux pour combler le vide entre les données brutes et les véritables infos.”

“Aider les communautés”

L’ambition est de revenir à des niveaux plus modestes, ne pas forcément chercher à faire trembler la terre entière mais privilégier un impact plus local et plus direct. La plateforme sécurisée d’AWP se déclinera en plusieurs plateformes régionales, locales. “Il faut convaincre les gens de faire fuiter tout ce qui touche à la vie de la cité, public ou privé” détaille un journaliste intéressé par l’aventure.

Là encore point une distinction nette avec WikiLeaks : “C’est un problème que des organisations comme WikiLeaks soient très centrées sur le monde anglo-saxon et ne révèlent des informations que d’intérêt mondial et souvent en lien avec les États-Unis” explique Pedro Noel. “Nous voulons AIDER les communautés” assène-t-il.

Dans l’idéal, les plateformes locales permettront à des membres d’une mairie ou d’une entreprise, même petite, de transmettre en toute discrétion des documents que des journalistes du coin traiteront. Dans l’idéal seulement. Les éditeurs contrôlent les informations du début à la fin, et pourraient choisir d’en favoriser certaines. Le mélange des genres entre activistes, blogueurs et journalistes fait aussi craindre que AWP se transforme en un site militant, tout feu tout flamme. Un temps, l’équipe avait pensé au nom de domaine dénoncer.fr, avant qu’un membre français de l’équipe rappelle la forte charge symbolique du terme.


Illustration la galerie Flickr de Truthout [CC-byncsa]

Mise à jour, 30 août, à 16h : AWP a précisé qu’ils avaient des liens avec WikiLeaks Central, et non WikiLeaks.

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Les sales blagues de Bachar el-Assad http://owni.fr/2012/07/18/les-sales-blagues-de-bachar-el-assad/ http://owni.fr/2012/07/18/les-sales-blagues-de-bachar-el-assad/#comments Wed, 18 Jul 2012 11:05:08 +0000 Jean Marc Manach http://owni.fr/?p=116177

Le 26 février 2011, 15 jours après la fuite (et la démission) d’Hosni Moubarak, qui dirigeait l’Égypte depuis 1981, Bachar el-Assad envoie un mail intitulé “Un nouveau mot dans le dictionnaire” :

Moubarak (verbe) : accrocher, coller quelque chose. Exemple : “je vais te frapper et te moubaraker au mur”, ou “tu peux moubaraker les différentes pièces pour les faire tenir ensemble”.
Moubarak (adjectif) : long à apprendre ou comprendre. Ex : “Pourquoi avez-vous besoin d’être aussi moubarak ?”
Moubarak (nom) : ex-petite amie psychotique qui n’arrive pas à comprendre que c’est fini.

Sur les 2 434 899 mails des Syria Files révélés par WikiLeaks et auxquels Owni a eu accès, on trouve 538 e-mails envoyés par sam@alshahba.com, l’adresse e-mail utilisée par Bachar el-Assad. La majeure partie d’entre-eux ont été envoyés avant le début de la révolution en Syrie, et concernent la gestion d’affaires internes, ainsi que de nombreux échanges avec la traductrice personnelle d’el-Assad.

Le dir’ com américain de la Syrie

Le dir’ com américain de la Syrie

Bachar al-Assad avait recruté des "spin doctors" anglo-saxons. Ils avaient déclaré ne plus travailler pour le ...


On n’y trouve aucun secret d’État, pas de révélations sur la main-mise des services de sécurité syriens, non plus que sur le soutien de la Russie, de la Chine ou de l’Iran. Par contre, on y trouve des blagues, plusieurs dizaines, pour la plupart en anglais, que le président-dictateur syrien envoyait à ses proches collaborateurs, et notamment à sa traductrice.

Certaines sont plutôt drôles ou raffinées, la majeure partie graveleuses et misogynes. A mille lieues de l’image glamour que le régime syrien et ses communicants cherchaient à donner du couple el-Assad en mettant en avant la belle et jeune Asma, épouse de Bachar, ces blagues révèlent un homme adepte de ces blagues que s’échangent les hommes d’un certain âge au sujet de leurs femmes vieillissantes, et d’un humour peu respectueux de la femme, tout comme de l’islam. Florilège.

Une pastèque dans le c…

En février 2010, dans un email intitulé “Les femmes qui savent rester à leur place” il raconte comment la journaliste américaine Barbara Walters s’était étonnée de voir les femmes afghanes continuer à marcher plusieurs pas derrière leurs maris, comme du temps des Taliban :

Pourquoi semblez-vous si heureuse de perpétuer cette vieille coutume que vous cherchiez pourtant désespérément à abolir ?

La femme regarde Mme Walters droit dans les yeux et, sans hésitation, lui répond : “les mines antipersonnelles”.

Moralité de l’histoire : derrière chaque homme, il y a une femme intelligente !

Le 16 mars 2010, Bachar el-Assad envoie une série de blagues en arabe, se moquant notamment de Haifa Wehbe, laissant entendre que le jour où la diva d’origine libanaise mourra, elle saura enfin de ce que cela fait de se coucher toute seule… entre autres plaisanteries de bon goût.

On y trouve aussi l’histoire d’un homme qui ne parvient pas à se défaire des vers qui rongent ses viscères. Un médecin lui propose alors de couper une pastèque en deux et de s’asseoir dessus, afin que son nectar attire les vers. L’un d’entre-eux vient de fait goûter la pastèque qui, effectivement, a très bon goût. Mais plutôt que d’attirer les vers, ces derniers crient au premier : “ramène-nous la pastèque !

Cochon entier et petite saucisse

Le 8 août à 18h24, Bachar el-Assad faisait suivre une chaîne mail intitulée “Longue vie aux célibataires“, compilation de citations anti-mariage :

Je n’ai pas peur du terrorisme. J’ai été marié pendant deux ans.

J’emmène ma femme partout, mais elle arrive toujours à retrouver le chemin du retour.

Nous nous tenons toujours par la main. Si je la laisse aller, elle entre dans les magasins.

Quatre minutes plus tard, à 18h28, Bachar el-Assad envoie un autre e-mail, titré “femmes âgées“, évoquant le fait que “pour chaque femme magnifique, intelligente, bien coiffée et sexy de plus de 40 ans, il y a un chauve bedonnant qui porte des pantalons jaunes et autres reliques en guise de vêtements, et qui devient gaga devant des serveuses de 22 ans” :

Mesdames, je suis désolé. A tous ces hommes qui disent : “mais pourquoi acheter une vache quand on peut avoir du lait gratuitement ?” sachez qu’aujourd’hui, 80% des femmes sont contre le mariage. Pourquoi ? Parce qu’elles réalisent que ce n’est pas la peine d’acheter un cochon entier pour n’avoir qu’une petite saucisse !

Le 20 octobre 2010, il envoie à sa traductrice “quelques calculs mathématiques“, que l’on retrouve sur le web sous l’intitulé Romance Mathematics :

Homme intelligent + femme intelligente = Romance
Homme intelligent + femme bête = aventure
Homme stupide + femme intelligente = mariage
Homme stupide + femme bête = grossesse

Un homme qui réussit gagne plus d’argent que sa femme ne peut dépenser.
Une femme qui réussit est celle qui peut trouver un tel homme.

Le 23 décembre, il fait suivre une série de blagues “Mari vs Femme” elle aussi copiée-collée sur les interwebs :

La femme : j’aimerais être un journal, pour être dans tes mains tous les jours.
Le mari : moi aussi j’aimerais bien que tu sois un journal, histoire d’en avoir un nouveau chaque jour.

Le 5 novembre, il transmet un “guide hormonal à scotcher sur le réfrigérateur” que “les femmes comprendront (et que) les hommes devraient mémoriser“, dont la version poster est beaucoup plus explicite et qui, en résumé, explique que pour ne pas avoir de problèmes avec les femmes, le mieux est encore de les enivrer :

Le 15 décembre, Bachar el-Assad transfert un mail intitulé “générosité britannique” que lui avait envoyé Fawaz Akhras, son beau-père, et qui raille l’aide internationale apportée au Pakistan après un tremblement de terre (imaginaire) ayant fait 2 millions de mort :

Les USA envoient des troupes. L’Arabie Saoudite du pétrole. La Nouvelle-Zélande des moutons, des bovins et de la nourriture. Les pays d’Asie du sud est de la main d’œuvre pour rebâtir les infrastructures. L’Australie du matériel et des équipes médicales.

Pour ne pas être en reste, la Grande-Bretagne renvoie ses deux millions de Pakistanais. God Bless British generosity…

Le Guardian, qui a consacré un article au sujet des conseils donnés par Fawaz Akhras à son beau-fils pour minimiser la portée du nombre de morts civils en Syrie, évoque également le fait que Bachar lui avait envoyé plusieurs autres blagues depuis son iPhone, dont une portant sur la taille respective des pénis de Nicolas Sarkozy, Benyamin Netanyahu et Barack Obama.

La blague postée en date du 28 décembre est tout aussi courte, percutante, que déplacée. Une nonne va voir sa mère supérieure pour lui annoncer qu’elle a été violée :

- Que dois-je faire ?
- Buvez ce thé, amer et sans sucre
- Cela me rendra-t-il mon honneur et ma pureté ?
- Non, mais cela devrait effacer l’expression de bonheur qu’arbore votre visage.

Le 31, une histoire où un gars vient demander à Bush et Obama, qui sont assis dans un bar, ce qu’ils sont en train de préparer :

Bush : Nous préparons la 3ème guerre mondiale.
le gars : vraiment, mais qu’est-ce qui va se passer ?
Bush : cette fois, nous allons tuer 140 millions de gens, ainsi qu’Angelina Jolie.
le gars : Angelina Jolie ? Mais pourquoi Angelina Jolie ?
Bush se tourne alors vers Obama : tu vois ? Je te l’avais bien dit, tout le monde s’en fout de ces 140 millions de gens !!!!!!!!!

“Woo-hoo, quelle aventure !”

Le 20 janvier, ce n’est pas une blague, mais une vidéo en noir et blanc, et en pièce jointe, façon comédie italienne d’antan, que Bachar el-Assad envoie par mail un spot publicitaire de la société Belgacom incitant ses abonnés à ne pas la quitter. On y voit une femme en-dessous s’affoler de l’arrivée de son mari, et son amant se cacher dans une valise. Le mari, croyant que sa femme le quittait, prend la valise et la jette par la fenêtre.

Le 25, Bachar el-Assad envoie une autre vidéo en pièce jointe : Reopen911.wmv (4.1MiB), résumé de plusieurs des thèses conspirationnistes entourant les attentats du 11 septembre.

Le lendemain, Hasan Ali Akleh s’immole par le feu afin de protester contre le gouvernement syrien, évènement considéré comme annonciateur, et en tout cas emblématique, du printemps syrien.

Le 1er mars 2011, 15 jours après les premières manifestations en Libye, et une semaine après le fameux discours télévisé où Mouammar Kadhafi où il promettait de “nettoyer la Libye maison par maison” de tous ces “mercenaires, rats, bandes criminelles et drogués” manipulés par Al-Qaida et les Américains, Bachar el-Assad envoyait un nouvel e-mail :

Kadhafi a dit :
. hé, les gens, sans électricité, nous nous assiérons pour regarder la TV dans le noir
. je ne suis pas un dictateur qui bloque Facebook, mais j’arrêterais tous ceux qui s’y connecteront
. vous pouvez protester autant que vous le voulez, mais n’allez ni dans les rues ni dans les places
. je resterai en Libye jusqu’à ma mort, ou mon destin viendra à moi.

Le 2 mars 2011, Bachar el-Assad fait suivre les conseils d’un médecin qui préconise la sieste plutôt que l’exercice, conseille de boire de l’alcool (parce que le vin et la bière sont faits à partir de fruits et de céréales), de ne pas se restreindre sur les fritures et le chocolat (parce que faits à partir de légumes), déconseille la nage (“si la nage est bonne pour la ligne, expliquez-moi les baleines“) :

La vie ne doit pas être un long voyage destiné à arriver dans sa tombe avec une ligne et une condition physique excellente, mais plutôt une virée zigzaguante (du Chardonnay dans une main, du chocolat dans l’autre) où l’on crierait “woo-hoo, quelle aventure !” afin d’en finir complètement usé et épuisé.

Le 27 mars 2011, alors que le mouvement de libération prend de l’ampleur, et que l’AFP avance que plus d’une centaine de manifestants ont été tués par la police, un proche collaborateur de Bachar el-Assad lui envoie un mail particulièrement obséquieux lui expliquant qu’une étude aurait démontré que le cœur de la quasi-totalité des 24 millions de Syriens battrait pour Bachar el-Assad, et qu’il est impossible de geler ses avoirs puisqu’ils ne sont pas en Suisse, mais dans le cœur des Syriens…

Le 28, Bachar el-Assad fait suivre une image montrant comment la photo de gens manifestant avec le drapeau syrien en soutien au président syrien a été manipulée pour que l’on croit qu’ils réclament son départ.

Le 31, un autre collaborateur lui envoie un mail intitulé ‘J’ai aimé cette chanson” avec, en pièce jointe, une chanson (sirupeuse) attribuée (à tort) à Mick Jagger composée sur un vieux synthé et répétant (en anglais) “Bashar, We Love You“.

Le 25 juillet, il fait suivre la version traduite en arabe d’une vidéo, en français, intitulée “Sarkozy, combien d’enfants as-tu tué cette nuit ?“, l’accusant d’être responsable de la mort d’enfants tués lors d’un bombardement de l’OTAN en Libye, réalisée par Michel Collon, un journaliste belge considéré comme proche des réseaux français au service de la Syrie qui, après avoir publié un essai sur les “médiamensonges” de l’OTAN en Libye, a récemment préfacé un ouvrage similaire consacré, cette fois, au plan “Syriana” de remodelage du Moyen-Orient par la CIA.

Le 24 septembre, il envoie un lien vers une vidéo (en arabe) sur la proximité supposée entre Al Jazeera et la CIA. Censurée depuis, on la retrouve facilement en cherchant les mots-clefs “الجزيرة والمخابرات الأمريكية.. مين بيلعب فى دماغنا ؟؟“.

Le dernier e-mail de Bachar el-Assad présent dans les #SyriaFiles de WikiLeaks est un copié-collé d’un article de Wayne Madsen, un ancien militaire américain devenu journaliste spécialiste des services de renseignement, proche du Réseau Voltaire et conspirationniste.

Dans cet article, basé sur “plusieurs sources fiables“, Madsen affirme que l’ancien ambassadeur des États-Unis en Syrie a été chargé de recruter des “escadrons de la mort” auprès d’unités affiliées à Al-Qaida et de les envoyer se battre contre les soldats et policiers fidèles au régime syrien. Il affirme également que ces terroristes ne se sont pas contentés d’attaquer les forces loyalistes, mais également de massacrer des civils, afin d’accuser, avec l’aide du Mossad, le gouvernement syrien.

Et cette histoire de CIA qui recrute des terroristes d’Al-Qaida pour tuer des civils avec l’aide du Mossad, pour Bachar el-Assad, ce n’était pas une blague.


A noter que le Fonds de Défense de la Neutralité du Net, émanation du French Data Network, premier FAI indépendant français, vient de faire sauter le blocus financier de Wikileaks, et qu’il est donc de nouveau possible de lui faire un don par carte bancaire.

Merci à Salam Houssam Aldeen, pseudonyme d’un journaliste syrien en exil à Paris (qui cherche du travail : contactez presse AT OWNI.fr), ainsi qu’à Pierre Leibovici (@pierreleibo sur Twitter), qui m’ont beaucoup aidé à plonger dans ces #SyriaFiles.
Photo trouvée dans les mails de Bachar el-Assad, illustration et couverture par Loguy pour Owni /-)

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Anonymous dans le pré de WikiLeaks http://owni.fr/2012/07/17/paranoia-en-alternance-avec-wikileaks/ http://owni.fr/2012/07/17/paranoia-en-alternance-avec-wikileaks/#comments Tue, 17 Jul 2012 17:03:58 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=116301

Le torchon brûle. Entre WikiLeaks et un groupe d’Anonymous rassemblés derrière le compte Twitter @AnonymousIRC, le désamour est consommé. Vendredi, le premier reprochait au second d’agir bizarrement depuis deux mois” et, pire, d’inciter à utiliser des proxies non sécurisés”. Une “marque de bêtise, de malveillance ou les deux” a assené l’organisation de Julian Assange sur son compte Twitter.

Réplique d’AnonymousIRC :

Nous avons toujours admirer l’idée [de WikiLeaks, NDLR] mais votre égo l’a tuée.

WikiLeaks & associés

WikiLeaks & associés

Les dernières fuites orchestrées par WikiLeaks laissent augurer une évolution dans l'histoire de l'organisation. Les cinq ...

Suivent plusieurs tweets critiquant le nouveau mode de diffusion des fuites par WikiLeaks : “Fuck votre diffusion au compte-gouttes (…)”, “Honnêtement @WikiLeaks, diffusez TOUS les mails syriens. Diffusez TOUS les mails de Stratfor. Et pas en 2025. Regagnez un peu de respect, sivouplé”. Conclusion du groupe d’Anonymous : L’information est libre. Expect it.” Fin de la lune de miel entre le collectif informel et WikiLeaks ?

Avec de faux airs de représailles, AnonymousIRC diffuse en suivant l’adresse d’une autre plateforme de whistleblowing – le lancement d’alerte. Moins qu’une riposte, elle obéirait à une autre approche de la diffusion d’informations confidentielles selon ses artisans. L’acronyme choisi résonne d’ironie et de lulz, ce sens de l’humour caustique cher aux Anonymous : Par:anoia, pour “Potentially Alarming Research: Anonymous Intelligence Agency”.

La liste des griefs

Là s’arrête le parallèle avec WikiLeaks. Sur le canal de discussion dédié de Par:anoia, les participants se montrent peu loquaces sur les rapprochements possibles avec l’organisation de Julian Assange. Un participant prévient discrètement par message privé qu’il vaut mieux ne pas trop s’appesantir sur la question…

“On n’est pas en compétition avec WL, plutôt une alternative” avance l’un des fondateurs de la plateforme. Un autre ajoute, précisant bien qu’il parle en son nom propre :

Mes principaux griefs sont le manque de transparence (plutôt ironique pour une organisation qui déclare “ouvrir les Etats”), la publication atrocement lente des fuites, le concept de “partenaires médias exclusifs”, et l’absence de crowdsourcing, de même que les publications incomplètes de données (par exemple les en-têtes n’apparaissent pas dans les emails).

Par:anoia est ouvert depuis mars dernier, affirme l’un des fondateurs. Le nom de domaine a effectivement été déposé le 12 mars. “On était cinq au début, probablement plus d’une vingtaine aujourd’hui. On l’a lancé quand on était suffisamment nombreux. On a réussi à créer l’infrastructure nécessaire. Au début, ça s’appelait Anoia.”

Par:anoia s’inscrit dans la succession de anonleaks.ru et anonleaks.ch, deux sites qui avaient publié les fuites sur la société de sécurité informatique HBGary dans un format exploitable pour tous les utilisateurs. La plateforme veut prolonger cet appel à l’intelligence collective et fera appel à l’ensemble des internautes pour exploiter les données diffusées. Sans passer par les médias, clament-ils de concert sur le canal de discussion :

Nous n’avons pas besoin des médias car nous SOMMES le médias. Ils sont invités à utiliser les données, comme tout le monde, ni plus ni moins.

Pour obtenir les données, Par:anoia dispose de deux adresses mails à utiliser avec une clé de chiffrement, qui permet d’envoyer des emails en protégeant le contenu. Le site avertit : “ATTENTION ! N’envoyez pas de documents sensibles sans utiliser le chiffrement.”

Innodata

Jusqu’ici les whistleblowers n’ont rencontré aucune difficulté pour envoyer des documents, affirment les artisans de la plateforme. La dernière fuite concerne la société Innodata, une société de sous-traitance de services informatiques. Des documents de l’Agence internationale de l’énergie atomique sont d’ores et déjà publiés, notamment sur l’accident nucléaire de Fukushima. Une autre série évoque l’un des chefs des services de sécurité fédéraux russes. Pour les artisans de la plateforme, le défi est de rendre ces données exploitables par le plus grand nombre.

L’un des outils en développement est une plateforme pour “océriser” en faisant appel à la communauté, ainsi qu’une frise chronologique qui reprenne les documents. Tout sera publié sur Par:anoia. Des informations confidentielles, d’entreprises ou de gouvernements, mais aussi des liens, des ebooks comme le livre de Parmy Olson, We are Anonymous. L’un des participants à la discussion collective justifie :

Tout le monde gagnerait énormément à la diffusion de certaines informations et ces informations sont très nombreuses ! Sur la corruption, mais aussi uniquement sur le fonctionnement interne de certains États ou organisations para-étatiques, surtout dans une cadre de privatisation croissante des services liés aux États.

Un autre participant le suit, enthousiaste :

C’est un choix personnel d’essayer d’aider les autres en partageant des informations, des liens, des livres… La satisfaction ressemble à ce qu’on ressent en gagnant une partie de squash ! Se sentir connecté… C’est faire partie de dizaines de milliers de personnes, partout dans le monde, qui ressentent les mêmes choses que vous. On ne peut pas raconter ça, les mots ne sont pas suffisants pour exprimer cette pure montée d’énergie, comme la pointe d’une flèche, pendant une opération.

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http://owni.fr/2012/07/17/paranoia-en-alternance-avec-wikileaks/feed/ 6
Le dir’ com américain de la Syrie http://owni.fr/2012/07/06/le-dir-com-americain-de-la-syrie/ http://owni.fr/2012/07/06/le-dir-com-americain-de-la-syrie/#comments Fri, 06 Jul 2012 16:19:37 +0000 Jean Marc Manach http://owni.fr/?p=115551 spin doctors" anglo-saxons. Ils avaient déclaré ne plus travailler pour le président-dictateur syrien. Or, les documents obtenus par WikiLeaks, et révélés par Owni, montrent qu'il n'en est rien et qu'ils ont continué pendant la répression.]]>

En plein printemps arabe, le magazine Vogue publiait, dans son édition de mars 2011, un portrait élogieux d’Asma al-Assad, la femme du dictateur syrien, sobrement intitulé “Une rose dans le désert“.

Illustré de photographies de James Nachtwey et signé Joan Juliet Buck, ex-rédactrice en chef de la version française de Vogue, l’article a depuis été effacé du site web de Vogue (on peut le retrouver via archive.org).

Aux États-Unis, des dizaines d’articles avaient en effet dénoncé l’incongruité d’une telle publication, quelques jours seulement avant le déclenchement de la révolution syrienne, et la façon dont il cherchait à humaniser un dictateur en montrant à quel point sa femme était belle et raffinée.

Cet article n’aurait probablement jamais été rendu possible sans l’entregent de Mike Holtzman et de son employeur, le cabinet de relations publiques Brown Lloyd James.

Ex directeur des affaires publiques du Council on Foreign Relations, passé par le département d’Etat américain et le cabinet de Bill Clinton, désigné comme “officier de liaison” à Ground Zero en septembre 2001, Mike Holtzman s’illustra en aidant la Chine à remporter les jeux olympiques de 2008, ce qui lui valu d’être désigné comme la personnalité de l’année par PRWeek, le magazine des relations publiques, et d’être recruté dans la foulée par Brown Lloyd James.

Créé par Peter Brown, l’ancien assistant des Beatles, et Sir Nicholas Lloyd, un ancien journaliste du Daily Express, ce cabinet de relations publiques, qui a notamment aidé le Qatar à emporter la coupe du monde de football 2022, travaille tout aussi bien pour Russia Today que pour Disneyland Paris, la principauté de Monaco et Al Jazeera, avec un focus sur les pays arabo-musulmans.

En 2002, Mike Holztman faisait ainsi paraître une tribune libre appelant à la privatisation de la diplomatie, afin d’améliorer les rapports entre les États-Unis et le Moyen-Orient, puis une seconde, en 2003, fustigeant la propagande américaine dans les pays arabo-musulmans.

En 2009, Brown Lloyd James se faisait également remarquer en travaillant pour la Libye, afin de permettre à Kadhafi de publier une tribune libre dans le New York Times, de faciliter son célèbre voyage au siège des Nations-Unis (où il avait accusé le Conseil de sécurité d’être un “Conseil de la terreur car le terrorisme ce n’est pas seulement al-Qaida“), ou encore de favoriser une rencontre entre George Bush et le fils Kadhafi.

Brown Lloyd James a toujours refusé de répondre aux questions de la presse. Mais un mémo de la Justice américaine a révélé que le cabinet avait bien été sous contrat avec la Syrie, afin d’améliorer l’image de marque d’Asma al-Assad à l’étranger, la société tenant cela dit à préciser n’avoir “fourni aucun service à la famille Assad depuis décembre 2010“, date à laquelle elle avait organisé, selon The Guardian une interview avec Asma al-Assad.

Ce même mois de décembre 2010 Paris Match avait lui aussi rencontré la femme du dictateur syrien, à l’occasion d’une visite officielle des époux al-Assad à Paris, et publié une interview de 4 pages intitulée “Deux amoureux à Paris“. Contacté par Owni, Régis Le Sommier, le journaliste de Paris Match qui avait signé le papier, répond n’avoir jamais “été en contact avec Brown Lloyd James, ni avec Mike Holtzman“.

Pourtant, un des 2 434 899 emails obtenus par WikiLeaks dans le cadre de l’opération Syria Files, estampillé “classified“, révèle la présence de Mike Holtzman à Paris en compagnie d’Asma al-Assad en décembre 2010.

MaJ du 6/8/2012 : Régis Le Sommier, directeur adjoint de Paris Match à qui cette interview avait été accordée, me demande de préciser ce qui suit :

Cette interview a été réalisée à l’hôtel Bristol par l’intermédiaire de Fares Kallas, en présence de Leila Sibaey. En aucun cas, nous ne payons, ni n’utilisons d’agences de relations publiques pour décrocher des interviews. Le président El-Assad était reçu par Laurent Delahousse de France 2 et Paris Match avait obtenu d’interviewer la First Lady.

Surtout, d’autres e-mails et documents montrent que Mike Holtzman a bel et bien continué à conseiller le dictateur syrien, jusqu’en janvier 2012, et alors que la répression faisait des centaines, voire des milliers de morts.

Un “super-héros” musulman, et amputé

Plusieurs emails, révélés par les Syria Files et confirmés par un article du magazine Foreign Policy, montrent par ailleurs que Mike Holtzman, censé avoir cessé de travaillé pour la Syrie depuis décembre 2010, s’était rendu à l’Opéra Dar al Assad de Damas pour une conférence le 9 février 2011.

Dans un premier email, Rachel Walsh, qui travaille pour Brown Lloyd James au Qatar, écrit à Sondos Sosi, chargée des relations avec la presse au ministère syrien des Affaires Présidentielles, que sa “collègue Sheherazad Jaafari lui a conseillé d’envoyer des documents à propos de la conférence du 9 février“.

Sheherazad Jaafari n’est pas n’importe qui : fille de l’ambassadeur de Syrie aux Nations Unies et conseillère en communication de la famille al-Assad, elle avait effectué un stage chez Brown Lloyd James, et Mike Holtzman avait été son “chef“. Dans un message envoyé à Sondos Sosi dans la foulée, elle joint un tableau recensant les sièges réservés pour la conférence du 9 février. Aux premiers rangs, des places destinées aux membres du gouvernement syrien ainsi qu’à des ambassadeurs étrangers, mais également à Asma Al Assad, épouse de Bachar, à côté de laquelle est installé Mike Holtzman.

Quelques heures plus tard, Sondos Sosi fait parvenir par email le programme de la soirée à Luna Chebel, une autre conseillère en relations presse de Bachar al-Assad et ancienne journaliste à Al Jazeera. Mike Holtzman y est présenté comme le “maître de cérémonie de la soirée“, chargé d’introduire tous les invités.

Ironie de l’histoire, et alors que le soulèvement syrien allait débuter un mois plus tard, Mike Holtzman venait y présenter “Le Scorpion d’Argent“, une bande dessinée qui raconte l’histoire d’un jeune arabe amputé des deux jambes après avoir sauté sur une mine antipersonnel, écrite par de jeunes handicapés américains et syriens, et produite par l’ONG Open Hands Initiative -dont Mike Holtzman fait partie du comité consultatif- afin d’ouvrir “une nouvelle phase diplomatique” entre les États-Unis et les pays arabo-musulmans…

“Il n’est pas nécessaire de détruire le pays”

Les Syria Files révèlent un autre document, encore plus embarrassant : le 19 mai 2011, Mike Holtzman envoyait en effet à Fares Kallas, proche collaboratrice d’Asma al-Assad, un “Memorandum” intitulé “analyse de la communication de crise“, lui expliquant ce qu’il conviendrait de faire pour que l’image de la Syrie ne soit pas trop entachée par la répression, qui avait débuté deux mois plus tôt :

Il est clair, au vu des déclarations du gouvernement américain depuis le début des manifestations en Syrie, que l’administration Obama veut la survie du régime actuel. Contrairement à ses réactions aux manifestations dans d’autres pays de la région, il n’y a eu aucune demande de changement de régime, ni d’intervention militaire.

Le mémorandum n’en souligne pas moins que la position des États-Unis pourrait évoluer en fonction, notamment, de la couverture médiatique, tout en déplorant l’approche déséquilibrée de la communication” de la Syrie depuis le début de la “crise” :

S’il est nécessaire de se reposer sur un pouvoir fort afin de réprimer la rébellion, le soft power est nécessaire pour rassurer le peuple syrien ainsi que le public extérieur sur le fait que la réforme se poursuit rapidement, que les griefs légitimes sont pris en compte et au sérieux, et que les actions de la Syrie visent essentiellement à créer un environnement dans lequel le changement et le progrès peuvent avoir lieu.

Début mai, alors que Michael Hotzman rédigeait ce mémorandum, les ONG estimaient que plusieurs centaines de personnes avaient d’ores et déjà été tuées par l’armée, et que des milliers avaient été arrêtées. Hotzman se borne, lui, à alerter le président syrien sur les risques de dérive et d’instabilité si d’aventure les manifestants étaient renvoyés chez eux par la peur plutôt que par “la conviction que leur gouvernement est sensible à leurs préoccupations” :

La Syrie semble communiquer avec deux mains. Une qui propose la réforme, l’autre l’autorité de la loi. L’autorité de la loi est un poing. La réforme une main ouverte. A ce jour, le poing semble, pour l’opinion publique internationale, et probablement pour de nombreux Syriens, 10 fois plus fort que la main tendue. Elles doivent être mieux équilibrées.

Brown Lloyd James propose ainsi au président syrien de communiquer plus souvent, tout en estimant “nécessaire que la First Lady rentre dans le jeu : la clef est de montrer force et sympathie en même temps“, comme ce fut le cas avec les précédents papiers de “Vogue” et de “Paris Match“.

La société de conseil propose également de lancer une campagne de presse internationale expliquant les difficultés rencontrées par Bachar al-Assad dans sa volonté de réforme, mais également d’améliorer sa communication “sur le plan de la sécurité“, en le montrant prendre des sanctions publiques envers les forces de sécurité qui, ne respectant pas ses ordres, tirent sur des civils désarmés.

Cela permettrait de montrer sans équivoque possible que toute personne qui enfreint la loi – qu’il s’agisse de manifestants ou de soldats – devront faire face à leurs responsabilités.

Afin de contrer la mauvaise publicité faite par les “figures de l’opposition syrienne” vivant à l’étranger, mais également de contrecarrer le “torrent quotidien de rumeurs, de critiques et de mensonges“, Brown Lloyd James propose également de mettre en place une cellule de veille 24h/24 afin de surveiller les médias, voire de contre-attaquer :

Les réseaux sociaux devraient être surveillés et les faux sites poursuivis en justice et effacés.

En conclusion, Brown Lloyd James suggère d’en appeler au patriotisme des Syriens afin de mettre l’accent sur le fait qu’”il n’est pas nécessaire de détruire le pays pour atteindre l’objectif partagé par tous : vivre dans un pays libre et prospère“, et met l’accent sur deux recommandations :

. reconnaître que la violence qui a lieu en ce moment est regrettable. Mais ce ne sont pas les responsables syriens qui l’ont cherché. Ses dirigeants sont obligés de protéger la Syrie, afin de créer les conditions de calme nécessaire à la mise en place de la réforme.
. continuer à exprimer sa confiance dans l’avenir, et dans le fait que la crise est sur le déclin.

“On ne tue pas sa population”

Début janvier 2012, Fares Kallas, à qui avait été adressé le mémorandum de Mike Holtzman, faisait fermer 11 faux comptes Twitter usurpant l’identité du couple al-Assad (@FirstLadysyria, @Asma_AlAssad, @Bashar_alAssad, @SyrianPresident, etc.).

En mars 2012, le quotidien britannique The Guardian révélait des échanges d’e-mail entre Sheherazad Jaafari et Mike Holtzman, son “ancien chef” chez Brown Lloyd James.

Dans ces emails, datés du 11 janvier 2012, la fille de l’ambassadeur de Syrie aux Nations Unies, devenue conseillère en communication des époux al-Assad, évoque un meeting à Damas où Bachar al-Assad martela, devant des dizaines de milliers de supporters, qu’il voulait faire du rétablissement de la sécurité “la priorité absolue“, promettant de frapper les “terroristes” d’une main de fer :

Je suis venu pour puiser la force auprès de vous. Grâce à vous, je n’ai jamais ressenti la faiblesse. Nous allons triompher sans aucun doute du complot. Leur complot approche de sa fin, qui sera la leur aussi.

Dans cette série d’emails, Sheherazad écrit à Mike que “cet homme est aimé par son peuple“, ce à quoi le communiquant américain lui répond “je suis fier de toi. J’aimerais être là pour (vous) aider“, avant de préciser :

Nous avons besoin d’une nouvelle politique américaine. Quels idiots.

Ce jour-là, le journaliste Gilles Jacquier du magazine télévisé Envoyé spécial était tué à Homs pendant un tournage autorisé par les autorités syriennes. Et la répression avait d’ores et déjà fait plusieurs centaines de morts, et des milliers de Syriens avaient été arrêtés, et torturés.

Sheherazad Jaafari est depuis tombée en disgrâce, et retournée aux États-Unis, pour avoir tenté de mettre en pratique les conseils de son “ancien chef“.

D’autres emails, obtenus par Anonymous et publiés en février 2012 par Haaretz, révèlent en effet qu’elle avait expliqué à Bachar al-Assad que “la psyché américaine peut facilement être manipulée“, afin de le préparer à la désormais célèbre interview où il allait déclarer à la télévision américaine ABC qu’”il n’y a pas eu d’ordre demandant de tuer ou d’être violent“, et qu’il avait “fait de son mieux pour protéger la population“, contestant le chiffres de 4000 morts dressés par l’ONU, pour affirmer que “la majorité” des personnes tuées étaient “des partisans du régime et non l’inverse” :

«On ne tue pas sa population… Aucun gouvernement dans le monde ne tue son propre peuple, à moins d’être mené par un fou.»

L’affaire a rebondi début juin avec la publication dans le Telegraph d’autres e-mails échangés cette fois entre Sheherazad Jaafari et Barbara Walters, la journaliste qui avait interviewé Bachar al-Assad pour ABC, révélant comment cette dernière avait cherché à pistonner la jeune syrienne afin qu’elle soit embauchée par CNN, ou qu’elle intègre la Columbia School of Journalism… ce qui a poussé la vénérable journaliste, prise en flagrant délit de conflit d’intérêts, à présenter ses excuses.

Mike Holtzman, si prompt à aider ses clients, dictateurs compris, à manipuler la presse, a toujours refusé de répondre aux questions des journalistes.


Enquête réalisée avec Pierre Leibovici (@pierreleibo sur Twitter).

Voir aussi : Que devient Asma Al-Assad « une rose dans le désert » ? sur Bakchich, et la réponse de BLJ qui explique au WashingtonPost et à Foreign Policy ne pas avoir été payé pour ce mémo, qui constituait un “dernier effort (visant) à encourager une issue pacifique plutôt que violente“.

Voir, enfin, Comment Vogue s’est « fait avoir » par Asma el-Assad où Joan Juliet Buck, qui a depuis quitté Vogue, explique comment elle a été piégée par l’agence de com’, et la direction de Vogue…

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http://owni.fr/2012/07/06/le-dir-com-americain-de-la-syrie/feed/ 31
Assange interroge les révoltes arabes http://owni.fr/2012/05/08/assange-interroge-les-revoltes-arabes/ http://owni.fr/2012/05/08/assange-interroge-les-revoltes-arabes/#comments Tue, 08 May 2012 09:15:30 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=109489

Nouvelle interview de Julian Assange sur RT, anciennement Russian TV, la télévision proche du Kremlin. Pour le quatrième épisode de “The World Tomorrow”, le fondateur de WikiLeaks a choisi d’interroger deux activistes arabes, l’Egyptien Alaa Abd El-Fattah et le Bahreïni Nabil Rajab.

Samedi, Nabil Rajab, régulièrement harcelé par les forces de sécurité, a été arrêté, probablement en raison de la diffusion aujourd’hui de son interview aujourd’hui a avancé WikiLeaks. L’organisation a décidé de la maintenir et d’en profiter pour attirer l’attention sur la répression des activistes au Bahreïn. L’organisation de Julian Assange proposait dès dimanche aux médias intéressés une transcription de l’interview, réalisée le 29 février.

La révolution en cours au Bahreïn

Après le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, pour la grande première, le conservateur américain David Horowitz et Slavoj Zizek pour le deuxième épisode, le président tunisien Monzef Marzouki pour le troisième, “The World Tomorrow” poursuit sa plongée dans le monde arabe.

À l’exemple tunisien, “sans doute le plus fructueux” dit Assange, s’oppose l’Égypte dont “le gouvernement n’est pas exactement tombé pour l’instant” commente l’activiste Alaa Abd El-Fattah. Et surtout le Bahreïn qui “n’est pas un échec” pour Nabil Rajab, car la révolution “y est encore en cours” :

Elle a un prix et nous devons payer ce prix. Le coût sera peut-être très élevé, nous avons déjà payé beaucoup mais nous voulons continuer afin d’obtenir les changements pour lesquels nous nous battons. (…) Beaucoup ont été tués comparé à la population du pays [Environ 1,2 million, NDLR], beaucoup plus qu’en Égypte ou en Tunisie. Le nombre de personnes emprisonnées aussi est bien plus élevé par rapport à la population. Des gens ont été renvoyés de leur travail, des gens ont été torturés systématiquement, des gens ont été tués, des mosquées détruites, des maisons mises à sac…

Dans ce panorama moyen-oriental, où Assange s’étonne d’entendre de la musique au début de l’interview réalisée par Skype – “l’appel à la prière” corrige Alaa Abd El-Fattah en direct du Caire – le fondateur de WikiLeaks interroge longuement ses deux invités sur leur passé, leur parcours de militant, mais aussi sur ses lubies : l’impérialisme américain et l’hacktivisme (et sa sainte trinité Facebook, Twitter, WikiLeaks ; Amen).

À propos de l’oncle Sam, Assange demande à ses invités s’ils sont d’accord avec les néo-conservateurs américains. L’invasion américaine en Irak fut-elle le printemps qui annonça neuf ans plus tard les révolutions arabes ? Non, répondent à l’unisson les deux activistes. Nabil Rajab :

Hé bien, c’est assez drôle. Les Américains n’étaient même pas préparés à ces révolutions en Tunisie et en Égypte. (…) Ils n’ont pas soutenu la révolution égyptienne de la même façon qu’ils ne l’avaient pas soutenue en Tunisie. Quand ils ont réalisé que c’était un fait, qu’elle allait se produire avec ou sans eux, ils ont été forcés de se positionner, au risque de faire de ces nouveaux gouvernements des ennemis dans le futur. (…) Ces régimes dictatoriaux répressifs ont été soutenus et renforcés toutes ces années par les Américains. Ils étaient leurs agents dans notre région. (…) Aujourd’hui, les Américains sont contre la démocratie au Bahreïn.

Même refus pour Alaa Abd El-Fattah, pour qui l’invasion américaine a pu jouer un rôle dans le déclenchement des révoltes arabes, mais pas dans le sens que Dick Cheney prétend :

[L'invasion américaine en Irak] a définitivement retiré la dernière once de légitimité aux régimes arabes qui n’ont pas réussi à protéger l’Irak.

Et de rappeler les manifestations en opposition à la guerre en 2003 au Caire, vivement réprimées, qui s’étaient retournées contre Moubarak, potentat jugé trop atlantiste.

Critique de l’impérialisme donc, mais aussi de théories plus ou moins étayées sur les véritables causes de ces révoltes. En creux, les deux activistes réfutent la thèse d’un soutien de Washington par fondations interposées, comme la National Endowment for Democracy (NED) qui a financé Canvas en Serbie, où avaient séjourné des membres d’un groupe d’activistes égyptiens quelques temps avant la révolution.

D’autant que le NED est soupçonné d’avoir également financé le Bahrain Centre for Human Rights auquel appartient Nabil Rajab. Lui dément avoir reçu le moindre dollar du gouvernement américain. En revanche, il reste plus évasif sur les dollars de la société civile, quel qu’en soit le pays d’origine et son circuit, fût-ce via d’éventuelles fondations destinées à leur ôter toute couleur politique.

Les récits des révolutions

Pour Washington et sa secrétaire d’État Hillary Clinton, les révolutions ont été victorieuses grâce “à deux grandes entreprises américaines, Twitter et Facebook” lance Julian Assange, cabotin, avant de partir d’un rire partagé avec ses invités. Une apostrophe certes, qui permet tout de même à l’activiste égyptien de développer sa pensée sur le rôle, tant commenté, des réseaux pendant la révolution.

La révolution se joue tant dans les rues que dans les récits qui en sont fait, explique-il. Dans cette concurrence des récits de la révolution, quelle est vraiment la place, si disputée, de la génération Facebook ? Il répond, lucide et introspectif :

Ces jeunes gens aisés de la classe moyenne, très éduqués, connectés à Internet, ont joué un rôle important dans la révolution et ils ont été, pour des raisons tout à fait tactiques, les symboles de la révolution. On avait besoin que le monde entier aime cette révolution égyptienne ! (…) Hillary Clinton ne défendait pas seulement les entreprises américaines, elle défendait un récit écrit pour arrêter la révolution, pour ne pas qu’elle aille plus loin que Moubarak. Mais Twitter et Facebook ont quand même été très utiles.

Le Bahreïn offre un autre visage de l’hacktivisme. Non seulement parce que le Bahreïn est “le pays le plus actif sur Twitter dans le monde arabe”, mais parce que le gouvernement aussi est l’un “des plus intelligents dans son utilisation” des réseaux sociaux détaille Nabil Rajab. Selon lui, le gouvernement emploie des entreprises de relations publiques pour gérer son image sur les réseaux et diffuser sa propagande. Des community managers de la famille régnante du Bahreïn, la famille Al-Khalifa, qui “créent une fausse opinion publique, la trompent, montrent une réalité différente de celle qui existe réellement dans le pays.”

Le gouvernement du Bahreïn a essayé d’apprendre et riposte en utilisant les mêmes outils.

Le cyberutopisme semble bien loin et le scepticisme d’Eygeny Morozov plus que jamais d’actualité : les hacktivistes utilisent les réseaux sociaux, les dictatures aussi. Pour diffuser de la propagande, pour surveiller la population comme les exemples libyen et syrien ont achevé de le démontrer. La répression existe, déplore Nabil Rajab, elle est terrible (“des activistes sur Twitter ont été emprisonnés, certains torturés à mort”) mais au moins, de plus en plus de personnes investissent les réseaux sociaux et Internet, même sa mère – et celle d’Assange s’empresse d’ajouter celui-ci.

Comme à son habitude, le fondateur de WikiLeaks a joué de sa proximité avec les activistes, en raison des ennuis judiciaires qu’il connaît.

Alaa Abd El-Fattah : Alors dans quel pays vas-tu être emprisonné ?

Assange : Hé bien, c’est une question intéressante… En ce moment, assigné à résidence au Royaume-Uni, peut-être un peu en prison ici aussi, peut-être emprisonné en Suède, et peut-être aux États-Unis. Et toi, Bahreïn ?

Nabil Rajab : Je peux vous proposer le Bahreïn.

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Assange cause avec le chef du Hezbollah http://owni.fr/2012/04/17/assange-interviewe-le-chef-du-hezbollah/ http://owni.fr/2012/04/17/assange-interviewe-le-chef-du-hezbollah/#comments Tue, 17 Apr 2012 15:21:29 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=106463

Pour sa première interview sur RT, le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, a choisi un invité inattendu : Hassan Nasrallah, le leader du Hezbollah, en visio-conférence depuis un endroit tenu secret au Liban (à son habitude). Aujourd’hui l’une des principales forces politiques libanaises, le “parti d’Allah”, chiite, est classé parmi les organisations terroristes de plusieurs pays occidentaux, mais pas dans l’Union européenne.

En guise de préambule et en forme de justification, Julian Assange a d’ailleurs précisé la participation du Hezbollah au gouvernement libanais actuel. Et en guise de conclusion, Assange a interrogé Nasrallah sur le combat contre les hégémons, à Washington ou dans les croyances religieuses.

Première interview depuis 2006

Depuis 2006 et le dernier conflit contre Israël, Nasrallah n’avait donné aucune interview et n’était apparu publiquement qu’à de rares occasions. Assange ne cache pas son enthousiasme de recevoir celui qu’il appelle à plusieurs reprises par son titre “seyyed” :

Il est l’une des personnalités les plus extraordinaires du Moyen-Orient. (…) Je veux savoir pourquoi il est qualifié de combattant de la liberté par des millions de personnes et en même temps de terroriste par des millions d’autres.

Interrogé sur la position du Hezbollah sur Israël, Nasrallah a rappelé que “l’occupation de la Palestine demeurait illégale” et que la seule issue est un État unique. “Le but [des attaques de roquettes] est de créer une sorte d’équilibre de la dissuasion pour éviter qu’Israël tue des civils libanais” a-t-il ajouté.

Hassan Nasrallah s’est aussi expliqué sur le contenu d’un télégramme diplomatique de l’ambassade américaine à Beyrouth rendu public par WikiLeaks. Le diplomate rapportait que Nasrallah était choqué par le comportement de certains membres du parti d’Allah, ce qu’il a contesté :

Ce qu’ils ont dit sur cette affaire est incorrecte. Ce sont des rumeurs qu’ils ont répandues pour discréditer le Hezbollah et altérer son image.

Hassan Nasrallah tente quand même de se justifier, en évoquant un phénomène très limité, lié aux changements de la structure militante du parti.

La faute de l’opposition syrienne

Sur la Syrie, fidèle allié du Hezbollah, Nasrallah a invoqué le principe de non-ingérence pour justifier son inaction :

Nous appelons au dialogue et aux réformes. L’alternative est de précipiter la Syrie dans la guerre civile et c’est précisément ce que veulent les États-Unis et Israël.

Pressé par Assange de préciser quand il comptait faire plus, Nasrallah a invoqué des tentatives de médiation passées, soulignant “que le Président Assad était très désireux de conduire des réformes radicales et importantes”. Et rejetant la faute sur une opposition qui “a rejeté le dialogue”, “n’était pas préparée à les accepter mais cherchait simplement à obtenir le renversement du régime. C’est ça le problème.”

Pour enfoncer le clou, Nasrallah a affirmé que “les groupes armés syriens ont aussi tué de nombreux civils” et reçoivent le soutien financier et des livraisons d’armes de “pays arabes et pays non-arabes”.

Le fondateur de WikiLeaks a poursuivi sur ses sujets fétiches : la liberté d’expression bafouée aux Etats-Unis et la sécurité informatique. Nasrallah a raconté comment “la simplicité peut vaincre la complexité” ou comment l’argot des villages utilisés par les militants se révèle être le meilleur chiffrement, mais “ça ne sera pas d’une grande aide pour WikiLeaks” a-t-il conclu dans un éclat de rire complice partagé par Assange.

La vidéo, mise en ligne sur la page d’Assange sur RT, est proposée au format payant sur YouTube. Le transcript de la conversation est lui disponible sur le site de la boite de production londonienne, Journeyman Pictures.


Illustration : capture d’écran de la vidéo sur assange.rt.com

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Au pays de Candy http://owni.fr/2012/03/15/au-pays-de-candy/ http://owni.fr/2012/03/15/au-pays-de-candy/#comments Thu, 15 Mar 2012 14:34:25 +0000 Jean Marc Manach http://owni.fr/?p=102009

OWNI Editions publie aujourd’hui Au pays de Candy, enquête sur les marchands d’armes de surveillance numérique. Un document consacré en particulier au système Eagle, conçu par une entreprise française, Amesys, à la demande du régime libyen de Mouammar Kadhafi.

Au pays de Candy” (118 pages, 4,49 euros) est disponible au format “epub” sur Immatériel, la FNAC (Kobo) et l’IbookStore d’Apple, Amazon (Kindle), ainsi que sur OWNI Shop (au format .pdf, sans marqueur ni DRM).

           

 

Internet massivement surveillé

Internet massivement surveillé

En partenariat avec WikiLeaks, OWNI révèle l'existence d'un nouveau marché des interceptions massives, permettant ...

De nos jours, Amesys affirme que ce “produit” a été conçu pour “chasser le pédophile, le terroriste, le narcotrafiquant“. Même si, chez son “client“, l’interlocuteur qui a commadé ce “produit” et qui donnait des ordres aux employés d’Amesys envoyés à Tripoli pour former les espions libyens, était recherché par Interpol, pour “terrorisme (et) crime contre l’humanité“. Abdallah Senoussi avait été condamné par la justice française à la prison à perpétuité pour son implication dans l’attentat du DC-10 de l’UTA (170 morts, dont 54 Français). Il est aujourd’hui emprisonné en Libye vient d’être interpellé en Mauritanie.

Ironie de l’histoire, l’autre chef des services de renseignement libyens, Moussa Koussa, avait quant à lui fait défection, pour se réfugier au Royaume-Uni grâce à un ancien terroriste proche d’Al Qaeda que Senoussi avait espionné grâce au système Eagle… Son nom figure dans la liste des personnalités de l’opposition qu’OWNI avait retrouvé dans le mode d’emploi d’Eagle.

Signe du sentiment d’impunité qui prévalait alors chez Amesys, l’auteur de ce mode d’emploi avait également partagé, sur Vimeo, un clip vidéo montrant l’un des centres d’interception installés par les Français à Tripoli, et où se trouvait l’un des bureaux de Senoussi…

Il est impossible, et impensable, qu’Amesys ait conçu un tel “produit” sans l’aval des autorités françaises, ce que démontrent la vingtaine de documents, dont la plupart sont inédits, révélant dans quelles conditions Nicolas Sarkozy et Mouammar Kadhafi ont décidé de nouer des partenariats sécuritaires.

On y voit aussi Ziad Takieddine préparer en détail les visites (qualifiées de “secrètes“) de Claude Guéant et Brice Hortefeux à Tripoli. On y lit des documents (estampillés “confidentiels“) expliquant ce que désiraient exactement les Libyens, et comment Amesys en a aussi profité pour chercher à vendre à Senoussi des téléphones espion, mais également un système d’écoute et de géolocalisation des téléphones mobiles et ce, contrairement à ce qu’ils avaient affirmé…

On y découvre également que le concepteur du système Eagle est un ancien policier, issu d’un “laboratoire secret de la police française” où étaient élaborées les technologies dernier cri et qu’il avait quitté pour créer un système de surveillance de l’Internet, sur une petite échelle. À la demande de Senoussi, il l’a élargi pour être en mesure de surveiller l’Internet à l’échelle d’un pays.

Autre ironie de l’histoire, du temps où il était encore dans la police, à la fin des années 1990, celui qui allait devenir l’inventeur d’Eagle était également le vice-président de French data network (FDN), un fournisseur d’accès à Internet associatif qui s’était illustré, lors du printemps arabe, en aidant les Égyptiens à se reconnecter au Net après que les services de Moubarrak ait décidé de le censurer.

La Libye fut le tout premier pays où un journaliste et blogueur fut assassiné en raison de ses écrits. C’était en 2005, l’année où Ziad Takieddine commença à s’approcher de Kadhafi. Le nom de code de ce projet qui a depuis permis à la dictature libyenne d’incarcérer, et torturer, plusieurs autres intellectuels et internautes ? Candy… comme bonbon, en anglais.

À la manière d’un mauvais polar, les autres contrats négociés par Amesys portent tous un nom de code inspiré de célèbres marques de friandises : “Finger” pour le Qatar (sa capitale s’appelle… Doha), “Pop Corn” pour le Maroc, “Miko” au Kazakhstan, “Kinder” en Arabie Saoudite, “Oasis” à Dubai, “Crocodile” au Gabon. Amesys baptisait ses systèmes de surveillance massif de l’Internet de marques de bonbons, chocolats, crèmes glacées ou sodas…

L’affaire se déguste dans Au pays de Candy, enquête sur les marchands d’armes de surveillance numérique, disponible dans toutes les bonnes librairies numériques :

           


Illustrations par Loguy pour Owni /-)

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http://owni.fr/2012/03/15/au-pays-de-candy/feed/ 44
Hackers décapités http://owni.fr/2012/03/07/hackers-decapites-lulzsec-anonymous-fbi-sabu/ http://owni.fr/2012/03/07/hackers-decapites-lulzsec-anonymous-fbi-sabu/#comments Wed, 07 Mar 2012 00:17:28 +0000 Pierre Alonso et Guillaume Ledit http://owni.fr/?p=100985

Nous avons coupé la tête de LulzSec.

Un officiel du FBI s’est félicité mardi d’une vague d’arrestations de hackers conduites aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. Elle a visé trois groupes de hackers : LulzSec, émanation foutraque du collectif informel Anonymous, AntiSec qui a revendiqué le piratage de l’entreprise de renseignement privé Stratfor, et Internet Feds.

La taupe

Ce coup de filet a été rendu possible grâce au retournement de Sabu, ou Hector Xavier Monsegur à l’état civil. Ce New-yorkais de 28 ans a récolté pendant plusieurs mois des informations au profit du FBI, d’après Fox News qui a révélé l’affaire. Un média bien placé puisque Sabu était accusé d’avoir “participé à une cyber-attaque contre les ordinateurs de Fox” selon l’acte d’accusation [PDF] établi par le procureur de New York, Preet Bharara.

Dans ce document, les faits reprochés s’arrêtent brutalement au 7 juin 2011, date de son arrestation par les autorités américaines. Le 15 août, Sabu plaide coupable pour douze chefs d’inculpation. Le FBI remplace son ordinateur portable par un autre, qu’ils maintiennent sous surveillance.

“Membre influent de trois organisations de hackers”, il lui est reproché d’avoir pris part à des activités illégales au sein de trois collectifs : Anonymous, LulzSec et Internet Feds. Deux derniers groupes auxquels appartiennent des membres arrêtés en début de semaine.

Le logo du collectif de hackers LulzSec

“Ça n’a pas été facile”, a expliqué à Fox News un officier du FBI qui a participé au retournement de Sabu. “On a réussi grâce à ses enfants. Il ne voulait pas partir en prison et les laisser. C’est comme ça qu’on l’a eu”.

L’acte d’accusation détaille les opérations auxquelles Sabu a pris part. Au sein d’Anonymous d’abord, pendant les révoltes arabes. Le procureur l’accuse d’avoir attaqué par déni de service des sites gouvernementaux en Algérie ou en Tunisie et d’avoir identifié puis testé sans autorisation des failles de sécurité dans les serveurs yéménites et zimbabwéens. Avec le collectif Internet Feds, il aurait participé aux piratages de HBGary, de The Tribune et de Fox.

La liste est plus longue, et les cibles plus sérieuses, pour les attaques conduites avec LulzSec : le Sénat américain, la radio publique américaine PBS, une branche d’une société américaine qui travaillent avec le FBI, Infragard-Atlanta, les entreprises Sony, Nintendo et Bethesda Softworks.

Piratage de Stratfor

Je sais qu’un des membres de LulzSec (“CW-1”) a été arrêté par les autorités et a accepté de coopérer avec le gouvernement dans l’espoir d’obtenir une réduction de peine. CW-1 a plaidé coupable pour plusieurs actes d’accusation (…). Selon mes recherches, les informations fournies par CW-1 sont fiables et correctes, et ont été corroborés par d’autres informations obtenues dans le cadre de cette enquête.

Cette déclaration, qui pointe Sabu sans le nommer, provient de l’agent spécial du FBI Milan Patel. Elle apparaît dans la plainte du procureur contre Jeremy Hammond, arrêté lundi à Chicago. Il est l’un des artisans du piratage de Stratfor, l’entreprise de renseignement privée dont WikiLeaks publie les échanges internes depuis le 27 février. Le piratage des boîtes mails de l’entreprise est revendiqué par AntiSec, un groupe de hackers créé en juin 2011, qu’ont rejoint “plusieurs membres de LulzSec” selon l’agent spécial du FBI.

WikiLeaks déshabille Stratfor

WikiLeaks déshabille Stratfor

En partenariat avec WikiLeaks, OWNI met en évidence le fonctionnement de l'un des leaders du renseignement privé, ...

Les services fédéraux suivent le piratage de Stratfor grâce à l’accès ouvert par Sabu. Les hackers utilisent des protocoles sécurisés pour échanger conversations et documents. Ils stockent les données dérobées à Stratfor sur des serveurs cachés (.onion) accessibles en utilisant Tor, un logiciel permettant d’anonymiser la navigation sur Internet.

Lors du piratage, le FBI demande à Sabu de fournir aux hackers d’AntiSec un serveur pour stocker les données. L’agent spécial Milan Patel les authentifie en les comparant à celles disponibles sur le serveur caché (.onion). Les discussions en temps réel entre Sabu et Jeremy Hammond  sont chiffrées, mais l’agent du FBI en obtient copie. Dès le 6 décembre, Jeremy Hammond raconte avoir choisi une nouvelle cible, Stratfor. Quelques jours plus tard, le 19 décembre, il annonce que l’ensemble des messages internes de l’entreprise de renseignement privé ont été copiés.


Illustration par Karat (CC-byncsa) remixée par Owni /-)

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http://owni.fr/2012/03/07/hackers-decapites-lulzsec-anonymous-fbi-sabu/feed/ 33
Espions des sables http://owni.fr/2012/03/06/guerre-libye-syrie-gi-files-wikileaks/ http://owni.fr/2012/03/06/guerre-libye-syrie-gi-files-wikileaks/#comments Tue, 06 Mar 2012 08:56:44 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=100844 OWNI, l'organisation WikiLeaks poursuit la publication des cinq millions d'emails de Stratfor, la société de renseignement privé proche des états-majors américains. Avec aujourd'hui des centaines de messages sur le Moyen-Orient.]]>

WikiLeaks avait entamé, le 27 février, la publication progressive de cinq millions de messages internes de l’entreprise de renseignement privée américaine Stratfor. Aujourd’hui, le site dévoile des emails indiquant la présence de forces spéciales occidentales en Syrie, notamment françaises, ainsi que des emails détaillant des aspects opérationnels, jusque-là ignorés, de la guerre en Libye. Créée en 1996 à Austin, au Texas, l’agence passait jusqu’ici pour une “CIA privée”, une réputation quelque peu exagérée.

En réalité, Stratfor développe ses analyses depuis des bureaux aux États-Unis, qu’elle vend aux entreprises, en entretenant des contacts avec quantité d’officiers supérieurs et d’agents de renseignement, en particulier américains.

Forces spéciales en Syrie

En Syrie, sujet abondamment traité par Stratfor, le compte-rendu d’une réunion, daté du 6 décembre 2011 laisse entendre que des forces spéciales occidentales auraient été présentes sur le terrain dès la fin de l’année 2011. Le message évoque quatre “gars, niveau lieutenant colonel dont un représentant français et un britannique” :

Après deux heures de discussion environ, ils ont dit sans le dire que des équipes de SOF [Special Operation Forces ou forces spéciales, NDLR] (sans doute des Etats-Unis, de Grande-Bretagne, de France, de Jordanie et de Turquie) étaient déjà sur le terrain, travaillant principalement à des missions de reconnaissance et à l’entraînement des forces de l’opposition.

Les participants rejettent l’hypothèse d’une opération aérienne sur le modèle libyen, affirmant que “l’idée ‘hypothétiquement’ serait de commettre des attaques de guérilla, des campagnes d’assassinats, d’essayer de venir à bout des forces des Alaouites [le groupe confessionnel, minoritaire en Syrie, auquel appartient le président syrien Bachar al-Assad, NDLR], de provoquer un effondrement de l’intérieur.”

La situation syrienne est jugée beaucoup plus complexe que la Libye. “Les informations connues sur l’OrBat syrien [l'ordre de bataille, soit la composition des armées, NDLR] sont les meilleures qu’elles ne l’ont jamais été depuis 2001″ détaille un membre des services de renseignement de l’US Air Force, selon l’analyste de Stratfor. Les membres présents à cette réunion insistent sur les difficultés militaires d’une intervention directe :

Les défense aériennes syriennes sont bien plus robustes et denses, particulièrement autour de Damas et le long des frontières israélienne et turque. [Les participants] s’inquiètent des systèmes de défense aériens mobiles, en particulier les SA-17 [missiles sol-air, NDLR] qu’ils ont obtenus récemment. L’opération serait faisable, mais ne serait pas facile.

À ce moment de la réflexion stratégique, l’opération serait conduite depuis les bases de l’Otan à Chypre. Mais une telle campagne n’était alors pas encore entièrement d’actualité. “[Les représentants des services de renseignement] ne pensent pas qu’une intervention aérienne aurait lieu tant qu’aucun massacre, comme celui par Kadhafi à Benghazi [en Libye, NDLR], ne retiendra l’attention des médias. Ils pensent que les États-Unis auront une forte tolérance aux meurtres tant qu’ils n’atteindront pas l’opinion publique.”

Des troupes égyptiennes au sol en Libye

Parmi les centaines de milliers d’emails consacrés au Moyen-Orient, un grand nombre porte sur la guerre en Libye, sur la base de correspondance avec des militaires de haut rang. Ainsi, dans un message daté du 18 mars 2011, soit la veille du début des bombardements de la Libye par les forces de l’Otan, l’analyste Reva Bhalla partage avec force de détails un “rendez-vous privé” avec “quelques colonels américains de l’US Air Force, un homologue français et un Britannique”. Le ton est donné d’entrée :

Ils sautent pratiquement de joie à l’idée de faire cette opération [le bombardement de la Libye, NDLR] — une opération de rêve comme ils l’appellent – terrain plat, proche des côtes, cibles faciles. Aucun prob.

Les militaires gradés réunis affirment alors que “les Égyptiens sont déjà positionnés au sol, qu’ils arment et entraînent les rebelles.” Un sujet pour le moins tabou. A cette date, le 18 mars, deux résolutions ont été votées par le Conseil de sécurité des Nations Unies. La première à l’unanimité le 26 février, prévoit la mise en place de sanctions économiques et financières contre le régime libyen, doublées d’un embargo sur les armes.

Le 17 mars, un jour avant le “rendez-vous privé” relaté, le Conseil de sécurité adopte la résolution 1973 qui met en place une zone d’exclusion aérienne. Le texte est adopté à l’arraché : l’Allemagne, la Chine, la Russie, le Brésil et l’Inde s’abstiennent. Selon les participants, la résolution a été “presque entièrement rédigée par les Brits [les Britanniques, NDLR]“. A ce stade, il n’est nullement question de troupes présentes au sol, ni d’en envoyer dans le futur. Des enquêtes ultérieures démontrent que des forces spéciales occidentales ont bien participé aux opérations, sur le sol libyen.

Le pétrole de la gloire

Au lendemain du blanc-seing du Conseil de sécurité, les militaires analysent les motivations de chaque participant. “De leur point de vue, l’opération entière est menée par le tandem franco-britannique. Par bien des aspects, les États-Unis ont été forcés de les suivre” écrit l’analyste de Stratfor. Côté britannique, les motifs de l’entrée en guerre sont assez prosaïques et plutôt éloignés des raisons humanitaires officiellement invoquées :

Le gars britannique dit que la Grande-Bretagne est guidée par des intérêts énergétiques dans cette campagne. Depuis la marée noire [dans le Golfe du Mexique, NDLR], BP souffre aux États-Unis . Les autres options sont d’aller vers la Sibérie (problèmes avec la Russie), le Vietnam et… la Libye. Selon eux, le renversement de Kadhafi est le meilleur moyen de remplir ces objectifs énergétiques.

Côté français, la situation est moins claire pour les intervenants de l’armée et pour les analystes de Stratfor. Le gradé français affirme que “la France a entendu parler de menaces d’AQMI [Al-Qaïda au Maghreb islamique, NDLR], soutenues par Kadhafi, contre des cibles françaises. Ça les a soûlés. Sarkozy s’est mis dans une impasse” conclut-il. Surtout, la France voulait prouver qu’elle “pouvait très bien” conduire ce genre d’opérations, “prouver sa pertinence.”

Entre Français et Britanniques, la coordination est d’abord passée par le Pentagone, rapporte la même analyste de Stratfor dans un message daté du 19 mai 2011. La veille, elle a assisté à un“briefing avec le groupe stratégique de l’US Air Force [pour] aider à préparer le séjour du chef d’État major de l’USAF en Turquie la première semaine de juin”. À cette réunion assistent deux colonels des services de renseignement américain et français, un capitaine britannique et un représentant du Département d’État. Reva Bhalla écrit :

Au début de la campagne en Libye, la France se coordonnait encore avec la Grande-Bretagne par l’intermédiaire du colonel des services de renseignement de liaison au sein du Pentagon, et non pas directement avec la Grande-Bretagne. Maintenant, les Britanniques ont enfin installé un bureau de commandement à Paris pour la coordination.

Lors de la même réunion, les participants estiment le coût de la guerre à 1,3 million “par mois”, ce qu’un expert de Stratfor corrige dans un mail en réponse : “1,3 million par jour”. “Un coût, mais pas une opération coûteuse” estiment-ils de concert.


Illustrations et couverture par Loguy pour OWNI.

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Les dernières publications de WikiLeaks, plus de cinq millions d’e-mails dérobés sur les serveurs de l’entreprise de renseignement privé Stratfor, marquent un nouveau départ pour l’organisation d’activistes de la transparence. WikiLeaks est resté bouche cousue sur la manière dont cette énorme quantité de documents a été obtenue. Un indice, néanmoins : des hackers agissant sous la bannière des Anonymous ont revendiqué l’infiltration des serveurs de Stratfor en décembre 2011.

Plus précisément, l’opération a été menée par le groupe Antisec, une sous-section d’Anonymous qui s’est spécialisée dans ce genre de piratage et dans les attaques par déni de service (DDOS). Dans le cadre de l’opération LulzXmas (Lulz renvoie à un rire grinçant et Xmas à Noël, NDLR), Antisec avait déjà publié des informations personnelles sur les clients de Stratfor. Des numéros de cartes de crédit avaient aussi été utilisés pour faire des dons à des organisation de bienfaisance. L’opération s’était achevée sur la publication de cinq millions d’e-mails, les mêmes que ceux publiés par WikiLeaks depuis lundi.

Insomnies

Sur Twitter, des comptes liés aux Anonymous ont publié des déclarations confirmant le don de ces e-mails à WikiLeaks :

Pour clarifier auprès des journalistes – OUI, #Anonymous a donné à WikiLeaks les e-mails obtenus lors du piratage LulzXmas en 2011. #GIFiles [Le hashtag correspondant à la dernière opération de WikiLeaks, NDLR]

Selon le magazine américain Wired, ce tweet codé de WikiLeaks, publié dans les jours suivant le piratage de Stratfor, servait à confirmer la bonne réception des e-mails :

Rats for donavon.

La collaboration entre les hackers d’Antisec et WikiLeaks est sans précédent et elle débouchera très probablement sur quelques insomnies pour les experts en sécurité des États ou des entreprises dans les semaines à venir. Elle pourrait aussi annoncer un nouvel afflux d’information pour une organisation au bord de la mise à mort depuis quelques temps.

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En partenariat avec WikiLeaks, OWNI met en évidence le fonctionnement de l'un des leaders du renseignement privé, ...

Blocage financier

Depuis plusieurs mois, WikiLeaks annonçait la mise en place à venir d’un nouveau portail d’envoi de documents. Qui ne s’est toujours pas matérialisé. Car ce qui reste des forces vives de l’organisation est surtout occupé à lever des fonds et résoudre les problèmes légaux rencontrés par Julian Assange. Les médias se font d’ailleurs l’écho de guéguerres internes et du style de management erratique d’Assange. A l’inverse, le blocage financier exercé par PayPal ou Amazon contre WikiLeaks a souvent été passé sous silence, alors même que les entreprises auraient subi des pressions du gouvernement américain au lendemain du Cablegate.

Yochai Benkler, chercheur en Entrepreneurial Legal Studies à la faculté de droit de Harvard, fait le lien entre ce blocage et les dispositifs prévus par les projets de loi SOPA et PIPA. Si ces mesures étaient entérinées, elles permettraient au gouvernement américain de contourner les contraintes légales habituelles en exerçant une pression directement sur les fournisseurs d’accès à Internet pour qu’ils ne travaillent pas avec certains sites. Dont WikiLeaks.

La nouveauté de ce type d’attaque réside dans le choix de la cible : un site entier, et non des contenus spécifiques. En plus de viser les systèmes techniques, ce nouveau mode opératoire utilise les leviers financiers et commerciaux et se positionne hors du champ légal pour obtenir des résultats que la loi ne n’autoriserait pas.

Il reste que l’expérience de WikiLeaks dans la manipulation et la diffusion d’informations sensibles n’est plus à prouver, en témoigne la dernière opération secrète pour rendre publique les e-mails de Stratfor. Une opération qu’OWNI, comme les 25 autres partenaires médias, a pu suivre de près. Le groupe de hackers Antisec peut certes accéder à d’immenses quantités de données secrètes, matière première de toute organisation médiatique respectable. Mais WikiLeaks est parvenu à coordonner une équipe internationale de journalistes pour justement exploiter ces données, les analyser et les vérifier. WikiLeaks sert donc aussi de tampon, tant moral que légal.

L’attention du grand public a été attirée sur la marque Anonymous quand ses membres ont attaqué les sites de MasterCard, Visa et PayPal, en représailles des sanctions financières décrétées unilatéralement contre WikiLeaks.

Hackers très qualifiés

Pour soutenir des revendications très variées, Anonymous peut faire appel à des hackers qualifiés partout dans le monde. Et nombreux sont ceux qui s’identifient à la cause de la transparence des données, justement défendue par WikiLeaks. Mais Anonymous manque d’expérience dans la diffusion d’informations secrètes. De grandes erreurs ont été commises par le passé, comme avec l’opération DarkNet, visant à mettre au jour les réseaux pédophiles du web. Le résultat de ces publications massives a bien souvent été préjudiciable sur des affaires que les autorités suivaient depuis des mois.

Néanmoins, quelques figures proéminentes des Anonymous, comme le hacker Sabu, ont commencé à demander ouvertement que les futurs documents leur soient adressés directement pour les publier eux-mêmes :

Si vous avez des données à publier (fuites importantes, codes sources, documents en cache, etc.), faites signe à @anonymouStun.

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Mais qui est donc LulzSec, ce mystérieux groupe de hackers qui attaque tout ce qui bouge depuis un mois? OWNI est parti à ...

Une contradiction insoluble demeure, cependant. D’un côté, les membres d’Anonymous et WikiLeaks cherchent à ouvrir toujours plus les gouvernements et les entreprises par tous les moyens nécessaires. De l’autre, ils s’indignent lorsque ces mêmes gouvernements et entreprises empiètent sur les droits à la vie privée des citoyens lambda.

Impératif moral

L’examen de conscience reviendra sans doute aux partenaires médias que WikiLeaks invitera lors des prochaines publications. Les Anonymous désireux de commettre autant de piratages que possible ne sont pas prêts de manquer à l’appel. WikiLeaks conserve une croyance ferme en un impératif moral qui justifie la publication de toute information pouvant mettre en lumière ou en difficulté le pouvoir. Beaucoup se sont interrogés sur la valeur des informations de Stratfor rendues publiques. Car la publication de documents dérobés à une entreprise pose de sérieuses questions de morale – même s’il ne s’agit pas d’une entreprise financée par des fonds publics.

Il est pourtant difficile d’avoir de la sympathie pour Stratfor : les e-mails publiés montrent que l’entreprise utilisait elle-même des informations rendues publiques par LulzSec et WikiLeaks pour rédiger leurs rapports, vendus ensuite à prix d’or à leurs clients. Dans un autre e-mail, un analyste de Stratfor évoque les “compétences de hacking assez remarquables” des Anonymous, tout en se demandant si les hactivistes se donneraient un jour la mission de “coordonner une attaque visant à voler du renseignement par exemple”.

Dans les semaines et mois à venir, le niveau de coordination et les compétences en hacking d’Antisec pourraient se préciser, en évoluant peut-être vers une cible plus substantielle qu’une entreprise de renseignement privé qui a tout intérêt à exagérer son accès supposés aux couloirs noirs du pouvoir. Il fait peu de doutes que le résultat de cette opération sera communiqué à WikiLeaks et ses partenaires médias.


Article paru en anglais sur OWNI.eu sous le titre : What’s to Come From an Anonymous-WikiLeaks Partnership?
Traduction par Pierre Alonso pour OWNI
Illustrations FlickR [CC-by] Abode of Chaos

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