Libre de publier mais pas libre de lire

Le 26 août 2009

Jusqu’à l’avènement du Web, grosso-modo en 1995, la liberté d’expression était une illusion. Seule une élite de journalistes, écrivains, artistes, scientifiques… pouvait parler à leurs contemporains. Depuis, tout au moins en occident et pour peu que nous fassions l’effort de maîtriser quelques outils, nous avons la liberté de publier nos textes, photos, vidéos, musiques… sans [...]

Jusqu’à l’avènement du Web, grosso-modo en 1995, la liberté d’expression était une illusion. Seule une élite de journalistes, écrivains, artistes, scientifiques… pouvait parler à leurs contemporains. Depuis, tout au moins en occident et pour peu que nous fassions l’effort de maîtriser quelques outils, nous avons la liberté de publier nos textes, photos, vidéos, musiques… sans l’aval d’un éditeur.

Nous sommes libres de nous exprimer. Mais sommes-nous libres de lire ? Est-on libre quand on est forcé de lire un livre de poche imprimé en Garamond en corps 9 ? Est-on libre lorsqu’on doit aller sur le site du Monde pour lire un article du Monde et subir les publicités du Monde ? Est-on libre si on ne peut regarder une photo publiée sur Flickr que sur Flickr ? Est-on libre si on lit cet article uniquement sur le blog de Thierry Crouzet avec sa mise en page un peu négligée et flottante ?

Le lecteur ne doit-il pas gagner sa liberté à son tour ? Lire où il veut ce qu’il veut comme il l’entend ! Sur son ordinateur, son portable, sa liseuse, son agrégateur, lui-même installé sur divers appareils. C’est l’autre face de la liberté d’expression. Sans liberté de lecture, tant qu’il y a contrainte, des points de passage obligatoires, des pubs à avaler, des mises en forme à supporter, le lecteur reste le jouet de l’éditeur. Il n’est pas réellement libre. Et si le lecteur n’est pas libre, l’émetteur lui aussi n’est pas libre, il ne fait que le croire. Il parle souvent seul, pour le seul bénéfice de celui qui l’aide à parler (souvent un propulseur à la mode 2.0).

La double liberté de parler et d’être écouté ne peut s’envisager que dans un monde de flux, un monde d’information pure, c’est-à-dire d’information débarrassée de sa mise en forme et de son contexte de propulsion. Tant que le propulseur s’approprie l’information qu’il aide à propulser, il n’y aura pas de réelle liberté d’expression.

Dans un contexte de flux, d’information vagabonde, le modèle de rémunération actuel vole en éclat. Mais le modèle actuel est-il vivable ? Pas vraiment puisqu’il n’arrive pas à financer les coûts de production des œuvres. La liberté de publication, c’est-à-dire aussi la liberté de concurrence plus que le piratage, a cassé l’ancien modèle. La nécessité de la liberté de lecture nous impose d’imaginer autre chose que de simplement imposer des publicités en regard des informations.

Quoi ? Je ne suis pas devin. Juste conscient qu’un nouveau système de flux se met en place et qu’une économie adaptée l’accompagnera, tout comme un droit adapté. Comme le souligne Michel Serre, il ne sert à rien de vouloir appliquer les règles de l’ancien monde dans le nouveau monde.

Construisons-le, libérons nos flux, apprenons à vivre dans ce contexte, nous découvrirons un nouvel équilibre a posteriori. Nous avons la chance de pouvoir vivre quelque temps encore dans l’ancien monde, sur le dos de la bête. Profitons-en même si ça ne durera pas.

Comme aucune contrainte financière ne réduit aujourd’hui notre liberté de publier, aucune contrainte financière ne doit réduire notre liberté de lire. Nous devons pouvoir tout lire a priori. Ce n’est qu’une fois que nous aurons consommé cette transition que les nouveaux modèles s’imposerons. Nous trouverons le moyen d’aider les gens que nous lisons à continuer à nous enchanter.

Article initialement sur Le peuple des connecteurs

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