Que reste-t-il aux journalistes ?

Le 12 novembre 2009

La collecte des faits ? Partagée. C’est la pratique aujourd’hui la plus facilement reproduite par d’autres et donc une fonction journalistique de plus en plus partagée avec l’audience, le public. Aucune rédaction ne peut plus concurrencer aujourd’hui des millions de téléphones portables, dotés d’appareils photos et caméras sur le terrain, et demain les capteurs qui enverront des infos automatiquement. Le public aime ce rôle de témoin, poste volontiers ses documents en ligne et les partage, via les réseaux sociaux (Twitter...). Tout le monde se souvient de l’avion dans l’Hudson et des attaques de Bombay ...

1/ La collecte des faits ? Partagée


C’est la pratique aujourd’hui la plus facilement reproduite par d’autres et donc une fonction journalistique de plus en plus partagée avec l’audience, le public.

Aucune rédaction ne peut plus concurrencer aujourd’hui des millions de téléphones portables, dotés d’appareils photos et caméras sur le terrain, et demain les capteurs qui enverront des infos automatiquement.

Le public, aime ce rôle de témoin, poste volontiers ses documents en ligne et les partage, via les réseaux sociaux (Twitter…). Tout le monde se souvient de l’avion dans l’Hudson et des attaques de Bombay. Avec des excès inévitables, comme récemment dans la tuerie sur la base du Texas ou dans les rues de Téhéran.

La collecte devient de plus en plus une commodité, donc de moins en moins monétisable.

Les quotidiens ont réalisé que les gens n’achetaient plus des journaux pour avoir les nouvelles de la veille.


2/ L’enquête journalistique ? Menacée


Fonction de chien de garde de la démocratie, la mission d’investigation est la plus importante, mais aussi la plus difficile à financer, car la plus onéreuse en ressources humaines et financières.

Elle est clairement menacée par les coupes claires effectuées actuellement dans les effectifs des rédactions et les demandes croissante des éditeurs de faire plus avec moins.

A tel point, qu’elle est financée aujourd’hui aux Etats-Unis par des fondations, qui apportent leur soutien à de petites structures (le Center for Investigative Reporting —performant récemment sur la crise financière et l’industrie du tabac-, le Center for Public Integrity, ProPublica, Sunlight Foundation). Des ONG activistes arrivent aussi désormais sur ce créneau. Des appels à des contributions citoyennes, voire à des subventions, se font jour, y compris en Amérique du Nord.


3/ L’analyse, l’opinion, les commentaires ? Partagée


Avec l’essor des blogs, et la prise de contrôle des moyens de production et de distribution de l’information par ceux qui en étaient privés auparavant, c’est aussi une fonction de plus en plus partagée.

Chaque journaliste sait bien que nombreux sont les commentateurs plus experts que lui sur son sujet ou sa rubrique. Aujourd’hui, ils sont de plus en plus nombreux à avoir pris la parole directement avec les nouveaux outils numérique, et produisent des contenus de grande qualité analytique.


« Aucune rubrique spécialisée d’un journal généraliste (sauf parfois le NYTimes) ne peut aujourd’hui sérieusement rivaliser avec les 5 ou 6 meilleurs blogs spécialistes du sujet ».

(Jim Brady – ex editeur du WashPost en ligne – CJR sept)


4/ Tri, vérification, certification, hiérarchisation, mise en perspective, présentation de l’information ?


Ces fonctions restent bien l’apanage des rédactions professionnelles. Un atout encore « incopiable ».


« So much data, so little time! »: Face à l’infobésité, la cure ! Le journalisme est un filtre qui compte, avec ses missions importantes :


Simplifier le monde, éduquer, expliquer

Assembler et mettre vite en perspective


« Connect the dots » : trier, expliquer le contexte, présenter d’autres points de vue, les agréger en différents formats pour donner du sens à l’actualité, partager. Assumer des choix, avoir une voix, émettre de l’autorité.


Il s’agit aussi d’agrégation éditorialisée.


« Il ne suffira plus de donner les deux côtés d’une histoire, mais de trouver le signal dans le bruit ».

(Earl J. Wilkinson, Executive Director and Chief Executive Officer, INMA, Dallas, United States – oct)


« Sur le web, il y a de plus en plus de +conneries+, mais il y a aussi de plus en plus de contenus extraordinaires et de très grande qualité. »

(Leo Laporte – This Week in Tech – oct)

Deux phrases de grands professionnels de l’information résument bien :

“The solution for Information overload is Journalism”.

(Mike Oreskes – ex éditeur de l’IHT – 2007)

“News is a commodity, but insight and intelligence are not”. 

(Rona Fairhead, CEO Financial Times – 2008)

“De Journaliste à +journanalyste+ : il faut moins d’hier, et plus d’aujourd’hui et de demain”.

(Juan Senor, Associé, Innovation Media Consulting- oct)

Il s’agit bien aussi de la prolongation de la mission du journalisme pour organiser le débat démocratique :

  1. aider à la navigation, pour montrer ce qu’il y a d’important
  2. recommander et donner des conseils, dans lesquels on a confiance
  3. arbitrer, pour délimiter, faire respecter les règles, et modérer, avec une voix d’autorité
  4. “coacher”, pour bâtir ces communautés d’opinion et apprendre au public à mieux se servir des outils que les médias ont longtemps été les seuls à maîtriser

En somme, pour reprendre les fameux « W », chers aux journalistes anglo-saxons : la valeur réside moins aujourd’hui dans le « Who, What, Where, When », mais désormais de plus en plus dans le « How », « Why » et « What’s next ».

» Article initialement publié sur AFP mediawatch

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