Journaux: comment se débarrasser d’Internet

Le 18 mai 2010

Crise des médias, nouveau(x) journalisme(s), tablettes, réseaux sociaux, mobilité, nouveaux usages... C'est le traditionnel article d'introduction au nouveau Cahier de Tendances MediaWatch Printemps-Été d'Eric Scherer.

Dans l’agenda des médias traditionnels, deux phénomènes synchrones convergent cette année pour tenter de faire rentrer le génie Internet dans la bouteille : l’érection de nouveaux murs payants en ligne et l’arrivée des tablettes, iPad en tête.

Deux phénomènes, qui remettent de la structure dans des contenus fragmentés, redonnent du contrôle aux éditeurs sur l’accès, et nourrissent leur espoir de mettre fin au tout gratuit numérique.

Pour ces médias traditionnels, qui n’en finissent pas d’être chamboulés par la révolution de l’information, les nouveaux usages et la crise économique, l’idée est de tenter de retrouver une marge de manoeuvre, un ballon d’oxygène, pour leurs modèles économiques à bout de souffle, qui ne parviennent plus à financer les contenus capables de capter l’attention du public du 21ème siècle.

Dans le même temps se mettent en place les infrastructures mondiales, pour des connexions de masse, qui accroissent le volume d’informations, accélèrent leur vitesse de circulation et réduisent leur durée de vie dans un web de plus en plus social, personnalisé et instantané, et où les gens passent de plus en plus de temps, chez eux ou en déplacement.

La progression de cette toile de fond, qu’est l’Internet, n’est pas linéaire, mais bien exponentielle, même si le web s’est désormais fracturé, sous l’influence d’Apple, voire d’Amazon, avec leurs nouveaux univers d’applications.

Comment rester pertinent ?

Dans un monde numérique de flux, d’échanges permanents et nomades, de médias fragmentés, où les vieux modèles déclinent, et où l’information n’a jamais été aussi abondante, le défi est de retrouver une fonction de filtre pertinent grâce aux nouveaux outils numériques, pour délivrer l’information dont a besoin le public, là où il le souhaite et quand il le désire. Il est aussi de l’aider à trouver le signal dans le bruit, car les méthodes de découverte changent vite : recommandations, réseaux sociaux, agrégateurs, géo-localisation, listes ….

Qu’on le veuille ou non, bien souvent, la qualité d’accès à l’offre, l’expérience utilisateur, l’ubiquité, et donc la force du service, primeront sur le contenu. Bientôt, l’information sera délivrée en fonction du lieu où nous serons, ou sera directement reliées aux discussions que nous aurons avec nos amis.

Le défi, c’est aussi pour les journalistes, au magistère déclinant, d’accepter de perdre un peu d’autorité et de contrôle, pour être davantage en prise avec l’audience, car l’information voyagera désormais, avec ou sans eux. Il n’y a pas de pénurie d’informations et de contenus, bien au contraire, mais un manque de temps, et donc un besoin de plus en plus urgent d’un filtrage de qualité.

C’est enfin pour les dirigeants de média d’accepter que le web devienne un débouché essentiel, où il n’est pas question de repasser les plats : à eux de trouver les contenus et services différents, qui ne soient pas facilement copiables.

A ces conditions, le public continuera de payer comme il l’a toujours fait. C’est-à-dire pour l’accès à des contenus et des services, qui incluront de l’information de qualité, sélectionnée, disponible partout immédiatement et consommée de plus en plus en mobilité.

Crise systémique

Dans cette crise systémique, des médias traditionnels, figés dans les vieux moules du passé, meurent aujourd’hui, alors que nous souffrons de… Boulimie d’informations. Tout simplement parce que les nouveaux offrent des contenus et des services que les anciens ne fournissaient pas, à des coûts beaucoup plus bas, et avec beaucoup plus de flexibilité.

Les anciens demeurent sur la défensive et ont toujours beaucoup de mal à s’ajuster à ce nouveau monde, où les vieux modèles se désagrègent plus vite que n’émergent les nouveaux.

Combien de ce qu’ils ont perdu dans la crise arriveront-ils à récupérer? Auront-ils le temps de s’adapter alors que les pressions pour réduire les coûts restent très fortes et que la rigueur risque de couper l’élan de la reprise? Quel est l’avenir des unités éditoriales en ligne qui poussent un peu partout?

Pour la presse des pays riches, tout, ou presque, continue d’être orienté à la baisse : le nombre de pages, la diffusion, l’intérêt des annonceurs, les revenus publicitaires, les effectifs. A eux seuls, les magazines américains ont vu s’envoler le quart de leurs pages de publicité l’an dernier.

Chiffres dantesques : -10 milliards $ en un an !

Aux Etats-Unis, pour la presse quotidienne, la publicité, qui assure 80% des revenus des journaux, 2009 fut la pire année en près de 50 ans, avec des chiffres dantesques : le manque à gagner se monte à 10 milliards de dollars par rapport à 2008, déjà désastreuse. L’an dernier, sur le papier elle a encore chuté de 28%, sur le web de 12%, et les petites annonces, dont plus des deux tiers ont disparu depuis 2000, se sont de nouveau évaporées, au rythme de près de 40% en 2009.

L’accélération de la débâcle, qui s’était précipitée en 2008, semble un peu ralentir en ce début 2010. Les patrons de presse évoquent quelques bonnes périodes, puis, souvent hélas, de nouveau des trous noirs. La crise publicitaire est aussi structurelle. Côté papier, il n’y a plus grand chose à réduire: les coûts d’impression et de distribution ne baissent plus et les rédactions ont souvent fondu d’un tiers.

Ils avouent aussi avoir de plus en plus de mal à mettre en oeuvre cette migration vers le numérique, qui, d’une année sur l’autre, n’avance guère finalement. Même Microsoft perd des centaines de millions de dollars sur le web ! Car aujourd’hui, les meilleures places du nouvel écosystème média sont occupées par l’audience, les agrégateurs, les moteurs de recherche et les distributeurs ; non par les producteurs de contenus.

Révolution en marche : les insurgés ont pris les armes ! Le combat est inégal !

Quinze après l’arrivée du web grand public et la prise de conscience progressive de la démocratisation de l’écriture, tout le monde est aujourd’hui devenu un média. La quasi-suppression des barrières à l’entrée pour la publication et la distribution de contenus, a conduit agents politiques, économiques, sociaux, associatifs, culturels, humanitaires, religieux, sportifs, collectifs ou individuels, à prendre directement la parole, et donc à court-circuiter les corps intermédiaires, les médiateurs.

Comme d’autres grandes institutions du 20ème siècle, les médias ont beaucoup de mal à se réinventer. Comme à la Renaissance, une grande période de questionnements remplace une période de révérence.

Ce monde a changé : le réseau Internet englobe des parties de plus en plus significatives de nos activités et de nos vies! Nos vies personnelles et professionnelles passent moins par le papier que par l’écran.

La technologie aussi s’est démocratisée. L’infrastructure pour des connexions massives et en mobilité est en place. Le quart de la population mondiale est interconnecté par un réseau sans tête. L’ordinateur portable est passé devant le fixe. Des milliards de gens sont équipés de téléphones portables. Le mobile ne sert plus à téléphoner: l’échange de données y dépasse le transport de la voix.

L’Internet est sur soi, et plus seulement chez soi. L’internet mobile va dépasser l’Internet fixe. Son adoption par la population est huit fois plus rapide que pour le web. Tout ce que nous faisions à la maison ou au bureau, nous le faisons désormais en déplacement. Dans la rue, les gens ne parlent plus seulement tout seul, mais marchent, penchés en avant, le regard sur leurs écrans d’iPhone ou de Blackberry. Dans les cafés, les laptops sont ouverts, et bientôt les tablettes vont fleurir. La vidéo est consommée partout, via les smart phones et bientôt les lecteurs ebook.

Les DVD sont obsolètes, les CD jetés par les ados, à peine téléchargés, même les fichiers numériques vieillissent face au streaming. Un téléphone portable n’est plus d’ailleurs un simple appareil mais leur alter ego, une extension de leur personnalité, doté d’une bien meilleure mémoire ! Google a presque maîtrisé la traduction simultanée des conversations. La 3D arrive dans nos télévisions connectées au web, et bientôt dans nos mobiles…

Le multi-tasking, n’est plus une exception, mais devient la norme: l’accès à l’information, au savoir, voire à la culture est non seulement instantané, mais souvent réalisé en toile de fond d’une autre activité.

L’information est de plus en plus délivrée en flux, en courants, au fil de l’eau. Elle est stockée non plus dans nos disques durs ou nos serveurs, mais dans les “nuages“. L’extraordinaire succès des applications (à la iPhone) donne aussi un coup de vieux aux navigateurs, voire aux sites web eux-mêmes.

De plus en plus d’appareils différents sont utilisés par une même personne, pas nécessairement techno-béate ! Chaque mois, ou presque surgit une nouvelle rupture technologique : netbooks, smart phones, lecteurs ebook, iPad, 3D, réalité augmentée, etc…

Les réseaux sociaux en ligne prennent la place de la machine à café ou du bistrot. L’Internet et les mobiles ont ajouté une dimension d’expérience sociale à l’information.

Réseaux sociaux : une résidence secondaire !

L’Internet n’est donc pas qu’un lieu d’accès à la connaissance et au savoir. C’est désormais surtout un lieu de socialisation, un endroit où de plus en plus de gens vivent, échangent et communiquent. Une résidence secondaire ! Un lieu où l’information, partagée, est libre de circuler. Un endroit où les gens sont heureux de collaborer sans être rémunérés. Pour les jeunes, les réseaux sociaux sont désormais comme l’air qu’ils respirent ! La musique n’est plus seulement mobile, elle est devenue sociale.

Aujourd’hui, les géants des réseaux sociaux cherchent à prendre la place des anciens grands portails (Google, Yahoo, MSN…) comme porte d’entrée unique du web, et sont souvent plus utilisés que l’email pour communiquer. Ce sont des lieux privilégiés d’informations instantanées et partagées avec l’audience.

Ces “médias sociaux”, nouveaux médias de masse, où les contenus – rappelons-le -, sont produits, modifiés et distribués, au moins en partie, par leur audience, bousculent nos manières de travailler.

Après Google, Facebook (près de 500 millions d’utilisateurs) recentralise le web, en devient son premier site d’informations et le premier pourvoyeur de trafic, et sert d’identité numérique aux internautes pour circuler d’un site à l’autre. Twitter (100 millions) continue sa phénoménale expansion en devenant un outil de « broadcast », de diffusion publique et massive d’une personne vers une multitude, qui bat souvent les médias pour donner les infos importantes et les tendances. Skype compte plus de 500 millions d’utilisateurs, Mozilla et Wikipédia en ont 350 millions chacun.

Après des années d’efforts pour se placer le mieux possible sur Google, cet essor faramineux entraîne les médias traditionnels à privilégier désormais l’optimisation aux médias sociaux (SMO après le SEO): tout faire pour exister là où les gens vivent et échangent. Là où chaque information est accessible instantanément et peut être commentée en temps réel. Pour les médias, le temps réel a remplacé le “prime time”.

L’époque où chacun lisait chaque jour son journal imprimé arrive à son terme. Il devient d’ailleurs physiquement difficile de trouver des quotidiens en papier dans certains centre ville américains, voire même dans des grands hôtels aux Etats-Unis. Cette année, pour la première fois, des prix Pulitzer ont récompensé des sites web d’infos. Le règne sans partage des medias traditionnels, financés par de la publicité globalement inefficace est terminé.

C’est un nouveau temps de co-création avec les « consommacteurs » de l’information, de production pluridisciplinaire en réseau, d’innovations dans la distribution sur les réseaux. Cinq ans après son lancement, le site Huffington Post pourrait dès cette année dépasser le trafic du New York Times.

Le public, guidé par les progrès technologiques, réclame pertinence, instantanéité, facilité d’utilisation, localisation, connectivité, personnalisation de l’information, pour simplifier et enrichir sa vie. De l’information utile au moment présent et venant de multiples canaux.

Pour les médias traditionnels, victimes comme d’autres grandes institutions du 20ème siècle de la défiance du public, cette nouvelle équation gagnante signifie un défi compliqué: amener l’information là où les gens vivent, et essayer de la monétiser. D’où un bel avenir pour la publicité locale.

Tablettes et terminaux nomades: révolution des usages et espoir de la presse

Les tablettes constituent la première vraie opportunité des médias depuis l’arrivée de la dépression, et le développement informatique le plus important depuis l’arrivée des micro-ordinateurs. Elles risquent bien de transformer trois industries qui convergent actuellement à grande vitesse (l’informatique, les télécommunications et les médias).

Elles ouvrent un nouveau marché (une dizaine seront disponibles en 2010) et vont créer une nouvelle relation entre le public et les contenus, entre le public et l’informatique connectée, notamment par ce lien tactile qui permet de surfer avec les doigts et ce web embarqué, qui vont devenir la norme pour les petits objets.

L’iPad d’Apple, vendu à plus d’un million d’exemplaires le premier mois, s’ajoute aux autres appareils nomades (téléphones, laptops, baladeurs). Avec un produit sui generis, Apple fort de plus de 100 millions de clients, tente pour la 4ème fois, une révolution des usages, après avoir déjà transformé l’industrie des ordinateurs individuels (MacIntosh), de la musique (iPod) et de la téléphonie (‘iPhone).

Il offre la combinaison unique des qualités de l’imprimé, du web et de la mobilité et y ajoute une interface tactile. Et surtout un design séduisant de l’appareil et de ses contenus.

Planchettes de salut?

Les tablettes seront-elles de nouveau des outils de distribution de masse de contenus contrôlés (comme les journaux, la télé, la radio) ? Feront-elles revenir l’audience vers de l’information payante ? Les éditeurs seront-ils à la hauteur de cette nouvelle — et peut être dernière — opportunité ? L’iPad sauvera-t-elle la relation entre publicité et éditeurs ?

C’est en tout cas une révolution qui s’annonce pour le monde de l’éducation et déjà un formidable appareil de consommation de média, pour de l’informatique de loisirs passifs (« couch computing »), et donc un nouveau canal de distribution. Nouvelle forme d’accès aux consommateurs pour les marques, l’espoir est d’y vendre un contenu professionnel et que les annonceurs suivent.

Attention toutefois à la tentation de « minitelisation » du web ! Ne réussiront que ceux qui investiront pour y créer une nouvelle valeur pour le consommateur. Les éditeurs doivent se mettre vite au web mobile et aux tablettes, réinventer leurs contenus, stimuler leurs journalistes, créateurs et développeurs et travailler avec les départements marketing pour proposer de nouvelles offres.

Encourageant une nouvelle forme de lecture numérique, elles peuvent encourager une nouvelle forme de journalisme, plus riche, plus longue et plus multimédia. En somme, plus magazine et moins instantanée, comme les web documentaires.

Mais attention, les éditeurs vont aussi être en compétition directe avec d’autres fournisseurs majeurs de contenus : groupes de télévision radios, jeux vidéos, pure players, etc…

Les tablettes ne sauveront donc pas les médias qui sont déjà sous la ligne de flottaison, qui sont déjà dépassés par le web fixe, ou n’ont pas les capacités d’investir, mais elles donneront un coup de fouet aux plus puissants. C’est pour eux l’une des meilleures nouvelles d’espoir depuis des années. Mais pour les autres, le coût pour générer des revenus supplémentaires sera trop élevé.

Il faudra aussi du temps pour que leur utilisation se répande dans le public et pour que les éditeurs y voient clair dans les modèles d’affaires possibles. Il faudra être patient. Le retour sur investissement ne se fera pas en 2010. Nous n’en sommes qu’au début du web mobile et des tablettes, même si les ventes de tablettes (iPad, lecteurs ebook…) devraient atteindre 12 millions d’unités cette année après 5 millions en 2099 et 1 million en 2008.

L’érection désordonnée de nouveaux murs payants

L’arrivée des tablettes, associée à l’espoir d’une nouvelle monétisation, arrive la même année que l’instauration, en ordre dispersé et sans consensus, de barrières payantes sur les contenus d’informations en ligne, annoncée en fanfare il y a juste un an, sans que personne ne puisse dire, à ce jour, si cette stratégie s’avérera …. payante !

Il semble qu’on s’achemine, en fait, vers de nouveaux modèles hybrides avec quelques certitudes: la fidélité à une marque est plus faible en ligne, où la gratuité est une habitude bien ancrée, et où seuls les contenus de qualité, rares, utiles et sélectionnés, pourront se vendre.

Mais pour l’instant, la prudence est de mise. Chacun surveille ses concurrents de peur qu’ils ne laissent, eux, tout gratuit, comme en ont décidé, en Grande Bretagne, le Guardian, le Daily Mail ou le Mirror, en face des murs que mettra en juin Murdoch autour de ses journaux, Times et Sunday Times. Il préfère de petites audiences qui paient à de grandes qui ne paient rien.

Aux Etats-Unis, le New York Times mettra en place en janvier 2011 un péage au compteur (paiement après quelques visites gratuites, comme le Financial Times). En embuscade, le Washington Post reste en mode « wait & see ».

Même si chacun sait que la publicité média ne reviendra pas à ses niveaux antérieurs, qu’elle ne financera plus une rédaction à Peshawar, rares sont ceux désireux de se couper d’audiences, souvent en forte augmentation.

Chacun sent bien aussi que ce type d’initiative se fait à contre-courant d’évolutions sociétales actuelles fortes : ouverture, partage, collaboration, coproduction, etc…

Une logique « freemium » semble donc l’emporter aujourd’hui associant des contenus gratuits (le plus souvent des informations généralistes partout disponibles) à des contenus uniques de niche, et des services de qualité, à valeurs ajoutées, payants. Comme l’information en mobilité (smart phones, tablettes), au risque d’accélérer le déclin du papier. Et, au lieu de faire payer tout le monde un petit peu (longue traîne), l’idée est d’essayer d’obtenir un peu plus de quelques uns. Tout un équilibre savant à trouver.

Surtout que l’enjeu n’est pas seulement de faire consommer des contenus existants, mais surtout de retrouver une nouvelle pertinence, et de ré-initier la relation distendue avec le public.

Distorsion de concurrence et usines à contenus

Les choses se compliquent aussi avec deux nouveaux phénomènes.

D’abord l’apparition ces derniers mois d’un nouveau modèle d’affaires sur le marché de l’information: l’industrialisation de la production de contenus avec de véritables usines (ou fermes) “low cost” produisant chaque jour à la chaîne des milliers d’articles “fast food” de médiocre qualité (textes, photos, vidéos), produits de manière indifférenciée par des pros et des amateurs en fonction des requêtes les plus populaires des moteurs de recherche. Objectif: accroître le trafic des sites d’infos et toucher un peu plus de publicité. Certains estiment qu’en jouant ainsi avec les algorithmes de Google, ces nouvelles firmes de média vont rendre encore plus difficile la recherche du signal dans le bruit.

Ensuite, l’arrivée d’un vrai risque de distorsion de concurrence sur Internet (où tout le monde converge pour offrir finalement un contenu multimédia identique) venant des grands groupes de l’audiovisuel public, qui ont des ressources sans commune mesure avec les médias privés.

Financés par des subventions ou des redevances, ces grandes maisons comme la BBC, l’ARD, la RTBF, etc… mettent en place des stratégies 360°(TV, Internet, mobiles) pour maximiser le nombre de contacts tout au long de la journée avec le public. Elles viennent concurrencer les sites web sur des contenus d’information généralistes, mais défendent la notion d’intérêt général et de bien public que le marché ignore. Faute de modèles économiques probants et dans un secteur en crise, les médias publics risquent bien de devenir plus importants d’ici 10 ans. Bruxelles risque quand même de s’en mêler de plus en plus.

Le génie ne retournera pas dans la bouteille !

Parions que même avec les tablettes et les murs payants en ligne, le génie Internet ne retournera pas dans la bouteille. Le web a atomisé et démultiplié les contenus. Le public a appris à surfer, explorer, découvrir et réassembler. Il n’y jamais eu autant d’outils et d’appareils pour les mettre en relation avec un nombre aussi grand de sources. Après un web de publication et de diffusion, nous avons un web social de flux, où le temps s’est accéléré et l’espace rétréci.

C’est sans doute la chance des médias traditionnels et des journalistes: remettre un peu d’ordre, trier, sélectionner, vérifier, relier, mettre en perspective, donner du sens, packager, personnaliser l’information et les données, qui sont le nouveau pétrole de cette économie post industrielle.

Dans un environnement plus complexe et moins linéaire, les groupes de médias doivent évoluer de manière flexible, dans une culture de l’expérimentation, car ils naviguent dans des eaux qui changent constamment.

Mais attention aussi à la tentation de diaboliser Internet comme en Chine, voire en Australie, où le contrôle s’accroît. L’Internet est à tous, comme la culture. Méfions nous des tentatives d’en restreindre l’accès. La frustration devant les chambardements en cours ne sert à rien, surtout si on continue de proposer des contenus et des produits du 19ème siècle!

Pour offrir la meilleure expérience dans une société de l’interaction, les médias devront réconcilier la dynamique sociale du web et des contenus de qualité. Et garder ce qui fait leur force : leur capacité et leur structure reconnue pour enquêter sur les terrains difficiles et vérifier l’information. Car ils restent récipiendaires d’une certaine confiance. Pour combien de temps ?

Nous ne sommes qu’au tout début de cette révolution de l’information et personne ne sait où elle va !

__

Billet originellement publié sur le blog d’Eric Scherer sous le titre “Remettre le génie dans la bouteille”.

Titre par Pierre France.

Retrouvez tous les autres cahiers de tendances d’Eric Scherer :

La nouvelle version sera bientôt disponible sur la soucoupe /-)

Crédits Photo CC Flickr : Dotpolka, Kevharb, Oberazzi, ShironeKoeuro, Observatoryleak, Needoptic.

Voici l’interview d’Eric Scherer réalisée par Damien van Achter pour le RTBFLabs :

Laisser un commentaire

Derniers articles publiés