[app] La pilule de quel lendemain?

Le 1 octobre 2010

Pourquoi a-t-on plus de jeunes filles enceintes dans certains pays d’Europe ? OWNI tente de répondre à cette question à travers le prisme de la pilule et de la contraception, en prenant le cas de cinq pays.

En France, en 2005, 32 231 adolescentes ont subi un interruption volontaire de grossesse (IVG), soit 1.06% des 15-19ans. En 2008 en Angleterre, c’était presque le double avec 2.04 % des adolescentes ayant subi un IVG.

Cet acte n’est pas anodin, il comporte des risques tant sur le plan médical que psychologique. Sans aller jusqu’à l’IVG, en cas de risque de grossesse non-désirée, il existe également la pilule du lendemain qui est délivrée gratuitement et anonymement mais, là encore, ce n’est qu’une solution d’urgence qui ne doit rester qu’occasionnelle.

La pilule contraceptive, qui doit être prise mensuellement, est à l’opposé de ces deux solutions de dernier recours. C’est un moyen de contraception efficace et son utilisation est simple, facile et sans danger majeur.

Reste qu’il n’est pas toujours évident d’aborder le sujet de la sexualité en famille. Parfois les adolescentes n’osent pas faire la démarche de parler de la pilule contraceptive à leur parents – et réciproquement – et préfèrent se reposer sur les solutions d’urgences en cas de rapport non protégé.

En fonction des pays, l’attitude des adolescents face à la contraception varie. Pourquoi a-t-on plus de jeunes filles enceintes dans certains pays d’Europe ? Telle est la question à laquelle OWNI essaie de répondre à travers le prisme de l’accès à la pilule et aux moyens de contraception en prenant le cas de 5 pays : la France, l’Italie, l’Angleterre, l’Allemagne et la Bulgarie. Suivez le parcours d’une jeune femme dans chacun de ces pays en naviguant dans notre application.

Le projet est actuellement uniquement disponible en ce qui concerne la France. Nous poursuivons son développement demain. Tous vos retours sont les bienvenus, les posters seront aussi disponibles en téléchargement.

En France, il est impossible d’avoir accès à la pilule contraceptive gratuitement et anonymement, sauf à passer par le planning familial. Le professeur Nisand, gynécologue notamment spécialisé dans le déni de grossesse (il a expertisé Véronique Courjault lors de son procès), a mis en place depuis plus de 10 ans le dispositif “info-ados” à Strasbourg. Il permet aux adolescentes d’avoir accès gratuitement et anonymement à la pilule contraceptive. Pour lui il est plus qu’urgent que cette initiative soit relayée par les politiques et qu’elle s’étende à tout le territoire afin de réduire fortement le nombre d’IVG chez les jeunes femmes. Il s’agit même pour lui d’un choix de société. Interview.

Quels enseignements tirez-vous de l’opération “info-ados” ?

L’expérience est menée sur tout Strasbourg depuis 12 ans et plus spécifiquement sur la vallée de la Bruche, qui est une vallée reculée dans les Vosges, depuis 7, 8 ans. Dans les deux endroits on a divisé par deux les IVG chez les mineurs. Donc ce n’est pas une fatalité. Il suffit d’informer les jeunes, de leur procurer des moyens de contraception gratuits et surtout confidentiels par rapport à leurs parents et l’on améliore très considérablement la situation. Les politiques savent ça et ils ne le font pas. Je trouve que c’est faire peu de cas de nos adolescentes qui ont des droits et qui, n’étant pas électrices, ne pèsent pas lourd sur le vote conservateur aux yeux de nos politiques.

Concrètement, comment avez-vous mis ce système en place ?

Dans la vallée de la Bruche, on a utilisé les généralistes et les pharmaciens que l’on a mis en réseau. Quand les jeunes femmes vont voir les généralistes, elles ne sont pas examinées. Les généralistes sont payés par la sécurité sociale sans faire état de ce paiement aux parents. Les pharmaciens, quand il y a le tampon “info-ados” sur l’ordonnance, délivrent les médicaments et les préservatifs gratuitement et ils se font rembourser par la sécurité sociale sans faire état du tiers-payant au parents. Donc c’est faisable sur toute la France, sur des structures déjà existantes que sont les pharmaciens et les généralistes, il suffit d’en avoir la volonté politique. Mais c’est bien parce que cela manque que je gueule. Ici, on a tout mis en place en utilisant nos ressources locales et en faisant nous-même l’effort. La région, le département… personne n’a bougé.

Du côté de la sécurité sociale, pour garantir l’anonymat, est-ce complexe ?

Aucun soucis, c’est prévu par la loi. Cela nécessite que la sécurité sociale accepte de faire un tiers-payant pour ces consultations auprès des généralistes du réseau et qu’elle l’enregistre avec le numéro de remboursement spécial. Nous, par chance, on avait une directrice de sécurité sociale qui a marché, qui a joué le jeu. Ce qui nous a permis en plus d’évaluer le coût: ça coûte un porte-clé. J’en ai parlé à Chirac, il a dit “Oh c’est très intéressant, on vous écrira”. J’en ai parlé à Sarkozy, pareil : “Oh, c’est très intéressant on vous écrira”. Je pense qu’il n’y a plus que l’opinion publique pour sortir cette charrette de l’ornière.

Quel coût cela a-t-il pour la sécurité sociale ?

Si l’on compte toutes les IVG évitées, le coût n’est pas très important. C’est un problème politique d’engagement d’une société. Que préfère notre société ? Faire des IVG à ces jeunes femmes de 15 ans ou leur procurer une contraception? Très clairement, je pense que ce n’est même pas une question de coût. En plus ça ne coûte pas cher. Une plaquette de pilules contraceptives ce n’est rien à côté d’un IVG.

(NDLR : le coût d’un IVG varie de 250 € à 450 € alors que celui d’une plaquette de pilule contraceptive va de 7,50 € à 27,50 €)

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