Drumbeat Festival: apprendre de et avec le web ouvert

Le 4 novembre 2010

OWNI s'est embarqué au Drumbeat Festival: liveblogging de l'évènement qui a pour objectif de faire advenir des projets participatifs centrés sur l'éducation et visant à promouvoir le web ouvert au plus grand nombre.

Devant le musée d’Art Contemporain de Barcelone, quelques tentes, un “Hackbus”, et des dizaines de geeks circulant entre les différents lieux consacrés au Drumbeat Festival. Sous l’égide de Mozilla, cette rencontre entre ingénieurs, professeurs, étudiants, hackers-bidouilleurs et militants d’un web libre et ouvert fait la part belle aux initiatives à portée éducative sous le slogan:

Learning, Freedom, and the Web

Si l’on souhaite qu’Internet transforme la société, c’est bien par l’éducation qu’il faut commencer, ce que tentent de démontrer avec passion les porteurs de projets présents sur les lieux. De manuels scolaires fonctionnant sur le principe des wikis à la façon d’utiliser au mieux Wikipedia en classe, de l’importance des Creative Commons dans la diffusion du savoir aux bonnes pratiques pour les professeurs,  OWNI vous propose sa couverture live de l’évènement. En commençant par une interview du président de Mozilla Europe, Tristan Nitot.

[ITW] Tristan Nitot: “on sous-estime énormément la puissance de l’Internet”

Quelles sont les motivations qui ont conduit Mozilla à organiser un tel évènement ?

Mozilla aujourd’hui est connu principalement pour Firefox, qui est un succès avec 400 millions d’utilisateurs. Ce que peu de gens savent, c’est que la vocation de Mozilla n’est pas simplement de faire du logiciel ou un navigateur: on est une organisation à but non-lucratif.

Ce qu’on veut, c’est qu’Internet reste ouvert et participatif.

Il se trouve que Firefox est un outil au service de cette mission. Aujourd’hui, c’est bien parti, notamment en Europe. Il n’est pas question d’abandonner Firefox, et on continue à investir dans son développement, mais on commence à relever le nez du guidon. On a réussi à rétablir la concurrence au niveau des navigateurs, ça fonctionne: il y a Chrome, Safari, Internet Explorer 9 est prometteur…

Pourtant, on se dit qu’il faut voir plus large, plus loin. Et c’est là que Drumbeat entre en scène. C’est le tout début: on a eu quelques évènements locaux mais c’est le premier évènement de grande ampleur, qui réunit des participants du monde entier, avec des profils très différents. On se sent moins seuls, entourés de gens qui ont envie de réinventer la société autour de ce qu’Internet a déjà changé.

L’objectif est de mettre des gens ensemble, de recenser des projets et de les faire fructifier dans l’idée que le web ouvert devienne un mouvement plutôt que des initiatives isolées. Il s’agit donc de fédérer, de faire prospérer ces différents projets.

Pourquoi se focaliser sur l’éducation ?

On vient du logiciel libre, on parle à nos communautés qui ont bien compris l’intérêt du hacking, au sens de bidouillabilité. Prendre l’objet, le transformer, en faire ce qu’on veut, le modéliser pour l’améliorer: tout cela est fait par une population extrêmement réduite et particulière. Il s’agit d’individus entre 20 et 40 ans, souvent des hommes… A côté de ça, il y a d’autres mouvements ou initiatives qui n’utilisent pas forcément les ordinateurs. Les créateurs de makemagazine par exemple, ont une approche comparable mais avec des compétences et outils différents: colle et scotch, plutôt que code… L’approche, pourtant, est comparable, tout comme celle des gens de Wikipédia ou des bibliothécaires présents ici aussi. On se dit qu’on a la possibilité de prendre l’Internet comme terrain de jeu. Les énergies de ces différents profils et les capacités techniques des bidouilleurs informatiques font émerger des projets qui peuvent vraiment changer quelque chose.

Et si on veut vraiment changer les choses, autant commencer par l’éducation.

En dehors du fait de créer un évènement au cours duquel les gens se rencontrent, quels sont les objectifs du festival, est-ce que Mozilla a prévu de financer certains projets?

Ce qu’on veut, c’est créer un bouillonnement créatif duquel émergeront des bonnes idées, et des moins bonnes. Il s’agit de faire remonter les meilleures idées à la surface, “bubble-up”, comme on dit. L’argent n’est pas particulièrement un problème. Déjà, on ne fait pas ça pour l’argent. Quand on parle de projets web, il n’y a pas besoin d’argent pour faire des choses extraordinaires. D’où l’importance de la neutralité du net, soit-dit en passant.

L’Internet est une formidable machine à copier de l’information et du code. A partir du moment où le code est écrit, il n’y pas de problème de passage à l’industrialisation. Internet est un levier qui fonctionne à merveille. Il s’agit donc de faire émerger les meilleurs idées et les meilleures pratiques à tous les niveaux: du code au niveau social, pour permettre aux gens de participer. Si on veut créer un mouvement, il faut que des gens qui sont pas des gourous de l’informatique puissent mettre le doigt dans l’engrenage, donner un peu de leur temps et obtenir rapidement une forme de gratification.

La barrière à l’entrée est suffisamment basse pour que les gens participent: même si il n’y a que quelques milliers de wikipédiens dans le monde, c’est suffisant pour qu’ils fournissent un service essentiel, et ce en quelques années. Je ne sais pas si on va aider à la découverte du prochain Wikipédia, mais l’idée est d’améliorer le monde: “hack the world” en faisant advenir un Internet, et je l’espère une société, plus ouverte et participative.

Assister à ce genre de festival, quand on suit au quotidien les développements d’Hadopi, de Loppsi ou d’ACTA, permet aussi de retrouver un peu d’optimisme. Vous partagez ce sentiment?

Il ne faut pas baisser la garde, tous les gens ici donnent énormément pour que ça marche. On assiste à l’éternel affrontement entre anciens et modernes. Les anciens sont toujours aux commandes, et ne comprennent pas ce qu’il se passe. Il faut donc rester vigilant, mais il y a un potentiel énorme: on sous-estime énormément la puissance de l’Internet. Ça fait des années que je compare Internet à l’invention de l’imprimerie. A l’ère de l’information, on a fait la télévision et la radio, qui sont fondamentalement centralisées, concentrées, avec un ticket d’entrée énorme: tant au niveau financier qu’à celui des régulations à respecter. Ce n’est plus le cas avec Internet.

Pour autant, je n’ai pas envie d’être perçu comme un révolutionnaire. Les gens de Mozilla, de façon générale, sont passionnés, engagés. On a été bénévoles pendant longtemps pour que Mozilla décolle. Fondamentalement, on a une opportunité au niveau de l’humanité aujourd’hui, et on veut lui donner la possibilité d’exister. Il s’agit de s’assurer que cette opportunité extraordinaire qu’est l’Internet ne succombe pas sous les coups de boutoirs des gens en place qui ont peur de ces changements, parce qu’il n’y comprennent pas grand chose.

Pourtant, on est face à la révolution du savoir. Il ne s’agit pas de savonner la planche de qui que ce soit. On veut la mort de personne, mais simplement que les gens aient accès au savoir: que l’humanité saisisse pleinement l’opportunité que représente Internet.

Les battements numériques du Drumbeat

Crédits photos par homardpayette sur le compte FlickR de Mozilla, et ceux de Henrik Moltke et Zbigniew Braniecki

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